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CAN 1994 : le miracle de la Zambie

Par Théo Denmat

En 1994, la Tunisie était aux premières loges de la résurrection du “Phoenix zambien”, sélection décimée par un terrible accident. Ou comment une équipe de remplaçants est presque parvenue à remporter la Coupe d’Afrique des nations, portée par le souvenir de ses disparus.

Kalusha BWALYA of Zambia during the CAN Africa Cup of Nations 1994 final match between Nigeria and Zambia on April 10, 1994 at El Menzah Olympic Stadium in Tunis, Tunisia.
Kalusha BWALYA of Zambia during the CAN Africa Cup of Nations 1994 final match between Nigeria and Zambia on April 10, 1994 at El Menzah Olympic Stadium in Tunis, Tunisia. (Photo by Eric Renard/Onze/Icon Sport)

C’est l’histoire d’une équipe qui aurait dû entrer dans les livres d’histoire pour ses victoires, et qui l’a fait en s’écrasant avec son avion. La Zambie des années 1990 était, dit-on, la meilleure sélection que l’Afrique ait jamais abritée. Portée par une génération dorée, l’équipe se distinguait surtout des autres par le caractère de son capitaine Kalusha Bwalya, un Golgoth virevoltant révélé à la face du monde en 1988, au sortir d’un tournoi olympique ayant vu la Zambie coller un 4-0 à l’Italie et son jeune attaquant vedette repartir avec un triplé et le Ballon d’or africain sous le bras. Si bien que, depuis la victoire de la Côte d’Ivoire à la Coupe d’Afrique des nations 1992, le continent en était persuadé : la Zambie emporterait tout sur son passage en 1994. Et puis…

CNN en boucle

Au matin du 28 avril 1993, Kenneth Malitoli s’était réveillé avec des fourmis dans les jambes. Premièrement, parce qu’il avait entraînement le matin même avec l’Espérance de Tunis. Et deuxièmement parce qu’il était censé rejoindre le lendemain sa sélection au Sénégal pour un match de qualification au Mondial 1994. Retenu par son club, il devait prendre un vol isolé. « Je me suis levé normalement, puis je suis allé à l’entraînement, remet-il. C’est là que l’entraîneur adjoint m’a informé qu’il y avait eu un crash. » La veille au soir, l’avion militaire REG: AF-319 transportant 30 personnes, dont 18 joueurs chipolopolos, ainsi que l’équipe nationale féminine et le personnel de bord, s’est abîmé dans le golfe de Guinée. Plus tard, on apprendra que le pilote, éreinté par un vol vers l’île Maurice plus tôt dans la journée, a paniqué en voyant le moteur gauche de son appareil en feu juste après une pause ravitaillement en essence à Libreville. Après deux minutes de vol et à 500 m des côtes gabonaises, il a alors éteint la mauvaise turbine, provoquant la chute irrémédiable de l’appareil et la mort de tous ses occupants. « J’ai passé la journée devant CNN, se souvient Malitoli. J’étais sonné. Le journaliste disait que tout le monde était mort. Dont tous mes amis, Moses Chikwalakwala, John Soko, Eston Mulenga » À 333 jours de la CAN organisée en Tunisie, l’équipe est décimée.

Nous avions conscience de jouer pour nous, mais aussi pour honorer des morts. Et il n’y a rien de plus fort pour souder un groupe.

Kenneth Malitoli

Kalusha Bwalya, sauvé de l’accident car il était retenu par le PSV Eindhoven, accepte de reconstruire une équipe, en en devenant le capitaine et sélectionneur. « Cette décision fut prise par le gouvernement, la fédération et le peuple, expliqua-t-il plus tard. J’étais l’ancien capitaine, et nous partagions le même objectif : participer à la Coupe du monde. » Épaulés par le successeur de Sir Alex Ferguson à Aberdeen, l’Écossais Ian Porterfield, ils construisent une nouvelle sélection, faites de bric et de broc, amalgame boitillant d’anciens joueurs et de bizuts. L’équipe se prépare en un mois dans le grand secret en France, à Clairefontaine et Vichy, où Philippe Goubet, ancien directeur du centre de formation de Bordeaux, les assiste de quelques jours durant. « Une moitié de l’effectif était complètement dévastée, tandis que l’autre était remontée à bloc, se souvient-il. Porterfield les forçait vraiment à se concentrer sur le terrain, et à ne pas penser à leurs disparus. » L’équipe loupe la qualification pour le Mondial en s’inclinant contre le Maroc quelques semaines plus tard, mais veut prendre sa revanche lors de la CAN. Et ainsi, le 29 mars 1994, décroche le nul pour son premier match dans la compétition contre le Lesotho. 0-0. Kenneth Malitoli : « Avec Kalusha Bwalya, nous avions reconstruit la sélection à deux. Mais j’étais complètement effrayé. Je me suis alors mis en tête qu’il fallait que l’on relève la tête, que l’on soit à la hauteur de l’héritage que nous avaient laissé tous ces morts. Le futur de la nation était entre nos mains. » Et, comme un symbole, c’est lui qui inscrit le but de la victoire contre la Côte d’Ivoire (79e) deux jours plus tard. La Zambie termine première de son groupe C, le miracle est en route.

Lineup of Zambia during the CAN Africa Cup of Nations 1994 semi-final match between Zambia and Mali on April 6, 1994 at El Menzah Olympic Stadium in Tunis, Tunisia.<br />(Photo by Eric Renard/Onze/Icon Sport)
Lineup of Zambia during the CAN Africa Cup of Nations 1994 semi-final match between Zambia and Mali on April 6, 1994 at El Menzah Olympic Stadium in Tunis, Tunisia. (Photo by Eric Renard/Onze/Icon Sport)

Tabou collectif et pleurs individuels

En quarts de finale, l’ombre du Sénégal semble immense. Comme un clin d’œil au destin qui avait provoqué la tragédie un an auparavant, la Zambie s’impose sur une tête de son défenseur Evans Sakala, l’un des nouveaux venus de l’effectif. Et puis, en demi-finales, c’est la démonstration. Un match que l’on décrit encore sur place comme l’un des plus aboutis de l’histoire des Chipolopolos, un 4-0 infligé au grand Mali, où Litana (8e), Saileti (30e), Bwalya (47e) puis Malitoli (73e) virevoltent, courent, sautent et assomment les Aigles avec brio. « Je n’ai toujours pas d’explication à ce que nous avons réalisé, explique ce dernier. Sur le terrain, nous ne donnions rien aux autres, et nous nous donnions tout. Nous étions cliniques. Notre collectif s’est tout de suite formé, alors que nous n’avions que très peu d’expérience ensemble, grâce à notre état d’esprit. Nous avions conscience de jouer pour nous, mais aussi pour honorer des morts. Et il n’y a rien de plus fort pour souder un groupe. »

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Les joueurs pleurent encore leurs disparus dans le secret de leurs chambres à coucher, mais Malitoli l’affirme : le sujet n’a jamais été évoqué collectivement. « Nous ne parlions que d’une chose : gagner la finale. » Le 10 mai suivant, devant 25 000 spectateurs, l’équipe s’avance donc sur la pelouse du stade olympique d’El Menzah, devant une foule acquise à leur cause, pour défier le Nigeria. Le défenseur Eljah Litana ouvre le score dès la troisième minute, mais Emmanuel Amunike, futur milieu de Barcelone, signe un doublé glacial (5e, 47e) synonyme de triomphe nigérian. « Je n’ai aucun regret, le Nigeria était plus fort que nous sur ce match, avoue Kenneth Malitoli, muet ce soir-là. Mais si l’on avait gagné, on serait entré dans l’histoire du football. On devait gagner pour eux, pour ceux qui étaient morts en 1993. » Beaucoup, cette nuit-là, parleront du « Phoenix zambien » pour évoquer cette équipe que l’on avait vu renaître de ses cendres. Et qui, des années plus tard, après un hommage sur la plage où avait eu lieu le crash, inspirera le discours d’Hervé Renard juste avant la finale de CAN 2012 entre la Zambie et la Côte d’Ivoire : « Je leur ait dit qu’une équipe de remplaçants avait réussi à amener la Zambie en finale en 1994, alors pourquoi pas nous ? Et ils l’ont fait. »

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Dans cet article :
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Par Théo Denmat

Article paru initialement dans SO FOOT CLUB.

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