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Comment le Real peut jouer sans Cristiano Ronaldo ?
Cristiano Ronaldo écope de trois matchs de suspension, et tout Madrid s'arrête. Injustice ou pas, Carlo Ancelotti va devoir faire sans le meilleur joueur au monde contre Villarreal, Getafe et Elche à un moment de la saison où Diego Simeone ne lui laisse pas le droit à l'erreur. Durant la phase aller, Cristiano avait mis 5 des 8 buts marqués par le Real Madrid contre ces trois équipes. Comment l'Italien peut-il compenser l'absence de l'omniprésent Portugais ?
Moneyball
Si la théorie de Peter Brand dans Moneyball (le personnage interprété par Jonah Hill) pouvait s’appliquer au football, on répondrait bêtement à la question par le calcul. En 21 matchs joués en Liga, Cristiano a marqué 22 buts, soit plus que Benzema (11) et Bale (8) réunis, et réalisé 6 passes décisives, une touche de balle derrière Bale (7). Quand le Real Madrid tire 20 fois par match, Cristiano arme en moyenne 7,7 tirs. Il faut Benzema, Bale, Di María et Xabi Alonso pour égaler le Portugais, qui est aussi le joueur qui provoque le plus de fautes.
Mais CR7 est loin au classement de ceux qui participent le plus à modeler le jeu d’Ancelotti : 34 passes de moyenne, loin d’Alonso, Ramos, Modrić, Pepe, Marcelo, Isco…. Le numéro 7 ne domine pas non plus les ailes : seulement 0,3 centre par match. Et en défense ? Hormis sa détente pour défendre le fort de Diego López au premier poteau sur corner, l’activité défensive de Cristiano est loin d’être irremplaçable : 0,7 tacle par match, 0,1 interception, 0,7 faute. Conclusion : à défaut de devoir réinventer son animation offensive, qui tourne bien sans lui, Ancelotti va surtout devoir soigner ce que les Espagnols aiment appeler la « définicion » : la concrétisation. Car c’est ce que Cristiano sait faire de mieux : « concrétiser » des ballons, bons ou mauvais, en occasions dangereuses.
L’examen de « Cristiano Jesé »
Sans Cristiano, le Real s’est déjà imposé contre Valladolid 4-0 (triplé et assist de Bale) et contre Galatasaray 4-1, avec un grand Di María. Les deux fois, Ancelotti avait joué en 4-2-3-1, mais c’était avant l’installation du 4-3-3 qui a vu Di María reculer au poste de milieu intérieur gauche. Dans ce système, en matière de mouvements, le jeu madrilène ne penche pas naturellement à gauche, donc il n’y a pas de raison que cela change sans Cristiano. Tactiquement, Ancelotti va devoir trouver un homme capable d’étirer la défense, se lancer dans la profondeur, être aussi dangereux dans la surface qu’à l’extérieur, aller provoquer son vis-à-vis et jouer très, très, très rapidement.
Pourtant, ce matin, Madrid est zen. Marca a déjà trouvé son homme : Jesé. Après avoir fait sa Une avec le titre « Jesélection » pour revendiquer la candidature du Canarien de 20 ans à la Roja, le quotidien annonçait hier la naissance d’un nouveau concept : « Cristiano Jesé » . Explications : « Demain, on peut imaginer qu’un supporter distrait puisse arriver au Bernabéu après l’annonce des onze et se rendre compte seulement à la vingtième minute de l’absence de Cristiano. Le Canarien est une réplique du Portugais et sait imiter ses gestes, ses manies et ses mouvements. » Il faut dire que les arguments ne manquent pas : Jesé reste sur 3 buts en 3 titularisations et s’impose comme le joueur concret que le Real attendait en l’absence de Bale : des efforts, des buts et peu de touches de balle. Donc : 4-3-3 avec Jesé à gauche.
Vers la démocratisation du Royaume Cristiano
Après trois éliminations de suite en demi-finale de C1 et douze ans d’attente, Madrid veut la Décima. Lors de ces trois éliminations, si Cristiano n’a pas su porter les siens assez haut, la poussée aurait été suffisante si le reste des troupes offensives avait suivi. En 2010, c’est le poteau d’Higuaín face aux cages vides d’Hugo Lloris. En 2012, Benzema, Di María et leurs remplaçants Higuaín et Kaká restent muets face au Bayern. En 2013, Benzema et Ramos arrivent bien trop tard. Évidemment, 2011 est hors-catégorie. Pour ses coéquipiers, Cristiano est une référence, un phare, et un secours sur lequel il est facile de se reposer quand le combat se durcit. Mais pour triompher, Ancelotti devra savoir transformer ses seconds couteaux en héros.
C’est l’une des missions d’Ancelotti : donner plus de confiance au groupe à l’heure d’affronter les matchs les plus importants de la saison. Par chance, cette sanction arrive à un moment où Carlo s’est offert une carapace de sérénité dans la jungle footballistique de Madrid. Comme un symbole, l’Italien a vaincu Simeone sans aucun but de son franchise player. Di María est en train de prendre une nouvelle dimension à son nouveau poste (qu’il occupe aussi avec la sélection argentine), Bale devrait revenir aujourd’hui, Benzema ne traverse pas son meilleur moment, mais marque (11 buts, 5 assists), et enfin Modrić et Isco apportent au Bernabéu du jeu, du ballon et du contrôle.
Comment remplacer l’état d’esprit ?
Tactiquement et statistiquement, c’est donc possible. Et dans l’état d’esprit ? L’ambition et le caractère ne se remplacent pas. En 31 matchs depuis le début de la saison, Cristiano n’est sorti en cours de jeu que trois fois. CR7 est toujours là, toujours jusqu’au bout et toujours à 100%. Élu 7 fois homme du match en 21 matchs de Liga, El Siete est un chasseur insatiable d’accomplissements unique et irremplaçable. Une démonstration de professionnalisme au quotidien, pour ne pas parler d’obsession, qui a conduit à l’exploit suivant : seuls trois matchs ne l’ont pas vu être décisif (but ou assist) cette saison.
Mais en football, non seulement les meilleurs joueurs ne gagnent pas toujours, mais le mystère de la cohérence d’un projet de jeu collectif reste entier. Qui sait, et si le Real était meilleur sans Cristiano ? Après tout, ce Barça-là fonctionnait mieux avant le retour de ce Messi-là. Avec plus de place et de confiance octroyés à ses seconds couteaux durant trois matchs loin d’être insurmontables, l’impact de cette suspension pourrait s’avérer positif pour Madrid. Une occasion de démontrer que le Real Madrid est au-dessus de ses champions, aussi grands soient-ils.
Par Markus Kaufmann
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