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Comment le petit Robert Lewandowski est devenu géant

Par Raphaël Brosse et Alexandre Lazar
Comment le petit Robert Lewandowski est devenu géant

Cela fait maintenant un sacré bout de temps que Robert Lewandowski martyrise les défenses d’Allemagne et d’Europe, agrandit sans cesse son palmarès et collectionne les distinctions individuelles, à l’exception notable de la plus prestigieuse d’entre elles. Voilà pour la vitrine, que tout le monde connaît. À y regarder de plus près, on remarque cependant que le Polonais du Bayern Munich n'a pas connu un début de parcours en forme d'ascension irrésistible et, surtout, qu'il a été construit par son cercle proche. Un père parti bien trop tôt, une mère au rôle décisif, une épouse aux conseils aussi précieux qu’étonnants : gros plan sur ceux qui ont permis au jeune et gringalet Bobek de devenir la machine à buts la plus redoutable au monde.

Stanisław, Jerzy, Michał, Adam, Marek, Piotr… Qu’ils soient typiquement slaves ou aux racines latines, les prénoms masculins polonais ne manquent pas. Mais Krzysztof et Iwona Lewandowski ont opté pour le contre-pied au moment de baptiser leur second enfant, né le 21 août 1988 dans une maternité de Varsovie : il s’appellera Robert, et pas autrement. Un blase d’origine germanique, notamment plébiscité au Royaume-Uni. Et un choix qui ne doit rien au hasard. « Si c’est un garçon, il doit avoir un prénom international, pour que cela ne pose pas de problème, aurait dit le paternel, comme l’a relaté la maman à Przegłąd Sportowy. Si c’est Robert, peut-être que les Anglais l’appelleront Bob. » 33 ans plus tard, son fils n’a jamais évolué en Premier League et, a priori, n’a donc pas été affublé d’un tel surnom. Même si elle peut aujourd’hui prêter à sourire, cette anecdote reste toutefois très révélatrice de l’état d’esprit des parents de Robert Lewandowski. Étaient-ils obsédés par l’idée que leur protégé devienne une star internationale, et cela avant même sa naissance ? Certainement pas. Mais il fallait l’aider, en mettant toutes les chances de son côté. Vraiment toutes.

Je voulais qu’il devienne volleyeur, mais j’ai compris que ce serait impossible parce qu’il n’avait pas les qualités typiques d’un joueur de basket ou de volley.

Adepte du cross-country

Et il ne pouvait probablement rien arriver de mieux au petit Robert que de grandir au sein d’une famille de sportifs. Ses parents, qui se sont rencontrés à l’Académie d’éducation physique, sont profs de sport. Le père, Krzysztof, a été champion national de judo et a tâté le cuir au Hutnik Varsovie (D2 polonaise). La mère, Iwona, a pratiqué le volley à haut niveau à l’AZS, club féminin majeur de la capitale. La sœur aînée, Milena, deviendra elle aussi volleyeuse et ira jusqu’à porter les couleurs des Espoirs, sans pour autant passer professionnelle. Au milieu, Bobek met un peu de temps à trouver sa voie. « J’ai pratiqué tous les sports possibles, du judo à la course de fond, raconte celui qui vivait alors à Leszno, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Varsovie. Mes parents ne m’ont jamais rien imposé, ils ont tout fait dans le but de me rendre heureux. En cross-country, j’ai tout gagné jusqu’à la dernière année de l’école secondaire. »C’est le ballon rond qui finit, inéluctablement, par avoir les faveurs de Lewy. Quitte à parfois cumuler le week-end, en s’alignant au départ d’une course de fond un jour et en plantant ses buts le lendemain. « Je voulais qu’il devienne volleyeur, mais j’ai compris que ce serait impossible parce qu’il n’avait pas les qualités typiques d’un joueur de basket ou de volley », regretterait presque sa mère, avant d’ajouter : « Il fallait qu’il connaisse les bases d’autres disciplines. Maîtriser les techniques de chutes en judo ou du volley-ball lui a permis d’éviter de nombreuses blessures par la suite. »

Pour le benjamin de la famille Lewandowski, il est donc temps de se consacrer au football. D’abord au Partyzant Leszno (où il n’a cependant jamais été officiellement licencié) puis, de 1997 à 2004, au Varsovia Varsovie. Ce centre sportif interscolaire aux installations vétustes, voire inexistantes en ce qui concerne les vestiaires, se trouve à une grosse quarantaine de minutes de route – souvent bien plus, en réalité – du domicile familial. Pas un problème pour Krzysztof, qui ne rechigne jamais à avaler les kilomètres pour amener son bambin à l’entraînement, attend durant deux heures sur place et, une fois la séance terminée, effectue le trajet inverse. Cette passion commune pour le ballon rond rapproche encore davantage le père et le fils. Leur relation semble même fusionnelle.

Je me souviens de lui comme étant le plus petit et le plus fin des garçons. Ses jambes ressemblaient à deux maigres bâtons.

Communion expéditive, drame et rebond inespéré

Le prof de sport en poste à Leszno n’est pas du genre à beugler le long de la main courante, ni à faire pression sur le coach pour qu’il accorde plus de temps de jeu à son poulain. Il est pourtant persuadé que Robert finira par percer, même s’il ne tape pas immédiatement dans l’œil de ses formateurs. « Je me souviens de lui comme étant le plus petit et le plus fin des garçons, s’est remémoré son premier entraîneur, Marek Siwecki, dans World Soccer Magazine. Ses jambes ressemblaient à deux maigres bâtons. » Déterminé, le jeune Varsovien peut compter sur le soutien inconditionnel de son paternel, qui lui concocte parfois des séances individuelles… et négocie même avec le curé du village pour écourter sa première communion, qui risquait de lui faire manquer un match. « Le prêtre, avec qui nous nous entendions bien, a été coopératif », s’amuse Iwona. « Au moment où la communion s’est terminée, j’ai fait le signe de croix, puis mon père et moi avons couru jusqu’à la voiture et tracé notre route ! Bien sûr, nous avons gagné le match », narre le Bavarois.

En mars 2005, un drame vient cependant bouleverser l’équilibre de l’adolescent. Gravement malade, Krzysztof décède des suites d’un AVC survenu pendant son sommeil. Il avait 49 ans. Son fils n’en a alors que 16, et sa vie bascule. « Soudain, je suis devenu le seul homme de la famille, souffle RL9. Je savais que je devais veiller sur ma mère et ma sœur. » C’est dans ce contexte que le jeune homme prépare ses examens et fait ses débuts en seniors, au Delta Varsovie (D4). Son père, ce modèle qu’il idolâtrait, n’est plus là. Heureusement qu’il peut encore se raccrocher à sa mère, son indispensable point de repère. « J’ai beaucoup de respect pour tout ce qu’elle a fait pour moi. Elle a dû être à la fois une mère et un père », reconnaît le futur international polonais. En 2005 toujours, celui-ci intègre la réserve du prestigieux Legia. Une nouvelle étape qui a bien failli être la dernière. Robert reste sur le flanc pendant une partie de la saison à cause d’une blessure à un genou, puis ne parvient pas à séduire son entraîneur. Quand il apprend qu’il ne sera pas conservé, le choc est brutal. « C’était l’un des pires jours de ma vie. Mon père était mort, et là ma carrière était sur le point de s’écrouler », rembobine l’attaquant.

Au fond du trou, Lewandowski retourne jusqu’à la voiture dans laquelle se trouve sa mère, puis éclate en sanglots. Iwona, elle, garde la tête froide. Il est absolument hors de question que son fils baisse les bras. « Elle était si forte, se souvient-il.Elle a dit :« OK, nous avons du boulot. Ça ne sert à rien de penser au passé, nous devons faire quelque chose. » » Très vite, l’ancienne volleyeuse prend contact avec les dirigeants du Znicz Pruszków, qui avaient déjà tenté une approche quelques mois plus tôt. Bingo : le club de deuxième division est toujours intéressé, et c’est donc là-bas que Lewy signe son tout premier contrat professionnel. Contre vents et marées, ses parents lui ont donc mis le pied à l’étrier, puis ont tout fait pour lui éviter une chute fatale. C’est au tour de quelqu’un d’autre, désormais, de l’accompagner dans sa folle chevauchée.

Je n’aurais pas pu réussir de telles performances sans l’aide de mes proches. Et la plus importante a été ma femme, Anna.

Au nom d’Anna

Il paraît que derrière chaque grand homme se tient une grande femme. Anna Lewandowska (née Stachurska), la moitié de Robert depuis 2013, donne raison à ce poncif éculé. Aux antipodes d’une WAG classique ou d’une Karénine, elle est aux avant-postes dans la quête de perfection de son mari, équilibre sa vie et ne laisse rien au hasard. Jusqu’au sacrifice. À la fois la mère de ses deux filles Klara et Laura, mais aussi sa coach personnelle, elle a rangé ses stéréotypes sur les footballeurs au placard et l’a canalisé pour en faire cet Aigle blanc qui ne vole pas avec les pigeons, le plus grand joueur de l’histoire de Pologne. « Je n’aurais pas pu réussir de telles performances sans l’aide de mes proches. Et la plus importante a été ma femme, Anna. Nous nous sommes rencontrés à l’université, quand j’étais encore en première année et que je jouais au Znicz Pruszków, déballe RL9. Elle étudiait la nutrition et l’éducation physique. Quand j’avais 26 ans, nous avons commencé à utiliser ses connaissances pour améliorer mon régime et mon approche mentale du jeu. Nous avons disséqué chaque problème. J’ai aussi compris quelque chose qu’il faudrait enseigner à tous les jeunes footballeurs : parlez de vos problèmes, au lieu de les garder à l’intérieur. C’est beaucoup plus facile de les résoudre de cette façon. »

Issue d’une famille qui ne manquait initialement de rien, Anna a toutefois connu les dédales de Caritas, le Secours catholique polonais, chez qui la famille Stachurski venait s’approvisionner en vêtements chauds l’hiver. La faute au père, Bogdan, ancien directeur de la photographie, qui a abandonné Anna, sa mère Maria et son frère cadet Piotr en l’an 2000, alors qu’elle n’avait que douze ans. Par la suite diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie, son frangin sert tant bien que mal de figure paternelle de substitution. Mais seul le karaté, discipline dans laquelle elle a notamment décroché deux titres de championne d’Europe (et 38 médailles jusqu’en 2014), lui permet de vaincre le désespoir, et le sentiment d’insécurité lié au départ soudain de son géniteur.

Cette histoire personnelle chaotique, parfois en miroir de celle de son mari, frôle même la tragédie en 2017, lorsque la première fille du couple, Klara, naît par césarienne après trente heures d’accouchement. À bout de souffle et essorée, Anna manque d’y laisser sa vie. « Le pire était mon impuissance face à la situation, pas la vue du sang, parce que j’en ai vu plein de fois sur un terrain. Rien qu’en restant debout à côté, j’étais fatigué. Alors j’admire Anna, par rapport à tout ce qu’elle a enduré », livre Robert. Ce soutien et cette admiration, Anna les lui rend en se consacrant aux à-côtés du terrain, de son alimentation à sa condition physique et à… sa position pour dormir, avec la consultation d’un expert du sommeil pour bannir coups de mou et blessures.

Robert Lewandowski a toujours eu la volonté d’aller au bout de ses études.

La réussite comme seule routine

Quand il n’est pas à l’entraînement en train d’améliorer son explosivité, entre deux séances d’haltérophilie et de kickboxing, Robert travaille sa force et sa concentration lors de séances de gymnastique concoctées par sa femme. Diététicienne reconnue et auteure de multiples bouquins sur l’alimentation saine, Anna a aussi établi un plan de nutrition concis (ou de bataille, au choix), qui le suit depuis huit ans et s’inscrit dans la quête des gains marginaux. Comprenez, l’art d’améliorer tous les détails pour atteindre le firmament. En tête de liste, la suppression du lactose et de la farine de blé dans les repas, mais aussi le début des repas par le dessert, via des crêpes ou des brownies le plus souvent, histoire de diminuer l’appétit et de maintenir un poids de forme optimal. Celui qui a valu au natif de la ville de Chopin d’être surnommé The Body par ses anciens coéquipiers au Borussia Dortmund, puis de scotcher son entraîneur au Bayern (2014-16), Pep Guardiola, pour qui Lewy est « l’un des footballeurs les plus professionnels avec lesquels [il a] travaillé ». « Avec Anna, on mange beaucoup de poisson frais, d’épices ou de spaghettis de légumes. Parfois, après les entraînements, je tourne aussi au jus de betterave à la cannelle ou au poivre de Cayenne », abonde le tout récent lauréat du prix Maradona. Coup dur pour le żurek et autres spécialités culinaires polonaises copieuses.

On pourrait aussi dresser un inventaire à la Prévert des activités du couple Lewandowski hors du champ sportif, de sa générosité auprès d’œuvres caritatives et de son implication dans divers business (on vous recommande vivement le fameux café intense RL9 Coffee). Ça y est, c’est vrai, le petit Robert est devenu grand. Très grand, même. Mais il n’a jamais dévié du cap fixé par ses parents. Plus jeune, le football ne devait en aucun cas l’inciter à négliger l’école. Finalement, le Munichois est resté étudiant jusqu’en… octobre 2017, date à laquelle il a présenté sa thèse, intitulée RL 9, la route de la gloire. « Robert Lewandowski a toujours eu la volonté d’aller au bout de ses études, assure Marek Rybinski, enseignant présent dans le jury ce jour-là. Notre université a juste fait en sorte qu’il puisse les concilier avec ses devoirs professionnels avec le Lech Poznań, le Borussia Dortmund puis le Bayern Munich, et avec ses convocations en sélection. » Enfin, il y a ce père, qui aurait sans doute été si fier de suivre au plus près l’ascension de son champion de fils. « Il me manque, j’espère qu’il regarde mes matchs de là-haut », a avoué, au moment de recevoir le prix de footballeur polonais de l’année 2020, le numéro 9 de la Reprezentacja, qui pointe fréquemment ses doigts vers le ciel lorsqu’il marque. Tenez-vous le pour dit : un hussard n’oublie jamais d’où viennent ses ailes.

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Par Raphaël Brosse et Alexandre Lazar

Propos de Robert Lewandowski issus de Players' Tribune, Przegłąd Sportowy, TVP, Gala et Bild, ceux de sa mère issus de Przegłąd Sportowy et ceux de Marek Rybinski recueillis par Arthur Jeanne pour Sofoot.com.

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