Comment expliquer la filiale Olympiakos-Ajaccio et ses transferts ?

Olympiakos Le PiréeMarseille

le 21/10/2020 à 21:00

Groupe C Ligue des champions

Au bout du compte, Patrick Valéry était peut-être un précurseur. En 2001, l’ancien latéral connu pour ses tacles pas très tendres fait un choix étonnant : celui de quitter la Corse, qui a vu naître son père, pour rejoindre la Grèce. Au revoir Bastia, bonjour l’Áris. « Je suis parti un an en Angleterre, je suis revenu trois ans au Sporting, puis reparti un an en Grèce avec Christophe Galtier, remet-il. On ne s’est pas amusé à visiter le pays, on était là pour le travail. »

Une décision surprenante, donc, qui ne le serait plus du tout actuellement. Car aujourd’hui, le chemin entre l’Île de Beauté et le pays des Balkans est tout tracé. Pas grâce au SCB, non, mais plutôt à sa ville ennemie. Multipliant les transferts avec l’Olympiakos Le Pirée ces dernières années, Ajaccio a en effet construit une véritable autoroute liant les deux lieux et largement empruntée par les footballeurs. Une autoroute consacrée aux joueurs et aux agents, même.

Une liste longue comme le bras armé

À l’heure d’affronter l’Olympique de Marseille lors de la première journée de Ligue des champions, l’Olympiakos pourra compter sur la doublette défensive Pape Abou Cissé/Ousseynou Ba pour contrôler Dimitri Payet et sur Mohamed Mady Camara pour embêter Morgan Sanson dans l’entrejeu. Sans oublier Hugo Cuypers, qui tâchera d’effrayer Steve Mandanda s’il en a l’opportunité. Le point commun de ces quatre hommes ? Tous sont passés d’Ajaccio (du Gazélec pour Ba, de l’ACA pour les trois autres) à l’Olympiakos, entre 2017 et 2020. À cette liste, il convient d’ajouter Fodé Camara qui a réalisé le même voyage en partant du Gaz’ en 2019 (et qui a ensuite été prêté à Chania).

Dans l’autre sens, Abdoulaye Keita a été prêté en 2019 à l’ACA (pour lequel il jouait déjà en 2018, avant de signer pour Paniónios), et Qazim Laçi a été transféré au club corse en 2018 (après y avoir été prêté). Claude Dielna, lui, avait montré le sens de la route en étant prêté en 2013. Mais alors, comment expliquer une telle filiale ? Qui l’a installée, qui l’entretient ? Derrière ce plan se cache Playeleven.

Agence tous risques spécialisée

Playeleven ? Derrière son nom qui résonne comme une commune des Côtes-d’Armor, Playeleven est une agence de management, tout simplement, portée par les anciens Marseillais Pierre Issa (passé par Ionikos Nikaia et l’OFI Crète, avant sa reconversion) et Salim Arrache (passé par le PAS Giannina, le PAE Astéras Trípolis, l’AEL Kallonis, Bastia et… Ajaccio). Parmi ses clients (outre Jean-Louis Leca, Moussa Maazou, Alaixys Romao et Mathieu Valbuena), on retrouve Ba, les deux Camara, Cissé, Keita ou encore Laçi. « Pour avoir notamment évolué à l’OM, j’ai toujours eu un bon réseau en France. Au début de ma carrière d’agent, j’ai pu travailler régulièrement avec Ajaccio et ça se passait très bien quand je leur conseillais certains joueurs, raconte le Sud-Africain, connu pour son but contre son camp en faveur de la France durant la Coupe du monde 1998. Puis, je suis devenu directeur sportif de l’Olympiakos. Je connaissais bien la direction de l’ACA, donc je me suis penché sur son effectif en ciblant les jeunes. J’ai repéré Cissé, j’ai proposé en échange un jeune de notre académie en manque de temps de jeu au binôme Olivier Pantanoli-Patrick Vernet, et tout a débuté comme ça. On a ensuite pris Camara, le lien a commencé à se forger et on s’est même tourné vers le Gazélec. »

Un lien Olympiakos-ACA que confirme Johan Cavalli, coordinateur sportif des Corses : « Les deux clubs entretenaient des relations sportives, et on continue depuis ma prise de fonction. J’ai un très bon rapport avec François Modesto(qui travaille à la fois pour les Grecs et Nottingham Forest, N.D.L.R.), notre interlocuteur privilégié dans nos discussions avec l’Olympiakos. » Selon l’ex-milieu de terrain, l’objectif est de « faire grandir, faire constamment évoluer les joueurs qui passent chez nous. M. Camara et Cissé, par exemple, jouent régulièrement la C1 maintenant. À l’inverse, les joueurs prêtés ici ont plus de temps de jeu pour progresser et passer des caps. Laçi a intégré la sélection avec l’Albanie, Cuypers a réintégré le groupe professionnel de l’Olympiakos après être passé à Ajaccio… Enfin, des joueurs comme Keita qui ont eu des soucis physiques et qui reviennent en forme bénéficient également de cette collaboration. »

Du soleil corse, comme s’il en pleuvait

Vrai. Comme l’indique Cavalli, les transferts entre Le Pirée et Ajaccio profitent à tout le monde. « Pour le moment, aucun joueur n’a eu à regretter ce style de transactions. Ajaccio comme l’Olympiakos représentent des plaques tournantes intéressantes, qui servent à voir encore plus haut par la suite. L’ACA permet à de très jeunes joueurs de se forger, d’avoir l’occasion de s’exprimer. Un gars qui vient par exemple tenter l’aventure en Ligue 2 plutôt que de jouer le maintien en Grèce, il a des chances de se faire remarquer par une équipe de première division française, corrobore Issa. Dans un sens comme dans l’autre, les valeurs gonflent. Camara est estimé à douze millions d’euros selon Transfertmarkt, Cissé et Ba sont devenus internationaux sénégalais… » Et à l’instar d’un Camara considéré comme la plus grosse valeur marchande de l’effectif grec, eux aussi voient leur cote grimper : Cissé est valorisé à cinq millions (contre 600 000, à son départ de l’Île de Beauté), Ba à quatre (contre 500 000).

Ces « Gréco-Corses » ou « Corso-Grecs » font donc avancer leur carrière sans perdre leur qualité de vie. « Le contexte environnemental joue, c’est clair, appuie encore l’ancien arrière central. Le temps, le climat, l’ambiance… Les deux lieux sont assez comparables à ce niveau-là, donc les joueurs s’adaptent bien quand ils vont de l’un à l’autre. Et puis maintenant, les échanges sont facilités avec l’habitude, donc tout est plus simple. » Les Olympiens de la Canebière, menés par l’ex-Bastiais Florian Thauvin, sont prévenus : leur premier duel européen de la saison, qui a lieu au stade Karaïskaki, pourrait s’avérer un peu plus corsé que prévu.