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Comment je suis tombé amoureux de Poliakov, Demiral et Kral

Par Simon Butel, Maxime Renaudet et Jérémie Baron
8 minutes
Comment je suis tombé amoureux de Poliakov, Demiral et Kral

Parfois, il suffit d'une action pour tomber amoureux d'un joueur. En route vers l'Euro 2020, trois ont usé de leurs charmes pour nous séduire, d'Istanbul à Minsk en passant par Prague.

Denis Poliakov (Biélorussie)

L’action qui nous a fait chavirer :

Georgy Wijnaldum s’était déjà chargé de mettre le Belarus à terre avec deux caramels lorsque notre homme, loin de rendre les armes, est entré en piste au retour des vestiaires pour prendre la lumière à l’aide de son pied droit. Positionné latéral gauche face aux Bataves, Poliakov a été servi dans son couloir alors que la possession de son équipe paraissait stérile. C’était pour mieux berner l’adversaire : il a repiqué dans l’axe, a tout lu plus vite que tout le monde et a envoyé un ballon téléguidé retombant parfaitement aux six mètres pour son milieu Stanislav Dragun, caché au second poteau. Même la légende urbaine Virgil van Dijk n’a rien pu y faire. Déjà, plus personne ne se souvient de cette galette. Et pourtant le highlight du match, c’est celui-ci.

À 3’55 sur la vidéo

Pourquoi il est si excitant :

Pas uniquement pour son nom absolu, figurez-vous. Car oui, on peut porter le nom d’une boisson du diable et être quelqu’un de distingué. Poliak’ fait partie de la caste de ces défenseurs droitiers qui peuvent briller même quand on les place sur leur côté faible, en revenant au centre du jeu pour mieux surprendre l’adversaire. Le Biélorusse, formé en tant que défenseur central, évolue aujourd’hui sur toute la ligne de la défense. Avec sa tête de Monsieur Tout-le-monde, Дзяніс Аляксандравіч Палякоў a développé une vision du jeu et une précision notables et est en fait devenu une espèce de regista qui, de par sa position, n’ose pas se l’avouer. En plus de qualités défensives qui l’ont amené à porter à 41 reprises la jolie liquette de son pays, cela va de soi. Bon, ne le faites pas jouer trop près de ses cages quand même, on n’est jamais trop prudent. L’Emirates Stadium s’en souvient.

Et il vient d’où ?

De Minsk, doux berceau. Mais c’est avec le monstre Bate Borisov que Poliakov s’est construit une carrière digne de ce nom, en six ans et demi : de belles affiches en Ligue des champions, 7 titres de champion, une coupe nationale et 5 Supercoupes. Avec, à chaque fois, une place prépondérante dans les conquêtes du club biélorusse. Avant ça, il s’était révélé au Shakhter Soligorsk, équipe devenue importante au Belarus depuis le début des années 2000. Il compte également à son actif une courte pige à l’APOEL Nicosie, au premier semestre 2018. Et depuis ? C’est au FK Oural Ekaterinbourg – actuellement englué dans le ventre mou du championnat russe – qu’il rend service et fait le job. Dans l’ombre, comme d’habitude.


Merih Demiral (Turquie)

L’action qui nous a fait chavirer :

Alors qu’on joue la 50e minute de jeu au Stade de France entre la France et la Turquie ce lundi soir, le réalisateur de la rencontre décide de s’arrêter avec insistance sur le Turc Merih Demiral. Et pour cause, le défenseur central de la Juventus a le maillot complètement déchiré, laissant apparaître un torse aussi costaud que velu. La cause ? Une énième intervention salvatrice sur Wissam Ben Yedder, quelques minutes après avoir dégoûté et mangé tout cru Antoine Griezmann, mais surtout Kingsley Coman. L’ailier français du Bayern Munich a goûté à l’agressivité de Demiral quand ce dernier l’a taclé de manière précise et rageuse avant d’agiter son poing tel un guerrier venant de remporter un combat sanguinolent. Pas de quoi être étonné, Demiral avait prévenu tout le monde avant la rencontre : « La peur n’est pas un sentiment que je ressens. »

Pourquoi il est si excitant :

Parce qu’il cire le banc de la Juve depuis cet été, mais qu’il s’est révélé ce lundi soir, justifiant ainsi la comparaison avec l’ancien défenseur uruguayen Paolo Montero. Eh oui, Demiral est un joueur plein de rage et d’agressivité. Mais contre les Bleus, il a également montré un sens de l’anticipation hallucinant en coupant un nombre de ballons incalculables. Ce vendredi, lors de la victoire de la Turquie face à l’Albanie (1-0), Demiral avait remporté neuf duels aériens sur dix, et pas moins de treize duels au sol sur quinze. Des statistiques qui en disent long sur ses qualités d’interception. D’autant que contre la France, aux côtés du défenseur de Leicester Caglar Soyüncü, Demiral a défendu sa cage comme un forcené. Et même s’il a concédé le corner victorieux des Bleus – alors qu’il aurait dû leur offrir un penalty à la suite d’une main dans sa surface – il a réalisé une performance de haute volée alors qu’il ne fêtait que sa dixième sélection avec la Turquie.

Et il vient d’où ?

Natif de Karamürsel, dans la région de Marmara, Demiral s’engage avec Fenerbahçe à l’âge de 13 ans. Mais après cinq ans dans les catégories jeunes du club stambouliote et seulement une poignée d’entraînements avec l’équipe première, il file au Portugal et s’engage avec l’AC Alcanenense. On le croit alors perdu pour le foot, mais après une saison, le Sporting Portugal l’enrôle pour la modique somme de 200 000 euros, avant de le faire évoluer en équipe B, puis de le prêter à Alanyaspor. En janvier 2019, le club turc l’achète et le prête aussitôt à Sassuolo, où il va exploser et enfin se montrer à son avantage. Ses performances en Serie A lui ouvrent les portes de la sélection turque, puis celles de la Vieille Dame, qu’il a rejointe cet été contre un chèque de 18 millions d’euros. Cantonné au banc de touche depuis le début de saison, Manchester United et l’Atlético de Madrid seraient déjà prêts à mettre leur grappin dessus. En attendant, Matthijs de Ligt a du souci à se faire.


Alex Král (Tchéquie)

L’action qui nous a fait chavirer :

Pendant qu’une bonne partie de l’Europe se bastonnait pour savoir qui partirait enroad trip à travers le continent l’an prochain, Tchèques et Nord-Irlandais, exemptés dans les groupes A et C, s’offraient une partie sans enjeu ni calcul à Prague. L’occasion de se faire un peu plaisir, ce qu’a bien compris Paddy McNair, le défenseur de la Green and White Army, auteur d’un véritable doublé d’attaquant. Improbable, mais pas aussi joli que ce raid solitaire dont Alex Král a gratifié la Generali Arena à la 67e minute. Trouvé côté gauche, le milieu tchèque a placé une accélération dévastatrice pour échapper à ses deux gardes du corps avant d’envoyer, d’un crochet, Evans s’acheter un casse-dalle. Puis de mettre, du plat du pied et en déséquilibre, le cuir hors de portée de McGoven et ramener la Tchéquie à 3-2. Suffisant pour relancer le suspense dans les vingt dernières minutes, et surtout pour mettre un peu de paillettes dans la vie de fans tchèques en mal d’idoles depuis les départs en retraite de Pavel Nedvěd et ses potes.

Pourquoi il est si excitant :

Parce que vu d’en haut et de dos, le garçon a des faux airs de Pavel Nedvěd, justement. Ce qui suffit, dans un pays privé d’émotions fortes depuis l’Euro 2004, à susciter pas mal d’émoi. Beau de loin, loin d’être beau ? Pas tout à fait : de près, le milieu de terrain ressemble drôlement à David Luiz. Ce qui lui a d’ailleurs permis de s’attirer en février dernier la sympathie du Brésilien, lors d’un duel de Ligue Europa entre Chelsea et son club d’alors, le Slavia Prague. La ressemblance avec son parrain spirituel n’est d’ailleurs pas que physique : comme le Gunner, Alex Král peut évoluer au milieu comme en défense centrale. Le David Luiz blanc poussera-t-il le mimétisme jusqu’à en prendre 7 en demi-finale d’un mondial ou pousser Chelsea à le recruter deux fois ? Rien que pour connaître la question à ces réponses, le gamin mérite le coup d’œil.

Et il vient d’où ?

S’il est né il y a 21 ans en Slovaquie, à Košice, à quelques encablures de la Hongrie, c’est près de la frontière allemande que l’actuel milieu du Spartak Moscou a fait ses gammes. Au FK Teplice, très exactement, un club qui a notamment vu éclore Edin Džeko. Après deux saisons en pro et 48 matchs chez les Skláři (les verriers, en VF), Král, membre de l’équipe type de l’Euro U19 en 2017, a mis le cap sur la capitale, où il a rejoint le Slavia Prague en janvier dernier. Un doublé coupe-championnat et un quart de finale de Ligue Europa plus tard, le Mattéo Guendouzi de l’Est, appelé pour la première en sélection en mars face… au Brésil, a de nouveau fait ses valoches. Direction la Russie et le Spartak Moscou, qui a posé pas moins de 12 millions d’euros pour s’offrir ses services jusqu’en 2024 l’été dernier. Last but not least : le gaillard d’un mètre 87 aurait sans doute évolué à Bordeaux si Gustavo Poyet n’avait pas sauté en août 2018. Fallait pas l’énerver.

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