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Comment les footballeurs font-ils faillite ?
Ils étaient riches et ont tout perdu. Carrière brisée, placements hasardeux, dépenses excessives, conseillers véreux, addiction aux jeux, à l’alcool ou à la drogue, divorces coûteux… Les causes sont multiples, le résultat est toujours le même : un compte en banque qui perd ses zéros, le fisc qui rapplique et une faillite personnelle officialisée. Certains s’en sont relevés, d’autres en payent encore les conséquences. Banqueroute !
Bruno Bellone, José Touré, Paul Gascoigne, Colin Hendry, Crescencio Cuellar, Keith Gillespie, Celestine Babayaro, Jason Euell, Carl Cort, John Barnes, John Arne Riise, Eric Djemba-Djemba, Ferenc Puskas, Dietmar Hamann… La liste est longue et non exhaustive. Tous ces joueurs ont, pendant ou après leur carrière sportive, fait faillite. Des joueurs qui avaient pourtant accumulé plusieurs millions d’euros avant de raccrocher les crampons. Brad Friedel et Lee Hendrie se sont récemment ajoutés à ce groupe qu’on pourrait surnommer « Les sous-doués font de la finance » .
Qui a la plus grosse… voiture ?
À 42 ans, Friedel n’a toujours pas raccroché les crampons. Les presque cinq millions de livres sterling de dettes accumulés par son académie de football dans l’Ohio, déclarée en faillite en 2011, n’y sont sans doute pas étrangers. Pas sûr que la dernière année de contrat du portier américain à Tottenham lui suffise à se réconcilier avec le fisc. La situation est encore plus compliquée pour Hendrie. L’ancien espoir du football anglais et joueur emblématique d’Aston Villa a tout perdu. Une carrière en pleine déliquescence, des mauvais choix sportifs, un divorce et de mauvais investissements l’ont ruiné, le conduisant à un endettement de plus d’un million de livres ainsi qu’à deux tentatives de suicide. Hendrie doit désormais répondre de sa faillite devant les tribunaux.
À l’image des cas Friedel et Hendrie, les causes des faillites sont multiples. La première est le joueur lui-même. En début de carrière, lorsqu’il reçoit ses premières fiches de paye, celui-ci a naturellement tendance à dépenser plus que de raison, en arrosant son entourage, mais surtout en achetant une voiture au-dessus de ses moyens du moment. Une sorte de tradition chez les footballeurs pros. « C’est le milieu qui veut ça, confirme Gaël Jouinot de la société Play Zen qui s’occupe de l’accompagnement financier, comptable et juridique de nombreux footballeurs professionnels. Un joueur, quand il est dans un club, il se doit d’être un peu comme tout le monde. Je me souviens d’un joueur qui en critiquait un autre parce qu’il venait avec une petite voiture, une voiture sympa, une Mini. Alors que l’autre venait en Bentley. Il lui disait « C’est la honte, tu nous fais honte. » » Si t’as pas une Bentley à 20 ans, t’as raté ta vie.
Dans le rouge sans même le savoir
Deuxième phénomène, encore davantage propice à la faillite, les impôts et les conseillers financiers. De nombreux joueurs payent en effet leurs impôts avec du retard. Cela peut être dû à une simple négligence occasionnelle, mais aussi à une certaine incompréhension, celle de devoir donner 50% de son salaire. C’est quand le retard s’accumule que les problèmes commencent. « Un joueur qui a 18 ans qui gagne 10 000 euros par mois, il ne va pas mettre la moitié de côté, il va dépenser, explique Gaël Jouinot. Et ensuite ce n’est plus la moitié qu’il faudra mettre de côté, mais 100%, car il faudra rattraper. C’est un engrenage. »
Pour les aider à gérer leurs finances, les joueurs peuvent normalement compter sur des conseillers. Mais ces derniers ont tendance à ne faire qu’empirer les choses. « Ils font faire des placements à risque, notamment en bourse, où il faudrait plutôt un horizon à vingt ans, ce que le joueur n’a pas, critique Jouinot qui considère également comme dangereux les investissements immobiliers réalisés par les footballeurs. Le joueur de foot pense qu’il lui faut impérativement un maximum d’appartements. C’est une erreur absolue en gestion de patrimoine. On voit qu’en fin de carrière, ça ne leur rapporte quasiment rien, à part à payer de l’ISF, des charges et de l’impôt sur les loyers qu’ils espèrent avoir. Malheureusement, avec ça, ils vont emprunter sur des durées effarantes avec des mensualités déraisonnables. »
Le joueur peut alors se retrouver dans une situation financière très précaire, sans même s’en rendre compte, son revenu lui permettant à court terme de payer des charges et des crédits très élevés. À court terme seulement, car son salaire peut être amené à diminuer, lors d’un changement de club, en fin de carrière, ou suite à une blessure par exemple. C’est encore pire lorsqu’il raccroche les crampons. « J’ai vu des joueurs avec 75 000 euros de crédit mensuel, poursuit Jouinot. Ça correspond à plus de 150 000 euros de revenus bruts. Quand le joueur a 300 000 euros, il s’en fout. Mais le jour où il va baisser de revenu, ce ne sera plus du tout pareil. Et le jour où il n’en aura plus du tout, tout ce qu’il avait investi, il va falloir le revendre, à perte. » Ce scénario est un grand classique en Angleterre où, d’après XPro, 60% des footballeurs seraient en faillite dans les cinq ans suivant la fin de leur carrière, ainsi qu’aux États-Unis, dans de nombreux sports comme le basket et le foot US. En France, le phénomène est moins connu, la prévention étant plus développée. Pourtant, selon Jouinot, plus de la moitié des joueurs de foot en France seraient en difficulté financière après leur carrière. Un constat qui reste à démontrer, mais qui, s’il s’avérait exact, poserait la question de l’apprentissage des bases de la gestion financière dans les centres de formation.
par Quentin Moynet