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Comment Hoarau s’est offert une cure de jouvence à Berne
C'est l'histoire d'un type qui, jusqu'à ses 19 ans, a grandi à Saint-Pierre, sur l'île de la Réunion, avant de se promener entre la Normandie, la Bourgogne, Paris et la Gironde. Avec, entre-temps, une folie en Chine qui l'a fait disparaître de la carte. Depuis l'été dernier, « l'aventurier » Hoarau a posé ses valises à Berne, en Suisse germanique. Et il cartonne ! Mieux, en prolongeant jusqu'en 2018, il compte bien profiter encore de la douceur helvétique. Explications d'une Redemption Song pour ce fan de Bob Marley.
« En Chine, j’ai flingué ma carrière. » Quand Guillaume Hoarau débarque libre de tout contrat aux Young Boys de Berne fin août 2014, après une pige contrastée à Bordeaux, il sait qu’il n’a plus de temps à perdre. « En partant au Dalian Aerbin FC, j’ai fait un choix financier, c’était un risque à prendre qui n’a pas marché » , poursuit le Réunionnais dans un entretien à la Radio Télévision Suisse, quelques jours après son arrivée dans la capitale helvétique. De l’île de la Réunion à Paris, en passant par Le Havre et Gueugnon, la Chine, Bordeaux et Berne, « l’aventurier » comme il se définit lui-même, a bourlingué. Assez même. Il s’agit désormais de (se) prouver qu’à 31 ans, il peut retrouver son meilleur niveau des années PSG, lui qui avait dignement succédé à Pauleta sur le front de l’attaque rouge et bleu.
Young Boys – FC Lucerne, 8e journée du championnat, 14 septembre dernier. En fin de match, alors que les deux formations ne parviennent pas à se départager (2-2), l’entraîneur Ulrich Forte décide de lancer sa nouvelle recrue. Hoarau remplace Renato Steffen. Quelques minutes plus tard, en renard des surfaces à la réception d’un corner, le Français inscrit le but de la victoire (3-2). Ou plutôt, il délivre une passe décisive à Alain Rochat, qui n’a plus qu’à pousser la balle au fond des filets. Qu’importe, les débuts en Super League sont déjà réussis. Au milieu des Jaune et Noir massés en ligne devant le virage bernois à la fin du match, le grand Guillaume peut saluer ses supporters. Il ne faudra pas longtemps pour que le numéro 99 devienne leur chouchou.
Chouchou, FC Bâle et buts à gogo
Pourtant, quelques semaines auparavant, Hoarau aurait pu porter les couleurs rouge et bleue du FC Bâle, le club le plus puissant du pays. L’international tricolore (5 sélections en 2010-2011) était dans la short list du club bâlois pour pallier le départ de Marcos Streller. Finalement, ce dernier prolonge avec le champion de Suisse ; les Young Boys en profitent pour attirer le joueur libre de tout contrat – qui était aussi en contact très avancé avec Saint-Étienne cet été. Près de huit mois après son arrivée, Hoarau flambe : le coup de poker s’est transformé en coup de génie. Deuxième meilleur réalisateur de la Super League, le buteur facture quinze réalisations, plus six pions en Ligue Europa. « C’est l’un des meilleurs joueurs du championnat » , assure Bernard Challandes, le prédécesseur d’Ulrich Forte sur le banc des Young Boys. « Au sein du club, il fait l’unanimité. Il a œuvré au redressement de l’équipe (3e à l’issue du championnat en 2013-2014). »
Blogueur sur le site de Der Bund, un quotidien suisse lu principalement à Berne, Stefan Widmer souligne la capacité d’adaptation de l’ancien Girondin. « Michael Frey est parti du jour au lendemain à Lille. C’étaient les derniers jours du mercato, Hoarau était une solution rapide pour le remplacer. » À ce moment-là, le club doit aller chercher sa qualification pour les barrages de la C3. YB – prononcez « ibé » – se hissera jusqu’en 16es de finale, avec au passage un succès sur le Napoli (2-0 et un but d’Hoarau). En championnat, l’équipe de la capitale enchaîne une série de cinq victoires avant Noël et ne quittera plus la deuxième place du classement, derrière Bâle. Les prestations du Français montent crescendo : douze buts déjà sur l’année civile 2015 avant le déplacement au FC Zürich.
Tour de contrôle de l’attaque des Suisses germaniques, Hoarau met en valeur le style imprimé par son coach. « Il joue en neuf avec derrière lui le Japonais Kubo ou le Suédois Gerndt en neuf et demi. C’est un attaquant physique qui ne lâche rien » , explique Bernard Challandes, qui a entraîné en Suisse trente saisons cumulées depuis 1977. Débarqué sur le banc du FC Sion en décembre dernier, Didier Tholot n’a pu que constater les dégâts lorsque sa formation s’est frottée aux Young Boys (3-2) début mars. « C’est un point de fixation très à l’aise techniquement dans leur système. Il nous a planté deux buts, et le second était tout à fait dans son registre » , témoigne Tholot. À la réception d’un coup franc anodin, le grand gaillard catapulte le ballon dans les filets depuis l’entrée de la surface.
Intégration, long terme et ambitions
Atypique, Hoarau l’est par sa classe technique sur le pré, mais surtout par sa personnalité charismatique et chaleureuse. Plutôt discret dans les médias, l’ambianceur du vestiaire fait toujours autant de blagues à ses potes. Même la barrière de la langue n’a pas freiné son intégration. « Il parle peu allemand – le suisse-allemand c’est encore plus difficile (rires) -, mais il a de nombreux coéquipiers et un coach qui sont bilingues. Il apporte aussi de la bonne humeur dans le vestiaire » , assure Bernard Challandes. En plus de la batterie et de la guitare, ce fan de Bob Marley – il s’est tatoué son idole sur le mollet droit – s’est essayé au piano. « Berne est la capitale du rock en Suisse, révèle Stefan Widmer. Mais on dit aussi que les Bernois prennent leur temps dans tout ce qu’ils font. Ici, Hoarau est au rythme du reggae ! » D’ailleurs, le Réunionnais a déjà monté son groupe de reggae. Comme à Paris, où il jouait avec Edel Apoula et Stéphane Sessègnon.
Celui qui avait d’abord signé une pige de quatre mois s’installe donc à Berne sur le long terme. Toujours avec sa fraîcheur et un état d’esprit irréprochable. « On peut parler d’unehypeautour de Hoarau, surtout après sa prolongation de contrat pour trois ans, confirme Stefan Widmer, alias Mister Shearer sur son blog. Personne n’aurait imaginé qu’un joueur de son impact reste en Suisse sur la durée. » Surtout, Hoarau nourrit de grandes ambitions et en point d’orgue l’Euro 2016. « Il a permis aux Young Boys de faire un pas en avant. L’année prochaine, l’équipe peut viser le titre » , souffle Bernard Challandes. Les Young Boys ont trouvé leur grand frère.
Par Florian Lefèvre
Tous propos recueillis par FL, sauf ceux de Hoarau.