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Comment expliquer cette avalanche de blessures en Europe ?

Par Tom Binet et Adrien Hémard.
8 minutes
Comment expliquer cette avalanche de blessures en Europe ?

Un vent de fronde s’élève sur le Vieux-Continent. Partout, entraîneurs et joueurs se dressent contre la cadence infernale des matchs qui provoque une cascade de blessures. Dans le contexte de pandémie, le phénomène est saisissant. Et inquiétant. Si l’impact du nombre de matchs est indéniable, d’autres facteurs expliquent toutefois cette hausse générale des blessures. Explications.

« On va tuer les joueurs. À chaque match, on perd un joueur en ce moment. Si on continue comme ça, il n’y aura plus de joueurs disponibles », prévenait Thomas Tuchel fin octobre. Et l’entraîneur parisien a de quoi, vu le taux de remplissage de son infirmerie. À l’étranger, cette colère est largement partagée, notamment par Pep Guardiola ou Jürgen Klopp côté bancs, ou Toni Kroos et Thiago Silva côté terrain, pour ne citer qu’eux. « On perd des joueurs infectés par la Covid-19, ou d’autres qui se blessent parce qu’on fait beaucoup de matchs. Nous ne sommes pas des machines », pestait l’ancien défenseur parisien à son arrivée en sélection il y a quelques jours. D’après le site spécialisé PremierInjuries, les blessures musculaires étaient en hausse de 42% en Premier League lors des cinq premières semaines de compétition. De manière générale, le nombre de blessures explose dans les cinq grands championnats.

« On fait la comptabilité à la fin de la saison, mais on sent déjà cette augmentation surtout sur les petits pépins. Ça n’a pas doublé, mais c’est palpable », témoigne Olivier Rodríguez, préparateur physique du Havre, qui précise toutefois : « Il faut bien séparer la Ligue 1 des autres championnats, parce que la France est la seule à avoir stoppé sa saison dernière. » Pointée du doigt par tous les acteurs, la cadence de matchs est évidemment la principale cause de ce phénomène. Logique, puisque la saison a commencé plus tard à cause de la Covid, et finira aussi tôt que prévu en vue de l’Euro et de la Copa América, notamment, soit cinq semaines de perdues. Forcément, pour les clubs, et a fortiori pour ceux engagés en Coupe d’Europe, l’addition est déjà salée. Mais ce n’est pas la seule explication.

L’été de tous les dangers

« Il n’y a pas une raison principale, mais un enchevêtrement de raisons, lance d’emblée Olivier Rodríguez. La première : la coupure, brusque et prolongée, créée par le confinement : Le corps n’aime pas ça. Et les programmes d’entretien envoyés aux joueurs pouvaient, au mieux, limiter la casse », précise le Havrais. Une excuse derrière laquelle Randy Fondelot, préparateur physique du Red Star, refuse de se cacher : « Oui, ça a fait beaucoup de dégâts, mais on avait huit semaines de préparation, ce qui est énorme. S’il y a des blessures, c’est que la reconstruction physique n’a pas forcément été faite comme il fallait. » Mais comment parvenir à un tel résultat ? « Nous, on a essayé de couper le moins possible, de maintenir le joueur en activité, détaille le préparateur angevin Benoît Pickeu. L’idée, c’est qu’il y ait le moins de perte possible d’un point de vue physique, que la coupure n’en soit pas vraiment une. » Un sacré défi étalé sur plus de cinq mois. D’autres ont tenté des paris différents, comme par exemple au Red Star. « Le coach m’a suivi dans une démarche inhabituelle : celle de ne pas toucher le ballon pendant deux semaines. On a commencé par la reconstruction des joueurs, détaille Randy Fondelot. J’ai échangé avec des confrères, beaucoup de clubs ont repris le ballon très tôt. » Méthode différente, mais choix tout aussi payant pour l’actuel deuxième de National 1.

Ceux qui n’ont pas pu prendre ces précautions en payent aujourd’hui le prix. Exemple type : le PSG et son avalanche de blessés. « La différence, c’est qu’eux n’ont pas pu faire cette préparation de fond, ils ont travaillé pour l’objectif à court terme du Final 8. C’est une stratégie différente parce qu’ils devaient être performants très vite », tempère Olivier Rodríguez. Pour les clubs engagés en Europe cet été, souvent les mêmes qui jouent tous les trois jours aujourd’hui, pas étonnant de voir de la casse donc. D’autant qu’ils s’appuient sur des internationaux, plus sollicités cet automne que jamais en sélection. Pourtant, difficile d’établir une quelconque homogénéité pour l’ensemble des concernés. Pendant que certains voyaient leur infirmerie se remplir au fil des semaines, d’autres esquivaient parfaitement les gouttes, à l’image de Manchester United ou même de… Lyon. « La différence, c’est que les clubs déjà plus fragiles en temps normal explosent totalement dans ces conditions plus difficiles, ils s’écroulent », explique Bouillot. Avec 21 blessures contre 18 l’an passé à la même époque, le PSG en est le parfait exemple.

Covid, stress et cercle vicieux

Le corps c’est une chose, mais le foot se joue aussi avec la tête. Et là, tous les staffs médicaux s’accordent sur un point : le climat actuel pèse sur les joueurs. « Cette situation modifie l’entraînement, mais aussi l’environnement des athlètes qui voient leurs habitudes bouleversées. Il ne faut pas négliger cet impact. Par exemple, le confinement a altéré la qualité du sommeil et la qualité nutritive. Ce sont des détails, mais à ce niveau cela compte », explique Gaël Guilhem, directeur du labo « Sport, Expertise et Performance » à l’INSEP. Pour Didier Bouillot, ancien préparateur du Mans et de Valenciennes, la crainte de la blessure a empoisonné les joueurs, au point de provoquer ces pépins physiques. Finalement, les footballeurs ne sont que des êtres humains qui, comme beaucoup, angoissent face à la crise sanitaire. « On oublie l’environnement social, la pression sanitaire, l’obligation de résultats, alors que tout ça joue sur le stress du joueur et son corps », énumère de son côté Olivier Rodríguez. Un avis que ne partage pourtant pas Edouard Lipka, ancien médecin de l’équipe de France : « On parle de dépression, de peur de jouer… L’aspect psychologique, je n’y crois pas, tranche-t-il. Les joueurs ont l’habitude de gérer le stress. »

Mais l’impact de la Covid-19 est aussi concret. Nombreux sont les joueurs à avoir été directement touchés depuis le test positif de Daniele Rugani en mars dernier. Un virus qui, s’il ne se manifeste généralement pas dans ses formes les plus graves chez les sportifs de haut niveau – même si certains comme le Montpelliérain Junior Sambia ont dû être hospitalisés – nécessite une longue période d’isolement, synonyme d’activité physique limitée. « La Covid entraîne une amyotrophie musculaire, c’est-à-dire une fonte des muscles. Donc il ne faut pas faire reprendre les joueurs trop rapidement », prévient Edouard Lipka. D’autant que le recul manque pour juger des effets précis sur l’ensemble de l’organisme, ce qui est difficile à gérer pour les staffs. « Les clubs qui ont eu tout leur effectif touché d’un coup, c’est un mal pour un bien, parce que tout le monde repart en même temps. Sinon, ça dilue les reprises, les retours sont inégaux, avoue Olivier Rodríguez. Quand un joueur est arrêté, on doit le suivre cas par cas. Pendant ce temps, les autres qui n’ont pas la Covid sont surutilisés. C’est un cercle vicieux : plus il y a de Covid, plus les joueurs non malades jouent, et donc risquent des suspensions ou sont surexposés aux blessures. »

Le pire encore à venir ?

« C’est une course contre la montre, parce que les compétitions continuent à s’enchaîner. Rattraper tout ça va prendre du temps, tous les staffs médicaux sont sur un fil », s’inquiète Benoît Pickeu. Pour éviter le drame collectif, la règle des cinq changements, toujours en vigueur partout sauf en Angleterre, fait presque l’unanimité d’un point de vue médical. Favorable à cette adaptation, Didier Bouillot reste quelque peu sceptique : « C’est un pansement sur une jambe de bois. Vous faites entrer des joueurs sur des temps très courts, ils passent de rien du tout à vingt minutes très intenses, ça peut casser. » « Si un joueur est sur le banc, c’est qu’il est capable de faire vingt minutes à haute intensité, répond pour sa part Benoît Pickeu, qui y voit même des bénéfices : Cela nous a permis de faire entrer des joueurs qui n’étaient pas prêts à faire un match entier et les faire progresser dans leur préparation. » Une règle qui ne concerne pas Randy Fondelot et le Red Star en National 1, à son plus grand désarroi : « C’était clairement indispensable. Les gens ont voté contre, je ne comprends pas pourquoi, sûrement pour des raisons économiques. »

Le retour de la redoutée trêve internationale s’annonce crucial. « On va arriver dans la période où ça va être le plus compliqué, ce n’est que le début, prévient sans détour Didier Bouillot. Les terrains vont se rajouter à ça. Et puis tout ce que vous n’avez pas mis en place cet été, vous n’allez pas le mettre en place maintenant. Cela veut dire que vous allez avoir des effectifs en pièces, des niveaux de performance inégaux entre les joueurs. » Qu’importe, alors que la France affronte une deuxième vague de la pandémie et un deuxième confinement, certains préfèrent relativiser. « On a de la chance de faire notre travail en ce moment, philosophe Olivier Rodríguez. Alors oui, ça touche l’intégrité physique, oui, il faut être plus vigilant. Mais on a le privilège de continuer à jouer et servir d’exutoire aux passionnés qui nous regardent. Et pour cela, il y a un prix à payer. Dans le contexte actuel, c’est un luxe. »

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Par Tom Binet et Adrien Hémard.

Tous propos recueillis par AH et TB.

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