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Comment la défense de l’Inter est-elle devenue si friable ?
Dernière de son groupe de C1 avant d'affronter le Real ce mercredi soir, la formation nerazzurra est dans la quasi-obligation de s'imposer face aux Madrilènes, pour garder espoir de se qualifier pour les huitièmes de finale de la C1. Encore faudra-t-il qu'Antonio Conte parvienne à rafistoler sa défense, qui enchaîne les prestations désastreuses depuis le début de la saison.
On ne sait pas si Antonio Conte est friand du comique de répétition. Ce qui est certain, en revanche, c’est que ses joueurs continuent de lui raconter la même mauvaise blague, semaine après semaine. Chaotique, imprévisible, désordonnée : l’Inter est l’équipe transalpine qui provoque les variations de rythme cardiaque les plus brutales cette saison, chez ses tifosi et son illustre entraîneur. Une nouvelle illustration du phénomène ? Ce match de Serie A face au Torino, dimanche dernier, remporté par les Lombards 4 buts à 2. Un score en trompe-l’œil : catastrophique défensivement et collectivement pendant une heure de jeu, l’Inter n’aura su se rattraper aux branches qu’en exaltant l’orgueil, la résilience et le talent de ses individualités. Un scénario qu’on aurait pu qualifier d’anecdotique, s’il ne rythmait pas avec une régularité inquiétante la saison des Nerazzurri.
Les récents matchs nuls des gars de Conte face à Parme et Mönchengladbach (2-2 à chaque fois), ou leur revers 3-2 face au Real début novembre, ont également attesté de la fébrilité récurrente de la formation lombarde. À l’heure de défier à nouveau la Maison-Blanche – un match qui conditionnera grandement leur avenir en Ligue des champions -, les Interisti peuvent légitimement se poser une question : comment la meilleure défense de Serie A du dernier exercice a-t-elle pu aussi rapidement se casser la tronche, en encaissant déjà 18 pions en 11 matchs, toutes compétitions confondues ?
Crise systémique
Premier suspect sur le banc des accusés : le 3-5-2 d’Antonio Conte. Non pas que le système favori du Mister soit devenu ringard. Néanmoins, sans la possibilité d’adopter une formation annexe, l’Inter manque logiquement d’alternatives quand les Lombards pataugent balle au pied. Ce qui est précisément le cas depuis plusieurs semaines, les Nerazzurri ne parvenant pas à traduire en résultats leurs ambitions dans le jeu, réhaussées cette année. Équipe tactique par excellence la saison dernière, l’Inter avait fait de son arrière-garde (la meilleure de Serie A, avec 36 buts encaissés) la force primaire d’un collectif qui s’était hissé au second rang du championnat. Une recherche constante de solidité, qui avait néanmoins pour défaut de brider par moments sa force de frappe offensive. Cette saison, Antonio Conte a donc décidé de lâcher un peu les rênes de ses hommes, supposés gagner en liberté comme en créativité devant. Les pistons, Hakimi à droite, Young à gauche, se retrouvent donc à évoluer particulièrement loin de leur cage, collant la ligne de touche très haut sur le pré. Ambitieux, mais kamikaze, quand on n’est pas capable de miser avec continuité sur une animation collective solide et des circuits préférentiels divers.
Si l’Inter est bien l’équipe qui revendique le plus de possession de balle en Serie A (près de 60%), le manque de mobilité de Vidal, les limites techniques de Gagliardini, mais surtout son schéma de jeu, trop prévisible et stéréotypé, entrave son efficacité aux avant-postes. Le surnombre recherché par les Interisti devant est trop souvent stérile, du moins au regard de la prise de risque recherchée. Les défenseurs axiaux bleu et noir se retrouvent alors bien souvent seuls au monde, quand l’adversaire peut placer un contre. Le pourcentage de duels gagnés des arrières centraux interisti en atteste : avec respectivement 65%, 63% et 54% de face-à-face remportés, Milan Škriniar, Stefan de Vrij et Danilo D’Ambrosio (souvent aligné dans l’axe par Conte cette saison) sont en difficulté récurrente. Seul Alessandro Bastoni sort réellement du lot, avec 77% de réussite dans l’exercice. Le jeune espoir lombard est cependant parfois au bord de la rupture, comme le démontre sa faute non sifflée sur Simone Zaza, face au Toro dimanche dernier. Une intervention non relevée par l’arbitre, alors que l’attaquant grenat, coupable d’une main, mais irrégulièrement freiné dans son élan auparavant, avait l’opportunité de partir seul en contre.
Conte face à ses limites
Alors, que peut donc faire Antonio Conte pour reboucher les trous, à l’heure de défier le Real Madrid ce mercredi ? Le délai est court, et les maux sont nombreux. Si on ne peut que louer sa volonté de voir son équipe dérouler un football plus conquérant, on peut aussi se demander si son Inter a, pour l’instant, les moyens de ses ambitions. Antonio Conte sera-t-il capable, à terme, de faire jouer à ses hommes une partition collective plus versatile et moins prévisible ? Difficile à dire. Son refus de changer ponctuellement de formation interroge, quand le jeu de son équipe souffre désormais d’une dépendance à un homme, Romelu Lukaku, dont les buts et les déviations semblent faire office de béquille à un groupe qu’on a souvent vu en souffrance cette saison.
Des insuffisances d’ailleurs relevées par Conte ce week-end : « Nous aurions dû être plus féroces et déterminés. Le Torino a joué de cette façon et nous avons perdu de nombreux duels… Par rapport à la façon dont nous avons fini la saison dernière, nous avons beaucoup perdu en intensité, nous devons donc la retrouver… Néanmoins, ce n’était pas facile, et j’aimerais féliciter les gars pour la réaction qu’ils ont eue, puisque nous avons réussi à remonter et marquer quatre buts. » Pas sûr que le Real laisse aux Interisti une telle opportunité de retomber sur leurs pattes. Pour ne pas risquer de dire ciao très vite à la C1, les Nerazzurri n’ont plus trop le choix : ils devront retrouver dès ce mercredi la discipline tactique et la hargne défensive qui leur font cruellement défaut depuis maintenant plusieurs mois.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de La Gazzetta dello Sport.