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Comment Chelsea est redevenu une vraie équipe de football
Au moment d’affronter Tottenham ce dimanche, Chelsea est invaincu depuis sept matchs, tutoie le haut du classement de la Premier League et s’affirme comme une des équipes les plus spectaculaires du championnat. Difficile à croire pour un club qui ne générait que moqueries il y a encore quelques mois.
Rira bien qui rira le dernier. Moqué depuis un peu plus de deux ans pour ses mercatos carnavalesques et son défilé constant d’entraîneurs, Chelsea a aujourd’hui troqué son nez de clown contre un costume de challenger. Deuxièmes de Premier League après la 14e journée, troisième meilleure attaque d’Europe, les Blues ont retrouvé un niveau sérieux et assurent même le divertissement à chaque match avec un jeu spectaculaire. Cette semaine, c’est avec beaucoup d’optimisme qu’Enzo Maresca a annoncé vouloir poursuivre la métamorphose en cours sur le long terme : « En raison de l’âge et de la qualité de l’équipe, Chelsea sera dans les cinq ou dix prochaines années l’une des équipes, ou l’équipe, qui dominera le football anglais. » De là à penser que le club a eu raison dans ses stratégies complètement folles opérées depuis tout ce temps ?
Équipe A, équipe B, équipe C…
Les mercatos réalisés par Chelsea ces dernières années, qui consistaient grosso modo à investir le PIB d’îles du Pacifique dans des dizaines de jeunes joueurs, étaient sans nul doute excessifs, beaucoup trop coûteux et aux antipodes de tout modèle de gestion à suivre. Il faut tout de même reconnaître que ce plan de route, aussi critiquable et absurde soit-il, compte deux avantages indéniables dont les Blues profitent pleinement aujourd’hui. Primo : parmi la pelletée de joueurs achetés à prix d’or, il y en a forcément dans le lot qui se sont révélés être de très bons coups, comme Cole Palmer, Nicolas Jackson ou Pedro Neto. Deuzio : avoir un effectif XXL est bien utile à une époque où tous les clubs se plaignent de l’enchaînement des matchs pendant que les instances du football en rajoutent. Enzo Maresca parvient ainsi à garder tout le monde au frais en travaillant de manière assumée avec des groupes totalement différents en championnat (avec Palmer, Jackson ou Noni Madueke notamment) et dans les autres compétitions en semaine (avec Christopher Nkunku, João Félix et Mykhaïlo Mudryk par exemple) sans prendre en compte le prix d’achat des différents joueurs.
Le fait de disputer la Ligue Conférence est d’ailleurs un avantage non négligeable à prendre en compte pour jauger le niveau des Blues, encore en reconstruction et qui ne pourraient pas se permettre un tel turnover s’ils devaient affronter le Bayern Munich ou le Real Madrid en C1 plutôt que les Arméniens de Noah en C4 – no offense. Le risque est toutefois de frustrer les joueurs qui ne prennent part qu’aux compétitions mineures, Nkunku ayant notamment évoqué son mécontentement à ce sujet. En attendant, les Londoniens semblent avoir une vraie carte à jouer pour tenir le rythme exigeant de la course au Big Four en Premier League et seront peut-être parmi les rares à pouvoir jouer à fond l’impopulaire Coupe du monde des clubs en juin prochain, là où les grosses écuries seront sans doute confrontées au dilemme de faire souffler leurs cadres après une saison pleine.
Le calme dans la tempête
Au moment de remplacer Mauricio Pochettino à Stamford Bridge, Enzo Maresca ne disposait pas forcément d’un immense crédit, lui qui n’avait été, avant son expérience à Leicester City en 2023-2024, l’entraîneur principal que de Parme, le temps de quelques mois. L’ancien milieu de terrain est pourtant parvenu en peu de temps à développer un football de possession on ne peut plus moderne, avec un système de base en 4-2-3-1 où gardien, latéraux et buteur n’hésitent pas à dézoner pour créer une supériorité numérique sur le pré. Dans un tel système, chacun est dans de bonnes conditions pour progresser : Moisés Caicedo et Enzo Fernández commencent enfin à justifier leur prix, Jackson empile les buts et Palmer confirme son statut de phénomène au cœur du jeu en laissant les feux follets gagner en maturité sur les flancs.
Au-delà du style ou même des résultats, le plus admirable chez Maresca est peut-être d’avoir fait des choix forts dans un environnement chaotique, avec un trop grand nombre de joueurs pour tenir dans un seul vestiaire, des copropriétaires (Todd Boelhy et Behdad Eghbali) qui ne savent pas se voir en peinture et des critiques virulentes de la part des médias et du grand public. L’Italien n’a ainsi pas hésité à mettre de côté les joueurs dont il ne voulait pas (Raheem Sterling et Conor Gallagher) et a opté pour une approche offensive malgré le grand nombre de buts concédés par le club la saison passée (63 en championnat). L’aspect défensif sera d’ailleurs probablement le point d’amélioration principal de cette équipe, les arrières des Blues n’étant pas les derniers à réaliser des bourdes aux alentours de leur surface. Et si cela ne change pas, rien n’empêchera BlueCo d’investir dans cinq ou six nouveaux défenseurs lors des prochains mercatos : dans le lot, il y aura peut-être bien le nouveau John Terry.
Par François Linden