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Comment jouer au foot avec des dreads ?
Lille-Marseille, c’est le cinquième contre le quatorzième. Mais c’est surtout le retour des tresses de Bafétimbi Gomis face au chignon d’Eder. Soit la confrontation entre deux façons de gérer ses locks. Alors, laquelle est la meilleure ? Et comment doit-on gérer ses dreads pour être le plus performant possible sur un terrain ?
C’est une question que peu de personnes ont dû se poser dans leur vie. Mais elle concerne quand même certains d’entre nous. Lorsque l’on a opté pour le même genre de coiffure que Bob Marley, comment jouer au football avec ? Interrogation existentielle. Car un footballeur qui porte des dreadlocks doit non seulement composer avec le poids de ses tifs, mais également avec leur caractère potentiellement gênant. Notamment pour la vue. Comme avec les cheveux longs, il est ainsi parfois très désagréable de foirer son face-à-face ou de rater le cadre à deux mètres du but à cause d’une mèche venue se glisser devant sa pupille.
Une première catégorie de joueurs, dans laquelle Eder a toute sa place, choisit donc l’option la plus facile : attacher fermement ses cheveux. « Cela évite qu’ils soient trimbalés derrière, sur les côtés, devant tes yeux…, indique Thomas, propriétaire du salon parisien Dreadluxe qui s’occupe notamment des coiffures de Benoît Assou-Ekotto et qui a travaillé sur le bulbe rachidien de Bafétimbi Gomis ou Rigobert Song. Des locks, c’est encombrant. C’est comme si tu avais oublié de faire tes lacets avant de courir. Et il ne faut pas que ça gêne la vision. Donc les mettre en arrière et les coller au maximum sur le crâne, ça me semble être la meilleure solution. À partir de là, tu peux faire des coiffures. »
Chignon dégueu, mais pratique
Parmi elles, on retrouve une multitude de possibilités. Les plus appréciées par les manieurs de ballon sont le gros chignon un poil dégueulasse qu’affiche par exemple l’attaquant portugais de Lille, ou les tresses collées du défenseur latéral de Metz. Attention : cela réclame un peu de temps et de boulot avant le match. Dans le cas où la queue de cheval à plusieurs nœuds, rehaussée sur le haut de la tête, est réalisée à l’arrache, le risque de voir ses cheveux retomber tristement sur les épaules au bout de deux accélérations est immense. « Si tu veux que ça tienne bien, il faut bien tirer et pourquoi pas placer plusieurs épingles. Donc ça nécessite au moins une bonne demi-heure. Après, tu peux le faire la veille. Ou deux jours avant. Ça ne bouge pas. C’est comme si tu n’avais pas de locks. » Évidemment, la pose de gel est prohibée, la philosophie de Jah Rastafari ne l’acceptant pas.
Pas de prison possible pour ce style capillaire
Bien que pratiques, ces options ont plusieurs défauts. Le principal étant que la dread n’est alors pas totalement assumée. Bah oui, pourquoi s’embêter à laisser pousser ce style de tresses particulières si on ne peut les montrer qu’au Reggae Sun Ska, sachant qu’elles sont très souvent dissimulées sous un large bonnet le reste du temps ? Gomis l’a très bien compris et laisse une grande liberté à ses amours lorsqu’il entre sur une pelouse, sans zapper toutefois de les réunir vers l’arrière pour empêcher un minimum qu’elles s’invitent devant sa tronche. « Bafé a tellement l’habitude qu’il ne les sent même plus, indique Thomas.C’est presque un cinquième membre pour lui. Un peu comme certains danseurs qui ne les attachent pas et les transforment en force esthétique. »
Un cinquième membre bien utile
L’autre avantage, c’est justement l’effet de style. Des locks laissées au contact du vent renforcent une silhouette et donnent une certaine identité au footballeur – comme il en donnait à Yannick Noah sur un court de tennis et en donne toujours à Dustin Brown aujourd’hui. Ce qui est primordial, selon Thomas : « Bafé, tu lui coupes ses locks, tu le confonds avec dix autres. Or, le footballeur aime bien qu’on le remarque, quand même. Et surtout, le regard des autres va changer. Ils ne reconnaîtront plus le Gomis qu’ils connaissaient. Ça, ça peut toucher moralement. » Les exemples d’Anderson et d’Emmanuel Adebayor, qui ont clamé leur amour pour leur coiffure quand ils étaient au top avant de tout raser et fortement décliner, ne montrent pas le contraire.
L’atout supplémentaire de ces dreads livrées à elles-mêmes, c’est qu’elles peuvent faire mal à l’adversaire au sens propre. Marco Simone a déjà raconté que celles de Ruud Gullit représentaient « un enfer » à l’AC Milan pour les défenseurs adverses ou les coéquipiers d’entraînement. « Ah ouais, ça peut devenir une arme. Style Bafé monte au duel, il balance un coup de locks qui fouette bien le visage de l’autre, et l’arbitre ne peut rien dire ! » , se marre Thomas. Une arme qui peut tout de même se retourner contre son détenteur, comme l’a prouvé Peter Crouch.
Et les couvre-chefs, dans tout ça ? Oublions le bonnet, qui ne permet pas de garder le volume entier d’une touffe d’un homme qui court pendant plus d’une minute trente, et la casquette, qui rend impossible toute tentative de tête. Sans compter que, mise à l’envers, la casquette fait disparaître le trou placé normalement derrière pour faire passer ses cheveux. Le foulard serré ? Pourquoi pas. Non, la vraie révolution, c’est le cache-col. Efficace et simple à porter, le cache-col offre toutes les garanties nécessaires. « Je m’en sers quand je vais au ski, mais ça peut poser un problème de style » , note Steven, collègue de Thomas chez Dreadluxe. Reste alors la technique Damian Marley. Un sac, un pote pour aider, et tout roule. Aux principaux concernés de choisir.
Par Florian Cadu