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Comment Lim, Mendes et Nuno ont pris le contrôle de Valence
Le FC Valence et l'AS Monaco ont un dénominateur commun, Jorge Mendes. Mais si le Portugais est bien implanté sur le Rocher, c'est bien sur la côte méditerranéenne espagnole qu'il a la mainmise, grâce à ses potes Peter Lim et Nuno Espirito Santo.
Tout commence en 2003. Jorge Mendes, l’agent qui monte, n’est prophète qu’en son pays, où il a symboliquement détrôné José Veiga à l’issue d’une baston improvisée à l’aéroport de Portela en 2001. Mais ça ne suffit pas. Mendes en veut toujours plus. Il veut se faire une place au sommet du football européen. Ça tombe bien, il y a, dans sa liste de clients, un jeune homme qui rêve du même destin que lui. Cristiano Ronaldo, 18 ans, sort de sa première saison professionnelle, mais est déjà trop grand pour le Sporting. Le patron de Gestifute en est conscient et tente de refiler son poulain à de gros noms européens, dont le FC Valence. « (Mendes) nous avait proposé Ronaldo pour 9 millions d’euros. On y a réfléchi, puis Manchester a joué un match amical contre le Sporting. Ils ont fini par l’acheter à la fin du match » , raconte Manuel Llorente, ancien président et actionnaire des Murcielagos. C’est là le premier contact entre le super agent et les Ches.
Ces derniers ne le savent pas encore, mais une dizaine d’années plus tard, le Portugais deviendra l’homme le plus influent du club, par l’intermédiaire de Peter Lim, et sera à l’origine de plusieurs crises internes. La pomme de la discorde entre le clan Mendes-Lim et celui de l’ancien président, Amadeo Salvo (dans lequel on peut inclure Rufete, ndlr) s’appelle Nuno Espirito Santo. Pistonné par celui qui gère sa carrière depuis 1996, l’ancien gardien du FC Porto est arrivé sur le banc de Mestalla en 2014 contre la volonté de Salvo et du directeur sportif Rufete, alors favorables à la prolongation du contrat de Juan Antonio Pizzi. Grâce à sa relation privilégiée avec Mendes, Nuno voit sa marge de manœuvre augmenter et celle du duo Salvo-Rufete décroître, poussant ce dernier à quitter le club au début du mois de juillet dernier. « Ça n’aurait aucun sens si je décidais de rester sans pouvoir décider de quoi que ce soit. Aujourd’hui, Peter Lim est aux commandes, c’est lui qui prend les décisions » , expliquait Salvo le jour de son départ dans la presse espagnole.
Bars mancuniens à Singapour et rachat manqué de Liverpool
Pour comprendre comment le richissime homme d’affaires en est venu à arracher le FC Valence des mains du groupe Bankia en 2014, il faut remonter plusieurs années en arrière. Fils de vendeurs de poissons, diplômé en finances et comptabilité à l’université de Perth, en Australie, le Singapourien est un véritable self made man. Après ses études, il retourne au pays et intègre la bourse nationale, où il gagne le surnom de « roi des commissions » , avant de se lancer dans le fructueux commerce d’huile de palme. Bien lui en prend, car c’est précisément grâce à l’ingrédient décrié que Lim devient l’un des hommes les plus riches du pays. Grâce à sa nouvelle fortune, il investit un peu partout, du BTP aux fringues en passant par une chaîne de cliniques privées. Très vite, il pense au football, l’un de ses sports favoris.
L’actuel propriétaire fait son apparition dans le monde du ballon rond au début des années 2000, lorsqu’il décide d’acheter la licence Manchester United pour ouvrir des bars à thèmes aux couleurs des Red Devils en Asie. L’homme qui lui donne le feu vert n’est autre que Peter Kenyon, alors pas loin de faire ses valises pour Chelsea. L’Anglais présente Lim à Jorge Mendes, et les deux hommes sympathisent au point de devenir amis. Désireux de diriger un grand club, le milliardaire s’en remet à son pote portugais, qui échoue plusieurs fois avant de lui offrir le poste rêvé. En 2010, le Singapourien tente vainement de racheter Liverpool, tandis qu’en 2013, Mendes le fait entrer dans le game à l’Atlético Madrid, allant jusqu’à le convaincre de prêter de l’argent aux Colchoneros, dans le but de l’installer à terme au sommet de la hiérarchie du club. Là encore, la démarche échoue. Mais le super agent avait déjà enclenché le plan B en parallèle. Ce plan B, c’est Valence. « On s’est vu pour la première fois tous les trois à Paris à l’occasion d’un match retour de Ligue des champions contre le PSG (en 2013, ndlr).Mendes disait à Lim : « Il faut que tu investisses, il faut que tu investisses. » Il n’arrêtait pas de lui répéter » , se rappelle Llorente. À force d’insister, le boss de Gestifute obtient ce qu’il veut et, en 2014, au terme de longs mois de négociations, l’investisseur devient l’homme fort des chauves-souris. Il reprend 70,4% du club via sa société Meriton Holdings Limited.
Lim investit, Mendes et Nuno dirigent
La paire Mendes-Lim (qui cache aussi Peter Kenyon, jamais bien loin) fonctionne simplement. Le Portugais demande au Singapourien d’investir dans des joueurs avec qui il est lié, tandis que ce dernier se contente de brasser des millions sur retour d’investissement. Exemple. Peter Lim a racheté, pour 45 millions d’euros, les droits sportifs d’Ivan Cavaleiro, Bernardo Silva, João Cancelo et André Gomes, à l’époque où tous appartenaient encore à Benfica, qui avait un besoin urgent de liquidités. Concernant les deux joueurs de Monaco et étant donné que les TPO sont interdits en France, le patron valencien n’a pas été payé directement, mais a logiquement reçu de belles commissions en retour. En revanche, il est difficile de savoir combien, sur les 30 millions que sont censés valoir les deux Monégasques, les Lisboètes en ont réellement perçu. Sans compter que Mendes a lui aussi touché un petit pactole dans cette histoire.
Mais la liaison entre le super agent et son associé transcende la seule question des transferts et des chiffres qui vont avec. Grâce à la liberté d’action totale que lui offre Peter Lim, le natif de Lisbonne peut placer qui il veut sur la pelouse de Mestalla, mais aussi sur le banc. On en revient donc à Nuno Espirito Santo, manager plutôt que simple entraîneur des Ches. Aujourd’hui, c’est ce dernier qui se charge de prendre les grosses décisions sportives, un peu comme si Mendes lui avait filé les clés de la maison. Car l’agent sait que son client historique servira ses intérêts autant que possible. Le pouvoir de Nuno a tellement crû qu’il s’est récemment permis d’envoyer balader Rufete, sur les dossiers Vietto et Aleix Vidal, alors que ces derniers avaient déjà donné leur accord pour signer à Valence. Mieux, alors que le trio Nuno, Rufete, Salvo s’était mis d’accord pour abandonner la piste Rodrigo Caio, fortement désiré par le coach lusitanien, l’ancien technicien de Rio Ave se permet quand même d’agir dans le dos du président et du directeur sportif pour faire venir le joueur à Mestalla (le Paulista échouera finalement à la visite médicale en raison d’un genou défaillant). Cette ultime polémique motive les deux hommes trahis à quitter leur maison, désormais dirigée par le trio luso-singapourien sur qui repose toute la pression liée aux résultats sportifs du FC Valence. Même si Jorge Mendes est un peu moins concerné que ses deux amis, car également fortement implanté à Monaco. Ou comment gagner la partie à tous les coups.
Par William Pereira