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Comment le clan De Laurentiis a dépouillé Bari
Club emblématique du football de la Botte, à 120 secondes d’un retour en Serie A la saison passée, Bari est passé en l’espace d’un été du rêve au cauchemar. Dans les Pouilles, il suffit de prononcer un patronyme pour entendre des noms d’oiseau : De Laurentiis.
Été 2018. Alors que la France célèbre sa deuxième étoile et que la Juve voit débarquer Cristiano Ronaldo, un monument du football transalpin vit un été chaotique. Sept piges après sa dernière saison dans l’élite italienne, Bari patauge en Serie B et peine à retrouver la Serie A. Et le 16 juillet 2018, tout bascule. Endettée à hauteur de 12 millions d’euros, la Vecchia Stella del Sud (« la Vieille Étoile du Sud », en VF) est déclarée en faillite et se retrouve rétrogradée administrativement en Serie D. Le club est alors à la recherche d’un repreneur. C’est alors qu’un sauveur débarque (presque) de nulle part, le scintillant Aurelio De Laurentiis. « J’ai choisi De Laurentiis car il représente la solidité économique et la compétence sportive », se justifie alors Antonio Decaro, maire de la ville, au sujet du propriétaire du Napoli. Ce dernier promet alors que « Bari retrouvera très vite l’élite du football italien » et décide de placer son fils Luigi à la présidence.
Sous la houlette du clan De Laurentiis, Bari renaît de ses cendres et ne tarde pas à retrouver la Serie B. En juin dernier, les Galletti sont même proches d’être promus. Après une formidable saison, ils disputent la finale de play-off face à Cagliari. Après un match nul obtenu en Sardaigne, Bari a l’occasion de retrouver l’élite douze ans après, devant ses quelque 50 000 tifosi présents dans la mythique enceinte San Nicola. Mais un certain Leonardo Pavoletti viendra mettre fin aux rêves biancorossi. Peu importe, Bari a retrouvé de sa superbe. L’avenir s’annonce donc radieux.
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Tout est chaos
Un tacticien, Michele Mignani, développant un football alléchant, un effectif de qualité et surtout une ferveur comme il en existe peu dans la Botte, la SSC Bari nourrit alors de grandes ambitions à l’aube de cette nouvelle saison. « La gestion du club par la famille De Laurentiis était jusqu’ici impeccable », replace Giosè Monno. Tifoso de Bari depuis sa tendre enfance, celui qui transmet sa passion sur le site TuttoBari est emballé, comme la grande majorité des supporters. « La Serie A est un objectif clair que nous visons dans les prochaines années », déclare même Luigi De Laurentiis en avril dernier. Mais comme souvent avec les De Laurentiis, rien ne se passe comme prévu.
Si à la base, la gestion des deux clubs était bien distincte, les résultats probants de Bari ont paradoxalement tout chamboulé. Voyant que le club des Pouilles fonctionne, le Napoli décide alors de recruter, pour ne pas dire piocher, deux éléments essentiels de celui-ci : le portier Elia Caprile et l’attaquant Walid Cheddira, auteur de 17 buts la saison dernière, pour sept millions d’euros. « Ces deux ventes sont inexplicables et n’ont rien apporté économiquement au club, étant donné que Bari devait reverser respectivement 30% du prix de vente à Leeds pour Caprile et 50% à Parma pour Cheddira (Leeds et Parma disposaient d’un pourcentage à la revente sur les deux joueurs, NDLR) », s’agace Giosè Monno, qui ajoute que « le Napoli a également pioché dans la Primavera les joueurs les plus talentueux ». Ironie du sort, Cheddira et Caprile sont ensuite prêtés dans la foulée respectivement à Frosinone et Empoli.
Alors que les concurrents se renforcent, le mercato des Galletti ne décolle pas, et les départs ne sont pas compensés. « Le mercato a été mauvais, pour ne pas dire médiocre », avance Massimiliano Tangorra. Formé à Bari, l’ancien défenseur regrette le virage pris par le clan De Laurentiis : « Le projet partait sur de bonnes bases, mais ils ont tout saboté. Ils ont recruté des joueurs pas au niveau d’un club ambitieux qui vise la promotion en Serie A. » Un constat partagé par Monno : « Notre mercato ne présageait rien de bon. Il a débuté tardivement avec surtout un silence radio de la direction, alors que celle-ci nous promettait une promotion. Ils ont travaillé sans idées, et voilà le résultat. »
Forcément, le début de saison de Bari est chaotique. Après neuf journées, Michele Mignani – grand artisan de la réussite du club depuis son arrivée en 2021 – est licencié. Une décision vivement contestée par les tifosi. Les mauvais résultats s’enchaînent, et malgré le triple changement d’entraîneur, Bari se retrouve à jouer le maintien. Pour ne rien arranger, le club est également dans le rouge financièrement avec une supposée dette de 245 000 euros à la mairie de la ville, que celui-ci dément.
Les sifflets descendants des travées du San Nicola font désormais partie du paysage, et les supporters commencent à s’agacer. « Bari est un club mythique du football italien, qui a évolué pendant 30 saisons en Serie A, qui a eu des champions dans ses rangs. Il faut le respecter », affirme Monno. Véritable amoureux de Bari où il est revenu il y a quelques années pour entraîner les jeunes, Tangorra compatit avec la colère des tifosi. « Ils ont toujours été fidèles et se rendent compte que les promesses ne sont pas respectées. Les dirigeants, mais aussi les joueurs, ne respectent pas le maillot, la colère est justifiée. » Mais les amoureux de Bari ne sont pas au bout de leur surprise.
« Cassez-vous ! »
« On accuse le Napoli de ne pas avoir une équipe de jeunes, de ne pas investir suffisamment sur la formation. Mais c’est faux, nous avons une deuxième équipe, Bari, sur laquelle nous nous basons. » En conférence de presse, Aurelio De Laurentiis déclare sans sourciller que Bari n’est autre qu’une succursale du Napoli. La bombe est lâchée. Dans un communiqué publié dans la foulée, le fils Luigi s’oppose aux propos de son géniteur : « Je me dissocie des propos de mon père. Il peut arriver qu’un fils ne partage pas le même avis que son père, et c’est mon cas actuellement. Je défendrai toujours les intérêts du club, et Bari passera toujours en premier. »
Mais le mal est fait, et les tifosi ne tardent pas à exprimer leur colère : des banderoles « Cassez-vous putain » ou encore « Non à la multipropriété » sont affichées partout dans Bari, mais aussi à Rome, devant Dino Città, les studios de cinéma d’Aurelio De Laurentiis. Dans un communiqué, la Curva Nord n’y va pas de main morte : « Les déclarations d’Aurelio De Laurentiis ne font que confirmer le mépris de la direction envers son club. Un club en déroute avec une direction qui a préféré démanteler une équipe plutôt que de la renforcer. Nous avons une histoire, une identité et nous n’accepterons jamais d’être la deuxième équipe d’une autre. Nous exigeons l’arrivée d’une nouvelle direction qui traitera Bari avec respect. »
Bari – Lecco #CurvaNord #ultras #Bari Banderole contre De Laurentiis #BariLecco (10/02/23) pic.twitter.com/irYUwkfj2M
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« On ne peut pas avoir des ambitions avec la multipropriété, c’est impossible », avance Monno. « C’est tout simplement impossible de gérer deux clubs, l’un en Serie A et l’autre en Serie B, de manière équitable », constate Tangorra, qui s’inquiète de la suite des événements : « On était programmé à jouer la montée et on se retrouve à jouer le maintien. On ne sait pas vers où on va. Il va falloir réussir à se maintenir cette saison, ensuite, on verra. Mais le départ de la famille De Laurentiis est inéluctable. » Un but dans le money time de Jérémy Ménez lors de la dernière journée face à Brescia qui offre le maintien aux Galletti, qui signe ?
Le directeur sportif de Bari agressé par ses propres tifosi devant une station-servicePar Tristan Pubert
Propos de Monno et Tangorra recueillis par TP.