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Comment j’ai battu le PSG, par Bruno Génésio

Propos recueillis par Ugo Bocchi
10 minutes
Comment j’ai battu le PSG, par Bruno Génésio

Bruno Génésio n’a que quelques mois d’expérience comme entraîneur, mais après Benítez, et plus récemment Jardim, il est le seul à avoir battu Paris cette saison. Du pressing, du coaching, de l'audace, un peu d'Ancelotti, un peu de Guardiola, des circonstances favorables, de la capacité d'adaptation... Il raconte sa plus belle réussite tactique à ce jour.

« Déjà, l’idée de base était de les presser le plus haut possible. On sait que techniquement, Paris, c’est très habile et que c’est capable de se sortir de la pression facilement. Il fallait donc aller les chercher le plus haut possible, les presser tout de suite, dès la perte de balle, d’extrapoler notre jeu, ne pas reculer, surtout pas. À la perte de balle, il fallait avoir des transitions très, très hautes. Et deuxième chose, au niveau défensif, il fallait leur fermer le jeu à l’intérieur, les forcer le plus possible à passer par l’extérieur, et donc du coup de mettre beaucoup de densité dans l’axe. Pour ce qui est de la motivation des joueurs, de la causerie d’avant-match, c’est toujours facile, entre guillemets, de préparer un match contre Paris parce que la motivation est naturelle. Tout au long de la semaine, on a fait un gros travail tactique sur des aspects défensifs et offensifs.

À Lille, une semaine avant ce match, on a changé de système, parce que Gonalons et Tolisso étaient absents. On avait joué en 4-2-3-1, ce qui change pas mal, mais contre Paris on est repassé dans un système plus familier. On a joué en 4-3-3 et on passait en 4-5-1 en phase défensive. On a demandé à nos joueurs extérieurs de venir se positionner comme des milieux de terrain et de former une ligne de cinq, très dense au milieu de terrain, très proche les uns des autres. On voulait fermer l’axe, parce qu’on savait que c’était une équipe qui aime bien utiliser ses milieux de terrain pour perforer les lignes dans l’axe. Donc a pris cette option là d’ouvrir un peu plus nos côtés, même s’ils peuvent être dangereux sur des centres… Mais voilà, il fallait prendre une option. On l’a prise.

De l’art du pressing

Pour ce qui est de l’animation offensive ce soir là, mais aussi pour les autres matchs, la consigne, c’est premièrement beaucoup de liberté. On a des joueurs capables de faire des différences, du talent. Donc, ça ne sert à rien de les brider. Deuxièmement, ça les forçait à reculer, à défendre plus qu’à attaquer et c’est une équipe qui n’aime vraiment pas trop ça. Ils sont à l’aise avec la possession, il fallait donc les mettre mal à l’aise. C’est simple, dit comme ça, mais difficile à appliquer. Presser haut, c’est une philosophie qu’on essaye de développer, pas seulement contre Paris, mais aussi dans tous nos matchs. D’essayer d’imposer notre jeu. De presser fort.

Là, ce qui vous a peut-être marqué, c’est que ce pressing était exercé contre une équipe très habile techniquement et c’est plus difficile à faire. Il faut plus de solidarité, plus d’intensité, plus d’envie, plus de motivation, plus de densité. Mais globalement, c’est quelque chose qu’on fait beaucoup sinon. On l’avait fait notamment lors des matchs contre Paris en Coupe de France et en Coupe de la Ligue. Et on leur avait déjà posé pas mal de problèmes, avec moins de réussite. Du coup, on s’est pas mal inspirés de ce qu’on avait fait en Coupe, pour le reproduire en mieux. Surtout au niveau des transitions offensives pour les obliger à défendre beaucoup plus. Les rendre plus méfiants.

Prise de risque maximale

Bref, on a réalisé une première mi-temps de très, très haut niveau que ce soit dans l’organisation défensive ou dans la discipline tactique. Mais aussi dans l’animation offensive, où on a amené beaucoup de variétés, du jeu au sol, de la bonne utilisation des couloirs, et on a réussi à marquer deux buts magnifiques. Sur la première période, on a fait plus que ce que l’on pouvait espérer. Mais on a aussi pu bénéficier d’une équipe parisienne pas à 100%. Là, il manquait Matuidi, Verratti et Di María. Donc il fallait que nous, on soit à 100%. Mais peu importe, je suis satisfait de la rigueur tactique de tout le monde. On ne s’est pas contenté de défendre. On a aussi réussi à leur poser beaucoup de problèmes dans le jeu également.

De toute façon, contre Paris, quelles que soient les décisions qu’on prend, on s’expose. Nous on avait choisi de défendre haut et de jouer le hors-jeu. Notre défense a eu beaucoup d’espace à gérer. Et je pense qu’on a été assez intelligent dans ce match, notamment les défenseurs centraux (Mbiwa et Morel, ndlr) qui ont pu mettre les attaquants parisiens plusieurs fois hors de positions (7 hors-jeu sifflés pour Paris, ndlr). Prise de risque maximale. Encore une fois, avec Paris, je pense que c’est impossible de défendre tout le match, ils trouvent toujours une solution, sur un exploit individuel, sur une action collective ou sur un coup de pied arrêté. Donc l’objectif, c’était de jouer notre jeu à fond, même plus, s’il le fallait, et ne pas avoir de regret.

Les ailes et la cuisse

Sinon, à partir du moment où on souhaitait jouer et emballer le match, on a décidé d’aligner Rafa et Henri sur les côtés, capables d’apporter beaucoup offensivement, de répéter les efforts, et avec notamment de la vitesse pour répondre aux contres et à la prise de profondeurs parisiennes. L’intelligence de Jérémy dans l’axe aux côtés de Mapou a été également très importante. Il ne suffit pas de courir vite et longtemps, mais il faut aussi être très intelligent, car les Parisiens se déplacent très bien et ça nous beaucoup apporté. Notamment Jérémy, c’est pour ça qu’il a été recruté, pour sa polyvalence. Il nous a fait de très bons matchs à ce poste là.

Gonalons, Darder et Ferri ont également joué un rôle primordial ce soir là. Mais là aussi, c’est quelque chose qu’on leur demande souvent. De se projeter rapidement vers l’avant. On a une équipe joueuse, faite pour faire du jeu, pour marquer le plus de buts, pas pour être attentiste et se contenter de défendre. Quand on est entraîneur, on est au service de la qualité de nos joueurs. Et quand une équipe s’exprime à travers les qualités individuelles de chaque joueur, en général, il y a un bon résultat au bout. Donc nous, nos qualités, c’est la technique, le jeu vers l’avant, la vivacité. On essaye de faire jouer au plus possible notre équipe comme ça. Parfois, ça ne marche pas. Parfois, ça marche. Comme contre Paris.

Les conseils de tonton Ancelotti

J’ai une certaine philosophie de jeu que j’essaye de mettre en place avec le staff, l’équipe et les joueurs. Je suis plus 4-3-3 parce que je pense aussi que c’est un système qui correspond actuellement à mes joueurs. Mais cette tactique peut évoluer en fonction des joueurs que j’ai sous la main. C’est quelque chose que j’ai notamment appris d’Ancelotti. J’ai eu la chance de le rencontrer au cours d’un stage que j’ai fait au Real Madrid pour mon diplôme d’entraîneur. C’est quelqu’un de très humble, de très compétent. Il a une grande connaissance du football. J’ai beaucoup échangé avec lui. Il m’a beaucoup parlé de sa manière d’entraîner, de manager, sa conception du football, sa gestion d’une équipe de très haut niveau, les égos. C’est pour moi une grande richesse.

Il m’a dit des choses assez simples, quand on les dit comme ça, mais finalement très profondes. Il m’a dit de choisir ma voie, ma conception, ma philosophie, de garder ma ligne de conduite quels que soient les résultats, parce qu’on sait que c’est souvent ça qui conduit un entraîneur à renier ses principes. Il m’a dit : « Suis ta ligne directrice. Essaye de bien analyser les qualités de ton équipe, et les défauts. Et sois capable de déterminer avec tels joueurs, quel est le système de jeu qui leur correspond le mieux. » Il m’a aussi dit qu’au départ il était persuadé que le meilleur système du monde, c’était le 4-4-2. Et que quels que soient les joueurs qu’il avait, il les faisait jouer en 4-4-2. Mais il s’est rendu compte, un jour, qu’il faisait fausse route. Et qu’un système de jeu, c’est avant tout tirer le maximum des qualités de tes joueurs. Si t’as des joueurs plus fait pour un 4-3-3, tu joues en 4-3-3. Pareil avec les autres systèmes. Pleins de conseils assez simples, mais nécessaires.

L’influence Guardiola

En France, j’aime beaucoup ce que fait Laurent Blanc. Même s’il a un effectif extraordinaire, ce n’est jamais facile de faire gagner son équipe et de proposer du jeu à chaque match, de la possession et du jeu. J’aime beaucoup aussi Guardiola parce qu’il tire toujours le maximum de ses joueurs et qu’il est capable d’inventer des choses. Ce qui est assez rare dans le football. C’est quelqu’un de tactiquement très fort. On sent que son équipe est toujours capable de répondre à n’importe quelle situation. On l’a vu notamment face à la Juve. Son équipe était très mal embarquée, mais elle a trouvé les moyens de s’en sortir et à inverser le cours du match. Il a une vraie influence sur son équipe, ce qui n’est pas le cas de tous les entraîneurs.

À Lyon, à l’époque, on avait mis en place le fameux losange parce que c’était le système qui correspondait le mieux aux qualités des joueurs. Mais aujourd’hui, on a évolué. C’est ça la force de l’entraîneur. Bien connaître ses joueurs et essayer de les mettre dans les meilleures conditions possibles. Et c’est pour ça que j’aime beaucoup Guardiola, parce que c’est un entraîneur qui cherche toujours à exploiter le meilleur de ses joueurs. Il n’est jamais focalisé sur un système. Il peut faire bouger des joueurs de poste. Ce qu’on a réussi à faire avec Rachid Ghezzal par exemple. Aujourd’hui, il se sent beaucoup mieux à droite. Après je reste à ma place, je ne me compare pas à tous ses entraîneurs.

« Ma performance tactique la plus aboutie »

Pour finir sur le match, on a reculé, mais seulement dans le dernier quart d’heure. Avant ça, on a encore eu des occasions. À la mi-temps, le discours, c’était de continuer le plus possible à jouer vers l’avant, même si c’était de plus en plus difficile avec la fatigue, et le réveil des Parisiens. Mais on a réussi encore à imposer quelque chose à l’équipe parisienne, on s’est procuré une ou deux occasions qui auraient pu nous mettre à l’abri. On aurait pu mener 3-0, mais Paris est revenu à 2-1 assez tôt dans le match. Encore une fois, à ce moment-là, on aurait pu commencer à reculer, mais on a réussi à tenir, à garder notre projet de jeu. Paris a mis beaucoup de pression, a fait rentrer Pastore notamment, qui a amené pas mal devant, et c’était forcément plus compliqué lors du dernier quart d’heure. Du coup, j’ai fait rentrer Bakary Koné, pour jouer à cinq derrière, et qu’il puisse nous aider avec son jeu aérien. On s’est contenté dans le dernier quart d’heure de bien défendre. L’ambiance du Parc OL nous a bien aidés aussi à repousser nos limites.

Aujourd’hui, c’est notre match référence. D’ailleurs, depuis on n’a toujours pas perdu. On a enchaîné beaucoup de résultats positifs, à la suite de ce match. Ça a été une sorte de déclic psychologique très fort. Battre Paris, avec la manière, c’est énorme. Et quelque chose qui nous donne beaucoup, beaucoup de confiance aujourd’hui parce que c’est une des meilleures équipes d’Europe, affaiblie ce jour-là, certes, mais nous aussi. Sûrement, ma plus belle réussite tactique. Sûrement, la plus aboutie en tout cas. On a fait ce qu’on avait prévu de faire, et ça a abouti à une victoire. Donc oui, c’est ma performance tactique la plus aboutie. »

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