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Comment faire pour que la mayonnaise prenne ?
Depuis le début de saison à Monaco, le constat est sans appel : la mayonnaise ne prend pas. Une contrariété qui pourrait vite se transformer en catastrophe industrielle alors que la deuxième partie du championnat est désormais entamée. La méthode Thierry Henry n'a pas fonctionné ? À l'heure où les Monégasques rendent visite à Guingamp, ce soir en demi-finale de Coupe de la Ligue, ils seraient inspirés d'écouter ce qu'a à dire Cédric Duthilleul, sacré champion du monde de l’œuf mayo cet été.
En apparence, la recette d’une bonne mayonnaise semble à la portée de n’importe qui. Des jaunes d’œuf, de la moutarde, du vinaigre, de l’huile, un peu de sel et de poivre et le tour est joué. Un jeu d’enfant qui n’en est pas un, en réalité. Sur le Rocher, le gérant du très respecté AS Monaco, Vadim Vasilyev, avait prévenu dès le mois d’août, alors que d’importants changements bouleversaient le quotidien de son entreprise : « On a la qualité. Mais il reste beaucoup de travail pour que la mayonnaise prenne et que notre équipe soit homogène. » Pas tombé dans l’oreille d’un sourd, c’est un son de cloche similaire qui a été entendu en novembre dans la bouche de Youri Tielemans, un mois seulement après la nomination du chef Henry : « Il faut que la mayonnaise prenne. » Comme s’il était encore temps de revenir en arrière et de tout recommencer, alors que les apprentis cuisiniers se brûlent les doigts chaque week-end ou presque. Car, sans le savoir ou bien en parfaite connaissance de cause, l’homme d’affaires russe et son milieu de terrain international belge avaient déjà mis le doigt là où le bât blesse : pour le moment, leur mayonnaise est foirée.
Parole de champion
Rare dans les médias, la parole du champion du monde d’œuf mayonnaise Cédric Duthilleul est précieuse. « Moi, la première fois que j’ai fait une mayonnaise, j’étais tout petit. Je devais avoir 8 ou 10 ans. Ça fait 20 ans que je fais des œufs mayo » , explique celui qui sévit à deux pas de l’Élysée. « Bien mélanger sa moutarde et son œuf dès le départ, c’est primordial. Puis ensuite, il faut incorporer son huile petit à petit sans arrêter de tourner. C’est pour ça que ça fait mal au bras. Il faut aller doucement et ça demande beaucoup de travail. »
Prendre son temps pour rendre sa production homogène, c’est bien tout l’inverse de ce qu’a fait Monaco cet été en privilégiant, une nouvelle fois, le profit à la stabilité. En se séparant de joueurs cadres comme Fabinho ou Lemar, après que Mbappé, Bakayoko, Mendy ou Bernardo Silva se sont fait la malle l’année précédente, l’ASM a tout fait à l’envers. Et sur sur ce point, le patron du Griffonnier est sans concession : « Tous les ingrédients sont importants. Avec du mauvais, on ne peut pas faire du bon, mais avec du bon, on peut faire du mauvais si on ne sait pas bien le faire. Mais il faut quand même des bons ingrédients à la base : une vraie bonne moutarde, des œufs bio, une bonne huile également. » De quoi remettre en cause pas mal d’aspects et de choix lors de la préparation de la sauce asémiste en juillet-août dernier.
La fin du cauchemar en cuisine ?
Vient alors le moment fatidique où les mis en cause décident d’ouvrir les yeux pour se prendre la réalité en pleine face : non, la mayonnaise n’a pas pris. « On le voit rapidement quand la mayonnaise est complètement déliée. Au lieu de faire une mayo consistante et épaisse, vous avez une huile qui fait des fils. Et elle sera forcément trop liquide si elle ne prend pas » , assène Cédric Duthilleul. Il faut alors faire vite pour se reprendre, avant que la table ne soit prête et que les convives ne viennent juger le travail final.
En conférence de presse la semaine dernière, avant son éviction, Thierry Henry avait tenté d’employer les grands mots pour remettre de l’ordre dans sa cuisine : « Il va falloir cibler le groupe pour partir à la guerre, avec tout le respect que j’ai pour les gens qui ont connu la guerre. C’est une expression. Il va falloir cibler un groupe de 23-24 joueurs pas plus et savoir qui sera là ou non. Car après, tu peux perdre l’objectif. C’est important de pouvoir réduire le groupe et trouver la bonne sauce. » Pas du goût des dirigeants monégasques qui attendaient visiblement autre chose. Comme trouver la bonne sauce, et peut-être aussi d’abord la bonne huile afin de rendre compact et homogène un corps propre à se délier à la moindre contrariété. Comme face à Strasbourg à domicile (1-5), ou plus récemment à Dijon . Pour y parvenir, Cédric Duthilleul accepte de livrer son petit secret qui l’a emmené sur le toit du monde, l’été dernier dans un établissement du 8e arrondissement de Paris : « J’utilise une huile de pépins de raisin, car lorsqu’on la met au frigo, elle ne gèle pas. D’autant que l’huile n’a pas d’influence sur le goût final. » Comme réponse, le board de l’ASM a donc choisi de faire du neuf avec du vieux en rappelant l’ancien chef Leonardo Jardim. Un homme qui a jadis détenu la recette, lui qui avait accepté aussi volontiers cet été de « faire une omelette » avec les œufs qui étaient à sa disposition. L’entraîneur portugais aurait tort de croire que l’œuf est l’unique problème de la mayo monégasque. La défaite ramenée de Dijon il y a trois jours est formelle : il y a bel et bien un problème avec la moutarde.
Par Andrea Chazy