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Comment la moustache a relancé le football français

Par Ulysse Llamas
6 minutes

Les fines moustaches de Jules Koundé et Ousmane Dembélé ressortent Raymond Domenech, Bernard Genghini et Adil Rami des livres de mode, et posent une question : le foot français est-il meilleur avec moustache ? Un article capillotracté.

Comment la moustache a relancé le football français

Il paraît que la plus belle moustache épouse le visage. Elle en trace les contours, avec une couleur à peine différente des cheveux. Elle figure les rides sans vieillir. Elle raconte une personne sans la dévoiler. « Ma moustache, elle est aveyronnaise. Elle vient de l’histoire rurale dans laquelle j’ai baigné. » Ça, c’est pour Guy Lacombe. Un joueur presque aussi connu pour sa stache que pour avoir gagné les JO bien avant Léon Marchand. L’ancien joueur aux huit clubs français a un point commun avec une poêlée de compères des années 1970 : Christian Lopez de Saint-Étienne, Raymond Domenech de Lyon, Didier Notheaux de Lens, François Bracci de Marseille, tous arborent les bacchantes. Cet attribut visuel très particulier définit une époque, celle du football français des années 1970. Un foot rugueux, dur et exigeant, mais aussi du renouveau du football de clubs, vingt ans après le Stade de Reims et la France de 1958. Le symbole d’une identité virile en quête de respect ou une allergie au rasoir ?

L’inspiration Ajax

Cinquante berges avant l’horrible chanson éponyme du groupe Twin Twin, pour l’Eurovision 2014, Christian Lopez fait partie de la team moustache. « On s’est d’abord inspirés de la grande équipe de l’Ajax, qui avait remporté trois fois la Coupe d’Europe des clubs champions, raconte le brun ténébreux, un poil homme des cavernes. On les regardait, ils avaient tous une moustache, et ils gagnaient tout ! On a décidé de faire pareil, et on l’a gardée une saison entière à Sainté. » Et pourquoi changer ses habitudes quand on gagne ? « Je l’ai surtout gardée pour l’esthétique, évalue Guy Lacombe. Ce n’étaient pas une superstition, mais ce que Paul Le Guen appelle des “habitudes rassurantes”. » Christian Lopez n’en est pas sûr : « J’ai gardé ça toute ma carrière de footballeur. Les deux seules fois de ma vie où j’ai rasé ma moustache, j’ai eu les deux croisés pétés. »

Les deux seules fois de ma vie où j’ai rasé ma moustache, j’ai eu les deux croisés pétés.

Christian Lopez

« Il y a un vrai moment poilu dans les années 1970, confirme Victor Vey, doctorant en sociologie étudiant la pilosité. Le retour des poils – ils étaient très présents au début du siècle, puis durant les années 1930 –, fait suite aux mouvements de contestation des années 1960, dans lesquels il y avait beaucoup de poils. C’étaient les années disco également. Il y avait une vraie poussée de poils, partout en Europe et aux États-Unis. Il y a également une part de recrutement social à cette époque : plus le recrutement social est élevé, moins il y a de poils. Si on recrute des enfants de paysans dans les années 1970, il y a plus de chances pour qu’ils soient poilus parce qu’on va plus le valoriser dans l’enfance. » Pilou Pilou.

De là à affirmer que les Beatles, le Che (option barbe en plus) et les hippies ont un lien avec la période dorée du foot tricolore, il n’y a qu’un poil. Les Verts remportent la D1 trois saisons d’affilée dans les années 1970. Christian Lopez : « Comme on gagnait, on la gardait, même si certains la quittaient par esthétisme. En 1976, il n’y a que Revelli et moi qui la portons ! » Comme un attribut de force collective ? C’est vrai que la moustache, du grec mýstax (lèvre supérieure), en jette plus que le triptyque maillot short chaussettes. « Il y a beaucoup de choses qui se passent sur un terrain, mais aussi beaucoup en dehors, pendant les repas, les moments avant les matchs, remet Guy Lacombe. La moustache fait partie de ces traits d’union. Quand on jouait la Coupe de France par exemple, on se la laissait souvent pousser. » La moustache définirait donc la personnalité d’une équipe.

Mâle assis

Masculine avant tout ? « Je faisais un peu plus mature avec la moustache, ajoute Lacombe. Ça me donnait un peu de hauteur sur le terrain. Après… Je venais du rugby, personne ne me faisait trop peur. » Christian Lopez, le défenseur, confirme, à une époque où les crampons des défenseurs ratissaient les pelouses : « Il y avait des joueurs qui faisaient peur avec leur moustache, pas moi. C’était aussi physique, les joueurs dangereux n’avaient pas besoin d’avoir les moustaches pour faire peur ! » Pour inspirer la crainte, Dayot Upamecano ou Ibrahima Konaté savent ce qu’il leur reste à faire. Une moustache lissée, rasée de près et contrôlée. « C’est dans les milieux où on va le plus valoriser l’autocontrôle qu’on va le plus dévaloriser les poils et valoriser un rasage de près, net. En ce moment, être un homme de pouvoir est plus associé au rasage, à l’autocontrôle, alors que le poil est plus associé à une ressource masculine brute, une certaine image de la virilité ou de la contestation. »

« C’était esthétique avant tout, réfute Guy Lacombe, qui la gardait bien avant que la mode ne change, qu’un international français (Camavinga) n’ouvre son salon à Rennes ou que des jeunes imberbes n’éclosent en professionnels. Je les ai quasiment toujours gardées. Lorsque j’ai gagné la Gambardella en entraîneur avec Cannes, j’ai fait un pari : si on la gagne, je la coupe. Je les avais enlevées, et mes enfants m’ont directement demandé de la remettre. »

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On est alors en 1995, et la moustache en est à un tournant. Les footballeurs se starifient. Avant David Beckham et Cristiano Ronaldo, deux chantres du poil maîtrisé, Éric Cantona et Bixente Lizarazu, apparaissent dans des pubs, et cette nouvelle génération incarne un nouveau standard de pilosité. Victor Vey : « Un historien américain a pris l’exemple de l’Allemand Paul Breitner. Il était presque le Che Guevara du foot, très politique, et dix ans plus tard, il se rallie au marché et s’est rasé pour une pub. L’historien faisait le lien avec un mouvement général du retour à une apparence disciplinée, très soignée, compatible avec un travail de bureau. On rentre dans le rang, donc on porte le costume et on se rase de manière soignée. Les folies des années 1970, c’est terminé. » Les Bleus ont certes remporté deux coupes du monde sans moustachus. Sur le terrain puisqu’Adil Rami lui se chargeait bien d’ajouter son grain de folie en Russie. Alors en cas de panne d’inspiration ou de résultats, on connaît désormais la marche à suivre : laissez les moustaches vivre et la folie reviendra.

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Par Ulysse Llamas

Propos recueillis par UL.

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