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  • Coupe du monde 2018

Comment je suis tombé amoureux de… (épisode 9)

Par Maxime Brigand, Florian Lefèvre et Steven Oliveira
9 minutes
Comment je suis tombé amoureux de… (épisode 9)

Parfois, il suffit d'une action pour tomber amoureux d'un joueur. En voilà trois qui nous ont tapé dans l'œil lors des quarts de finale du Mondial.

Domagoj Vida

L’action qui nous a fait succomber :À trop vouloir partir pile à l’heure pour ne pas arriver en avance (et attendre impatiemment), on finit par être en retard. Quand il était jeune, Domagoj Vida était sûrement ce collégien qui a vu passer sous son nez le bus scolaire, par un matin glacé, avant de commencer la journée à 8h30 avec un cours de latin chiant comme la pluie. Le gamin a compris la leçon. Depuis ce jour, Domagoj Vida part en avance. 100 minutes tout rond sont écoulées dans le dernier quart de finale du Mondial entre la Croatie et la Russie, il y a 1-1. Fyodor Smolov s’est fait balancer par Dejan Lovren dans la surface croate, mais l’arbitre a laissé le jeu se poursuivre. Et à l’autre bout du terrain, Domagoj Vida a obtenu un corner en obligeant la défense russe à contrer son centre. Oui, c’est encore lui, le défenseur central à la queue de cheval, qui est visé au point de penalty par Luka Modrić à la réception du corner. Vida n’a pas envie de voir le bus de la victoire s’échapper, alors il saute. Beaucoup trop tôt. Il est quasiment retombé au sol quand le cuir lui atterrit sur le crâne presque par miracle – merci Mandžukić d’avoir balancé Ignashevich –, et pourtant… Le ballon se fraye un chemin tant bien que mal au fond des ficelles. La preuve, s’il en est, que la vie appartient aux gens qui se lèvent tôt.

Pourquoi il est si excitant : Une crinière blonde, des yeux bleus et des oreilles immenses : donnez-lui un carquois et des flèches, et c’est la doublure d’Orlando Bloom, alias Legolas, dans Le Seigneur des anneaux. Domagoj Vida n’a pas peur des cascades. Domagoj, c’est un pied droit qui souvent glisse au sol pour tacler sèchement. L’art de la découpe, ça le connaît, au point de finir avec un tablier ensanglanté. Voilà un homme qui se cogne des pudeurs de gazelle de la FIFA devant l’aigle bicéphale. La victoire de la Croatie face à la Russie ? Domagoj la dédie à l’Ukraine, le pays où il a exercé son métier pendant cinq ans avant de rejoindre le Beşiktaş l’hiver dernier. Quand il sourit jusqu’aux oreilles (c’est dire), Domagoj a une tronche adorable à figurer dans un épisode du Petit Dinosaure. Quand il fronce les sourcils, en revanche, on est sûr que son vis-à-vis va passer un sale quart d’heure. S’il n’attrape pas une otite d’ici mercredi, le Croate se fera un plaisir de s’occuper du cas Harry Kane.

Et il vient d’où ?De Croatie, comme l’indique son prénom. Au IXe siècle, Domagoj duc de Croatie a écrit sa légende sur la mer Adriatique en combattant les Arabes et les Vénitiens. Apparement, le père était donc un féru d’histoire. Mais c’était aussi un redoutable buteur du NK Belisce, auteur de 26 pions lors de la saison 1993-1994 en D1 croate. Les buts, Domagoj, lui, préfère les arrêter, mais il est aussi capable d’en marquer. Quand il est transféré en 2013 du Dinamo Zagreb au Dynamo Kiev, il marque le but de la victoire dans le sommet du championnat face au Shakhtar Donetsk de son aîné Darijo Srna. Quand il débarque l’hiver dernier au Beşiktaş, Domagoj claque un but dans le derby d’Istanbul face au Fenerbahçe. Hasta la Vida, baby !


Nahitan Nández

L’action qui nous a fait succomber : Confirmation : les Suisses n’ont pas le monopole du maillot déchiré. Trente-deux minutes de quart de finale de Coupe du monde auront donc suffi pour agacer Lucas Hernandez, un affamé qui a déjà promis au public français « onze chiens » pour la demi-finale contre la Belgique. Sa victime ? Nahitan Nández, 22 piges, 171 centimètres et 70 kilos, un type qui aura passé son vendredi après-midi à emmerder les Français grâce à une activité folle, un amour d’engagement et un désir affiché de ne pas se laisser marcher sur les orteils. Résultat, l’international uruguayen a dû utiliser deux maillots pour finir le match et s’est même retrouvé au milieu d’une mêlée lancée par Kylian Mbappé. Ce qui a donné : une belle embrouille avec Pogba et un Nández rouge comme un coq, prêt à sauter à la gorge de la Pioche. « Sa taille ne me faisait pas peur » , a résumé le joueur de Boca après la rencontre. Pendant la chamaillerie, Paul Pogba, lui, s’est contenté d’un « you’re my bitch » . Une belle histoire d’amour, définitivement.

Pourquoi il est si excitant : Parce qu’il a la même tronche que Juan Mata, déjà, et qu’on se dit qu’il ne ferait pas non plus tache sur le bord d’un chemin de campagne avec une guitare et un brin d’herbe dans le bec. Et parce que voir un mec de 1,71m tenter de faire la circulation face à un autre de 1,68m a toujours un côté fascinant. Nández, c’est le combat à l’état brut, et son Mondial aura été XXL, son match contre le Portugal méritant notamment une place spéciale dans les esprits aux côtés de son tacle de la tête dans les pieds d’Aleksey Miranchuk lors du Russie-Uruguay du premier tour. Il mérite qu’on ne l’oublie pas et pourrait prochainement arriver en Europe, où l’Inter lui tourne autour depuis déjà plusieurs années. Chouette !

Et il vient d’où ?De Punta del Este, évidemment ! Soit le Saint-Tropez d’Amérique latine, un endroit où le surf est roi et où Jacques Médecin s’est éteint en novembre 1998. La suite du CV est bluffant : Nahitan Nández est un homme de brassard et reste à ce jour le plus jeune capitaine de l’histoire du CA Peñarol, club où il a été formé avant d’enfiler les titres. Depuis 2017, il serre des boulons à Boca aux côtés du vieux Pablo Pérez et a confirmé les attentes nées dans l’esprit du grand public, en 2015, lors d’une Coupe du monde U20 où il avait porté la jeunesse de son pays. Maintenant, la question est nouvelle : où va-t-on retrouver Nández dans les prochains mois ? Voilà l’enjeu essentiel de ce mercato estival.


Viktor Claesson

L’action qui nous a fait succomber : Un passement de jambes qui laisse Harry Maguire sur place, un décalage parfait pour Ola Toivonen et une frappe du plat du pied que Jordan Pickford détourne avec sa main ferme. Voilà comment en trois secondes Viktor Claesson a lancé la révolte suédoise, deux minutes après le deuxième but de Dele Alli. Si cela n’a pas suffi pour battre le portier anglais, le sélectionneur de la Suède, Janne Andersson, ne s’est pas trompé en préférant sortir Emil Forsberg plutôt que son pendant droit Viktor Claesson, bien plus tranchant. Il faut dire que le milieu de 26 ans récite un football parfait depuis le début de cette Coupe du monde en Russie sur des terrains qu’il connaît bien depuis son arrivée au FC Krasnodar en janvier 2017. Face à l’Allemagne, c’est lui qui offre un amour de balle lobée à Ola Toivonen pour l’ouverture du score de l’attaquant du Téfécé. Et même lorsque Viktor Claesson se manque – ce qui est très rare –, cela se transforme en passe décisive comme face au Mexique où il rate sa frappe qui arrive dans les pieds de Ludwig Augustinsson. La marque des grands assurément.

Pourquoi il est si excitant : Cheveux blonds parfaitement plaqués, yeux bleus, mâchoire prononcée, épaules de déménageur, Viktor Claesson a tout du Suédois lambda. Pourtant, il est loin d’être comme tous ses compatriotes. Déjà, parce qu’il peut se targuer d’avoir inscrit un doublé face au Portugal de Cristiano Ronaldo en mars 2017 (2-3), mais surtout parce que son pied droit est capable de faire des miracles. Que ce soit à la passe ou à la frappe. Ajoutez à cela la vista d’Andrés Iniesta, le sens du sacrifice de Gennaro Gattuso et les poumons de N’Golo Kanté et vous obtiendrez Viktor Claesson. Et pour ceux qui doutent de la confiance en soi du bougre et de son tempérament, il n’y a qu’à voir sa réponse au sujet des déclarations de Zlatan Ibrahimović : « Cela fait longtemps maintenant qu’Ibrahimović a pris sa retraite. Nous ne faisons pas attention à ce qu’il dit. Je n’ai même pas joué dans son équipe, donc pour moi, ça n’a pas d’importance. Il peut continuer à parler, mais je pense qu’il est heureux pour nous maintenant. » Bon ça, c’était avant l’élimination contre l’Angleterre, hein.

Et il vient d’où ?Viktor Claesson n’est pas ce que l’on peut appeler un joueur précoce. Né à Värnamo, à 400 kilomètres de Stockholm, l’international suédois a mis du temps à dévoiler son talent au monde entier. En troisième, puis deuxième division d’abord avec son club formateur du IFK Värnamo, avant de s’envoler à l’IF Elfsborg pour y découvrir l’élite suédoise. Pendant cinq saisons à Elfsborg, Claesson va faire ce qu’il sait faire de mieux : courir, délivrer des caviars et marquer quelques buts, dont une saison à onze pions en championnat en 2015. Insuffisant pour attirer l’œil des recruteurs des plus grands clubs européens. Suffisant, en revanche, pour se faire une place en sélection et atterrir en Russie, au FC Krasnodar. Et vu la Coupe du monde du lascar, il ne devrait pas rester chez Vladimir Poutine très longtemps. Quoi qu’il advienne de son avenir, les supporters présents au Stadion FK Krasnodar le 4 avril dernier n’oublieront jamais le génie de leur numéro 16.


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