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Comment je suis tombé amoureux de… (épisode 12)
Parfois, il suffit d'une action pour tomber amoureux d'un joueur. En voilà trois qui nous ont tapé dans l'œil lors des deux premières journées de qualifications à l'Euro 2020 : Eran Zahavi (Israël), Gerson Rodrigues (Luxembourg) et Josep Gomes (Andorre).
Eran Zahavi (Israël)
L’action qui nous a fait succomber : Eran Zahavi n’est pas du genre à se poser 1000 questions lorsqu’il reçoit le ballon. Et l’attaquant de 31 ans l’a de nouveau prouvé lors du match de l’Israël face à l’Autriche en qualifications à l’Euro 2020 (4-2) . Trouvé aux 25 mètres par son coéquipier Elazar Dasa, Eran Zahavi décale le cuir et décroche une puissante frappe qui se termine par un ballon sous la barre du pauvre Heinz Lindner. Alors oui, l’ancien du Maccabi Tel Aviv n’est pas le premier à mettre une mine depuis l’extérieur de la surface, sauf que lui le fait pour mettre K.-O. un adversaire direct et valider un coup du chapeau après avoir déjà planté deux pions en première période. Costaud.
Pourquoi il est si excitant : S’il était né en Israël, Vegedream aurait probablement chanté : « J’sais plus si j’suis gaucher ou droitier, je tire des deux pieds, Eran Zahavi. » Comme Ousmane Dembélé, Eran Zahavi est aussi adroit avec son pied droit que son pied gauche. Mais contrairement au champion du monde français, l’attaquant du Guangzhou R&F peut regarder Cristiano Ronaldo et Lionel Messi dans les yeux concernant le nombre de buts marqués. C’est bien simple, depuis la saison 2013-2014, Eran Zahavi a disputé 234 matchs et marqué à 189 reprises. L’international israélien est tellement efficace face au but que même lorsqu’il manque sa tête, son épaule est là pour pousser le ballon au fond des filets comme lors du match face à l’Autriche. Un but tout moche que Zahavi est venu rattraper par sa frappe de mammouth quelques minutes plus tard histoire de prendre la tête du classement des buteurs des qualifications à l’Euro 2020 (4 buts à égalité avec Raheem Sterling). Kylian Mba qui ?
Et il vient d’où ? Né à Rishon LeZion, Eran Zahavi a longtemps cru qu’il n’était bon qu’à jouer en Israël. Que ce soit à l’Hapoël Tel Aviv où il a remporté un championnat et marqué un retourné acrobatique à Hugo Lloris lors d’un match de Ligue des champions à Gerland face à l’Olympique lyonnais en décembre 2010 (2-2). Ou encore au Maccabi Tel Aviv où le passage de milieu offensif à attaquant lui a permis de soulever trois trophées de meilleur buteur du championnat israélien avec notamment une saison à 35 buts en 2015-2016. Un record. Il faut dire qu’entre ces deux clubs, Eran Zahavi a tenté un passage en Italie, à Palerme plus précisément, où il n’a planté que deux petits pions en 23 matchs. De là à en conclure qu’il ne peut que marquer en Israël ? Eh bien non, puisque depuis 2016 et son arrivée au Guangzhou R&F, Eran Zahavi roule littéralement sur le championnat chinois où il a été élu MVP en 2017. Une saison qu’il a terminée avec le trophée de meilleur buteur bien évidemment.
Gerson Rodrigues (Luxembourg)
L’action qui nous a fait fondre : Ce qu’Arjen Robben fait avec son pied gauche et un crâne chauve, Gerson Rodrigues est capable de le réaliser avec son pied droit et des dreadlocks. Voilà ce que le public luxembourgeois a appris vendredi dernier, au moment où son électrique attaquant a décidé de bonifier un ballon que lui avait transmis Vincent Thill. À l’angle gauche de la surface de réparation lituanienne, Gerson a fixé le défenseur Rolandas Baravydas, puis enroulé tranquillement poteau opposé. Pour le coup, Ernestas Setkus, à qui on doit souvent faire remarquer dans la vie de tous les jours qu’il est grand, n’a pas su faire grand-chose de son 1,90m, si ce n’est le déployer vainement et voir de très près le but de la victoire grand-ducale (2-1, 55e).
Pourquoi il est si frisson :Avant ce but, Gerson Rodrigues n’avait jamais marqué en 14 apparitions sous le maillot des Roud Léiwen. Il n’était pourtant pas loin du compte, le 4 septembre 2017, lors de l’historique match nul obtenu à Toulouse face aux futurs champions du monde français (0-0). Ce jour-là, Gerson Rodrigues avait trouvé le poteau gauche d’Hugo Lloris, à l’issue d’une action qui avait mis en lumière sa pointe de vitesse. La légende dit que Laurent Koscielny avait attrapé un gros rhume au moment où Gerson avait accéléré.
(à partir de 2’25)
Gerson Rodrigues semble être un aimant à émotions. Trois jours après avoir goûté à la joie en marquant contre la Lituanie, il a expérimenté la tristesse face à l’Ukraine en marquant contre son camp dans la dernière minute du temps additionnel (1-2, 90e+3). Si les images de ses larmes au coup de sifflet final ont fait le tour du pays, il faut que le joueur se console avec les moyens du bord : ce but est la preuve que son jeu de tête n’est pas si mal que cela !
Et il vient d’où ? Gerson Rodrigues a beau être né au Portugal, il revient de beaucoup plus loin que ça : « Je n’ai pas eu une vie facile. Je n’ai presque pas vu ma mère pendant mon enfance. Quand elle est arrivée au Luxembourg, je suis resté au Portugal, je vivais avec ma grand-mère maternelle. Ma mère ne voulait pas que je galère. Elle voulait s’intégrer, réussir professionnellement, pour que je la rejoigne comme un prince et que je ne manque de rien. Elle ne voulait pas que je galère comme elle avait galéré. Je suis arrivé au Luxembourg à 9-10 ans. J’ai fait une saison à l’Union (un club de la capitale luxembourgeoise, N.D.L.R.) et le FC Metz est venu me chercher. J’y ai joué de 11 à 14 ans. » Et puis l’adolescence a fait son œuvre. Un brin turbulent, Gerson, qui formait un redoutable duo d’attaque avec Maxwel Cornet chez les catégories jeunes du FC Metz, a pris la porte et a dû se reconstruire au Luxembourg. Après un séjour à Dreiborn, sorte de prison pour ados où il a appris la menuiserie et la capoeira, le Luxembourgo-Portugais d’origine cap-verdienne a rattrapé le temps perdu. Après le Grand-Duché et un pic sportif sous les couleurs du Fola Esch de Gérard Lopez, il a décidé de voyager. En à peine quatre ans, il a ainsi connu cinq clubs, quatre pays et deux continents. Soit depuis la saison 2015-2016 : le RFCU, le Fola (Luxembourg), Telstar (D2 néerlandaise), le Sheriff Tiraspol (Moldavie) et enfin le Jubilo Iwata (Japon), qu’il a rejoint cet hiver. Le plan de carrière de Gerson Rodrigues est très clair : le monde ou rien.
Josep Gómes (Andorre)
L’action qui nous a fait chavirer : On peut choisir de se moquer ou bien d’être attendri face à un homme désespéré. C’est bien la seconde option qui nous est venue à l’esprit en voyant Josep Gómes lancer son poing en l’air de rage lors d’Andorre-Albanie lundi dernier. Un geste aussi touchant que déchirant de la part d’un homme qui a plombé ses frères d’armes dans une lutte perdue d’avance ou presque. Il faut dire que, pour le coup, le saut de cabri du portier d’Andorre n’a pas vraiment aidé son équipe à y croire face à l’Albanie. Surtout au bout de vingt minutes de jeu, sous les yeux de l’attaquant albanais Armando Sadiku qui n’en demandait pas tant pour plomber l’ambiance. Josep Gómes s’est donc loupé en tentant de dégager son camp, a fait rire le monde entier et devrait donc désormais affronter seul le jugement des autres, alors que la passe en retrait de son défenseur n’était pas si bonne que cela ? Certainement pas. Car l’amour, c’est aussi soutenir l’autre quand tout va mal.
Pourquoi il est si affolant :Tout simplement parce que Josep Gómes est un gars comme les autres. Un homme de 33 ans qui porte à merveille le pantalon de jogging, et qui a fait la majorité de sa carrière dans les divisions occultes espagnoles, avec quand même un passage par la France et l’ES Pennoise en 2014-2015. Une pige importante pour ce club de la banlieue de Marseille qui évoluait en CFA2, puisque Gómes (et son compatriote Emili Garcia) a rapporté indirectement 46 215 euros à l’ES Pennoise. Pourquoi ? Parce qu’au moment de la redistribution des gains engendrés par l’Euro 2016, l’UEFA a récompensé les clubs qui comptaient dans leurs rangs des internationaux ayant participé aux éliminatoires. Ça tombe bien, l’ES Pennoise avait une dette de 40 000 euros à éponger à l’URSSAF. Jésus, Marie, Josep.
Et il vient d’où ? Josep Gómes est l’actuel portier de l’UE Santa Coloma, actuel sixième sur huit du championnat d’Andorre. Pas vraiment habitué aux matchs à enjeux, donc.
Par Steven Oliveira, Matthieu Pécot et Andrea Chazy