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Comment faire jouer Thiago Alcántara au Bayern ?
Certains joueurs, la plupart d'entre eux même, rêvent toute leur vie d'avoir un jour la chance de porter le maillot d'un très grand club. Thiago Alcántara n'a que 22 ans et a déjà joué trois saisons au FC Barcelone. Et quand un joueur en manque de temps de jeu se dirige généralement – et logiquement – vers un club d'un standing inférieur, Thiago a eu le choix entre Manchester United et le Bayern Munich. Oui, le fils de Mazinho est ce qu'on appelle un enfant gâté. Finalement, ce sera la Bundesliga. Un transfert pour Pep Guardiola, par Pep Guardiola. Voyage entre les deux oreilles de Josep pour savoir où jouera le milieu brésilo-italo-espagnol.
« Thiago est le seul joueur que je veux. Ce sera lui ou personne. Nous avons beaucoup de joueurs, mais je pense que nous avons besoin des qualités spéciales de Thiago. C’est mon opinion, mais j’écouterai le board. S’ils disent non, ça me va. » Voilà certainement les mots qui ont le plus influencé la décision de Thiago. Entre le vide à la construction du jeu de Manchester, et la folle concurrence au milieu du Bayern, le choix logique aurait pu être United. Mais l’amour d’un entraîneur est inestimable. À Munich, il met les pieds dans la nouvelle maison de son mentor. Et le joueur ne se cache pas : « Pep est très certainement l’une des principales raisons de ma venue au Bayern. » Voilà, les deux s’aiment et sont maintenant réunis. Mais pour quel mariage ?
Le nouveau 4-1-4-1 de Guardiola
« Thiago peut jouer à trois, quatre ou cinq positions différentes du milieu de terrain » , a assuré Pep aux Allemands, certainement étonnés de voir le club dépenser 25 millions d’euros sur un secteur déjà couvert par Schweinsteiger, Kroos, Muller, Götze, Ribéry, Robben, Shaqiri, Javi Martínez, Luiz Gustavo voire Hojbjerg. Aujourd’hui, il manque encore des semaines avant le début de la longue saison du Bayern, et il faut donc savoir analyser les matchs amicaux avec du recul. Néanmoins, Guardiola semble se fixer sur son 4-1-4-1 après six essais concluants. Un seul milieu défensif, et une ligne très large de quatre milieux. Par rapport au 4-2-3-1 de Heynckes, en clair, Guardiola a retourné le triangle du milieu. Un seul en bas, deux en haut. Pour un système que l’on pourrait essayer de lire comme un 4-3-3, si l’on se forçait.
Surtout, on a pu observer des manœuvres très larges (sur lesquelles Ribéry se trouve à merveille), des transmissions très rapides de gauche à droite, une grande activité latérale et énormément de centres. Sur les côtés, Pep a fait tourner Shaqiri, Ribéry, Robben et même Lahm en offensif. En plus de déborder, l’ailier semble avoir la consigne de venir se placer dans la surface, très proche d’un rôle d’attaquant. D’où le spectre du 4-3-3. Derrière, deux milieux intérieurs « font le jeu » . Ici, on a surtout vu Ribéry (bien plus souvent utilisé ici que sur l’aile, et très à l’aise) et Müller. Derrière, en seul 6, Kroos a fait le boulot, laissant Hojbjerg contre Brescia. Le tout en attendant Schweinsteiger, évidemment.
Un milieu offensif de plus, pour quoi faire ?
Il convient ici de souligner que malgré plus de cent matchs disputés avec le Barça, la particularité du système barcelonais d’une part et son manque de temps de jeu d’autre part font que l’on est aujourd’hui très loin de savoir réellement quel joueur va devenir Thiago Alcántara. Néanmoins, on connaît son football fougueux fait de passements de jambe, roulettes, slaloms et crochets au frein à main. On connaît aussi sa finition à l’entrée de la surface et même de la tête. Et enfin, l’immense panoplie de son jeu de passes. Ainsi, dans un tel système, sur les cinq positions du milieu, les deux plus naturelles seraient celles des deux milieux intérieurs : un rôle avec le ballon, face au jeu, offrant des solutions devant et sur les côtés.
Avec la sélection espagnole U21 championne d’Europe en juin, le rôle de Thiago aura été bien plus libre et vertical qu’au Barça : milieu offensif axial, à gauche, à droite et même faux numéro neuf. Auteur d’un triplé en finale, le grand frère de Rafinha et cousin de Rodrigo s’est senti en famille proche du but. Mais… le Bayern a déjà tout ce qu’il faut dans ce registre : la capacité à déséquilibrer les défenses de Müller, la vitesse et les passes de Ribéry, le sens du but de Kroos… Si Guardiola a parlé de « qualités spéciales » , Thiago doit forcément être prédestiné à un autre rôle.
Seul devant la défense, mais avec le ballon ?
Javier Lago, son premier entraîneur à l’E.D. Val Miñor Nigrán, expliquait ainsi les difficultés de son poulain à Barcelone : « Thiago doit se trouver à la baguette. (…) Il joue un cran trop reculé au Barça. (…) Thiago doit être plus proche de la surface de réparation pour que ses différences soient décisives. On doit lui donner de la liberté pour qu’il s’exprime. Par exemple, il aime le dribble. Mais au Barça, s’il joue plus bas et qu’il perd le ballon, ça devient tout de suite dangereux. Alors il se bride. » Classique : Thiago est trop brésilien pour le Barça, il faut lui faire sentir sa confiance pour qu’il joue instinctivement et tout ira mieux. Seulement, surprise : face à Hambourg hier, pour son premier match, Guardiola le mentor choisit de placer Thiago en seul milieu défensif derrière Kroos et Ribéry. Là où il peut perdre le ballon, là où il doit organiser. D’où l’interrogation : en plus d’être le créateur de jeu que l’on connaît déjà, peut-il être un véritable organisateur ?
En août 2011, Thiago est titulaire à la place de Xavi en Supercoupe d’Espagne au Bernabéu. Le prodige est seulement étincelant (ce qui ne veut pas forcément dire qu’il est bon, mais bien qu’il fait des étincelles), et quand Xavi prend sa place à la 58e, la possession du Barça n’est que de 52%. Le métronome quadrille le terrain, replace ses pions et un Barça réorganisé parvient à repousser les assauts du Real. Thiago n’a jamais semblé pouvoir remplacer Xavi poste pour poste. D’où un autre chemin : et si Guardiola ne lui demandait pas d’épouser la science d’un Xavi, mais plutôt la virtuosité d’un Pirlo ? Un triangle retourné, des latéraux collés à la ligne de touche, la multiplication des centres… Il en faut des « qualités spéciales » pour animer un tel système. Et si l’on n’avait encore rien vu du vrai Thiago Alcántara ?
Par Markus Kaufmann
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