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Comment faire pour réformer la Ligue 1 ?
Comment redynamiser et rendre plus compétitive la Ligue 1 ? Au vu de la dégringolade de l'indice UEFA, la question a de quoi être posée. Un championnat à 18 clubs ou la création d'une ligue fermée font partie des pistes. Mais est-ce vraiment envisageable ?
Bien coincée entre la Russie et l’Ukraine, la France pointe désormais à la septième place du classement UEFA, loin, très loin derrière l’Italie et le Portugal. Ajoutez à cela le triste niveau de certaines rencontres de Ligue 1, et cela suffit à comprendre pourquoi les observateurs ont plus de matière qu’il n’en faut pour cracher sur le bon vieux championnat de France. Oui, mais après, que faut-il faire pour résoudre une telle situation ? « Une Ligue 1 à 18 clubs fait partie des étapes incontournables. Il n’y a manifestement aujourd’hui pas assez d’argent généré en France pour que tous les clubs professionnels produisent une performance de haut niveau » , lance Frédéric Paquet, directeur général adjoint du LOSC dans une interview à News Tank. Un avis que partage Jean-Claude Plessis, président de Sochaux de 1999 à 2008 : « C’est ce que je préconise aussi, car c’est dans l’intérêt du football. Il faut des affiches. Il y a trop de matchs aujourd’hui. Beaucoup de bons joueurs partent et on a du mal à en avoir suffisamment pour être attractif en Ligue 1. Et plus on dilue les joueurs dans les équipes, moins il y a d’affiches. Moi, je ferais même moins, avec 16 clubs. Ce que je vais dire va choquer, mais il faut des grands clubs dans les métropoles, avec des grands stades, il faut professionnaliser tout ça. »
Nancy et la descente en Ligue 2
Sur le sujet, le président de Saint-Étienne, Bernard Caiazzo, se montre volubile et pédagogue, mais plus nuancé que son ancien homologue doubiste : « Pour moi, tout est dans le« comment ». En fonction du comment, on peut être amené à dire oui ou non. Si on passe brutalement de 20 à 18 sans changer les paramètres d’aides aux clubs, on dira non. Si on trouve des solutions intelligentes pour qu’aucun club ne soit lésé, on dira oui. » Mais le point de vue du boss des Verts rejoint quelque peu celui de Frédéric Paquet : « Les pays où ça marche le mieux, l’Angleterre et l’Allemagne, sont les pays où il y a une concertation entre clubs pour maintenir un modèle économique viable » , indique le Nordiste.
« Si c’est pour passer à 18 clubs et provoquer des accidents industriels avec des clubs qui descendent en Ligue 2 et qui périclitent, ce n’est pas une bonne idée, complète l’homme du Forez. Les Anglais, eux, accompagnent pendant deux saisons les clubs qui descendent en leur donnant deux années de droits TV équivalents à la dernière de L1. Un club qui descend sait que pendant deux saisons, il aura 10-15 millions de droits TV. Ça donne la possibilité de se reconstruire et d’espérer remonter en Ligue 1. » L’écart est en effet abyssal entre L1 et L2 concernant la répartition des droits TV. En 2012/2013, Nancy a touché 15 millions d’euros. Une descente en Ligue 2 plus tard, le montant de ses droits TV ne s’élevait plus qu’à 4,7 millions d’euros. Mieux vaut avoir prévu son coup et avoir les reins solides.
Comment réformer ?
Mais concrètement, comment faire pour diminuer le nombre de clubs et ainsi rendre plus attractive la Ligue 1 ? « Pour changer le format du championnat, il faut qu’il y ait une majorité de clubs qui soient d’accord, donc il faut un consensus pour qu’aucun club ne soit lésé. Cela ne se fait pas, car il n’y a pas de consensus » , indique Bernard Caïazzo. « Dans les clubs, chacun défend sa chapelle » , corrobore Jean-Claude Plessis. Et le Stéphanois rappelle un détail important : « On ne pourra rien faire avant les nouveaux droits TV. Ils sont passés de 660 millions à 840 millions d’euros pour la période 2016 à 2020. Pour pouvoir changer quelque chose, il faut disposer de moyens plus importants. Un club qui a un train de vie, vous ne pouvez pas le lui diminuer. Par contre, en fonction de l’augmentation des droits, on pourra mieux indemniser les clubs qui descendent. On peut aussi imaginer des primes pour les clubs qui jouent l’Europe » , indique-t-il à l’instar de son homologue lyonnais Jean-Michel Aulas. En cas de refonte, les modalités de descentes et de montées seraient également à débattre. « Si, sur une saison, vous en faites descendre quatre et monter deux, ce n’est pas une bonne idée. Il vaut mieux en faire descendre 3 une année et pareil l’année d’après. Chez les Allemands, le système de play offs est très intéressant aussi » , estime Caïazzo.
Vers une ligue fermée ?
En vue de redynamiser le foot français, une autre solution semble envisageable pour Frédéric Paquet : un système de ligue fermée, comme aux États-Unis. Un championnat sans relégation ni promotion donc. « Je ne veux pas passer pour le pro-américain, mais après avoir beaucoup voyagé, beaucoup vu, je dis que le seul système qui permette aux clubs de gagner de l’argent, de faire du spectacle et d’attirer du monde, c’est plutôt celui-là » , explique-t-il. Mais un tel système pourrait-il être appliqué en France ? Pour Jean-Claude Plessis, « c’est sans doute nécessaire, mais c’est une chose à laquelle il faut réfléchir, car on n’est pas prêts pour ça, en France et en Europe. C’est culturel et on estime que celui qui a mérité sa montée doit monter. Il faudrait réformer le système. » Le récent exemple de Luzenac et du formidable soutien reçu de toute part par le club vient illustrer cette vision d’un sport méritocratique auquel les Français sont attachés.
Jean-Baptiste Guegan, professeur en géopolitique du sport à Paris, appuie cette idée : « L’idée d’une ligue fermée contrevient au modèle même du sport à l’européenne et à l’idée méritocratique des montées et descentes sportives. » Pour lui, d’autres obstacles, notamment techniques, s’opposent à la mise en place d’une ligue fermée dans le football français actuel : « Cette organisation oblige à une « draft » des talents et à un « salary cap ». J’imagine mal les clubs formateurs français faire ça quand on sait que les produits de la formation française font de notre pays le deuxième exportateur mondial de joueurs dans le monde et en Europe. » Le modèle américain reste en effet très éloigné du nôtre, et donc difficile à appliquer dans les faits, à moins d’une refonte totale du système français. Jean-Baptiste Guegan souligne toutefois que « dans les faits, on a déjà une ligue plus ou moins fermée. Sauf exception, les clubs solidement installés en Ligue 1 y restent. » Pour lui, un compromis pourrait être « un système mixte à 18 ou 16 clubs avec une montée et une descente seulement » , où « la Ligue 2 serait alors l’antichambre de la Ligue 1 » , accompagné d’une redistribution des droits TV au profit de la Ligue 2. Mais a priori, on n’en est pas encore là.
Morgane Carlier, Antoine Beneytou et Aurélien Renault