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Comment bien lire les statistiques des joueurs ?

Par Julien Mahieu
Comment bien lire les statistiques des joueurs ?

Le football moderne a la fâcheuse tendance de mettre en lumière les performances offensives et de valoriser les buteurs aux lignes de stats affolantes, au détriment des joueurs qui brillent dans l’ombre. Sans doute parce qu’il est plus délicat de juger les prestations d’un défenseur, d’un relayeur, voire d’un meneur de jeu. Voici quelques pistes pour bien évaluer la prestation de chacun sur le terrain.

1. Le milieu récupérateur qui ne participe pas à la création du jeu

Le rôle le plus ingrat que puisse jouer un footballeur de haut niveau : le milieu de terrain défensif travaille dans l’ombre, au service de ses partenaires, se sacrifie corps et âme en balayant le terrain à la poursuite de passes mal ajustées… Et pourtant, on ne remarque pas toujours ses plus belles prestations, comme si on avait du mal à évaluer son apport pourtant décisif au collectif. On ne comprend parfois la valeur d’un excellent récupérateur que quand il n’est plus là. Le Real Madrid en a fait l’amère expérience après le départ de Claude Makelele à l’été 2003 : en fin de compte, ce n’étaient pas Zidane, Figo, Raúl ou Ronaldo qui gagnaient des titres, mais bien davantage l’infatigable récupérateur des Bleus, dont l’activité débordante libérait ses partenaires. Pour évaluer la performance d’un bon milieu de terrain récupérateur, il faut surtout s’attacher à surveiller ses statistiques défensives, plutôt que son taux de passe réussies. N’Golo Kanté a ainsi terminé la saison dernière avec le plus d’interceptions (159) et le plus de tacles réussis (181) en Premier League ; des statistiques qui en font l’un des grands artisans du titre de Leicester.

2. Le défenseur central qui défend proprement

Depuis son arrivée à Arsenal, le défenseur français Laurent Koscielny n’a récolté que 26 cartons jaunes en championnat, en plus de 200 apparitions. Mieux : depuis la saison 2011-12, il commet systématiquement moins d’une faute par match. À titre de comparaison, Mangala (Manchester City) affiche une moyenne de 1,6 faute par match l’an dernier, et Chris Smalling (Manchester United) une moyenne de 1,3. Ce n’est pas pour rien que Koscielny est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs défenseurs du Royaume, et présente malgré son faible taux de fautes commises la 3e meilleure moyenne d’interceptions de Premier League. Celui qui avait récolté un carton rouge pour sa première apparition sous le maillot d’Arsenal et auquel on reprochait à une époque de causer un peu trop de penaltys, a mis de l’eau dans son vin. Il défend souvent debout (moins de 50 tacles au cours de la saison passée quand d’autres dépassent allègrement les 100 tacles), et toujours proprement, provoquant ainsi moins de fautes, et donnant moins d’opportunités à l’adversaire de marquer sur coup de pied arrêté. Ainsi, il n’est pas toujours évident de remarquer qu’un défenseur neutralise son vis-à-vis sans le déposséder du ballon ou le tacler à tout bout de champ, mais simplement en le marquant habilement, en anticipant avant qu’il ne reçoive le ballon ou en le contenant loin des buts lorsqu’il l’a finalement récupéré. Il est donc important de surveiller chez un défenseur le nombre de fautes qu’il commet, le nombre de cartons qu’il récolte, et de consulter sa moyenne de récupérations et de tacles en fonction de ces chiffres.

3. Le relayeur qui dirige ses passes vers l’avant

Depuis l’avènement du Barça entraîné par Pep Guardiola, et les taux de passes réussies proprement hallucinants de son métronome Xavi, il semble que cette statistique soit soudainement devenue prépondérante aux yeux des observateurs. Ce n’est pas forcément un tort : on attend avant tout d’un milieu de terrain qu’il sache conserver et redistribuer le ballon, plutôt que de le perdre dans une zone du terrain où cela serait synonyme de danger immédiat. Pourtant, un milieu de terrain est évidemment dépendant de ses partenaires et des solutions proposées par ces derniers : le taux de passes réussies de Xavi dit finalement autant de sa qualité de passe que du jeu sans ballon absolument exceptionnel des Blaugrana à l’époque, toujours prompts à se déplacer et à se démarquer en fonction de la position du ballon sur le terrain. Après tout, la possession de balle est avant tout une histoire de disponibilité, et d’efficacité. Il ne sert à rien d’avoir 80% de possession de balle si on effectue des passes faciles à des partenaires en retrait. Le taux de passes réussies peut être trompeur, sur un plan individuel comme sur un plan collectif. Un joueur peut afficher un taux de passes réussies au-delà des 90%, mais n’avoir exécuté que des passes sécurisées – latérales ou en retrait. Par conséquent, il n’a pas créé d’occasions ou participé à la construction des offensives. Riyad Mahrez, couronné du trophée du meilleur joueur de Premier League l’an dernier, a terminé la saison avec un pourcentage de passes réussies de 73,6% seulement. Ce qui n’est pas fou, pour un meneur de jeu. Sauf qu’à chaque prise de balle, Mahrez cherchait systématiquement à provoquer le danger, il était au service du jeu direct des Foxes, et multipliait les passes verticales, très risquées, afin de mettre le plus rapidement possible ses partenaires dans les meilleures dispositions pour marquer. Il est donc important de surveiller pour un milieu de terrain le nombre de « passes clés » qu’il effectue lors de chaque match, le nombre de ballons qu’il a perdus, et bien sûr le sens dans lequel sont adressées ses passes.

4. L’accélérateur de particules qui provoque le danger

La prise de risque détermine souvent le moment où la différence se fait sur le terrain. Puisque les deux équipes comptent le même nombre de joueurs, il est impératif, pour provoquer une occasion de but, qu’un joueur décide de réaliser un geste à haut risque : une passe aventureuse, un dribble, un centre, une simple accélération balle au pied… Le but est évidemment de créer un déséquilibre, de révéler une faille dans le système défensif adverse. Certains joueurs, qu’on surnomme des « accélérateurs de particules » , sont justement précieux pour leur capacité à faire voler en éclats les défenses les plus regroupées, à apporter une dose de chaos au sein d’une organisation bien en place. C’est là qu’on remarque que le nombre de dribbles réalisés par un joueur est prépondérant : Hatem Ben Arfa affichait l’an dernier une moyenne folle de 4,5 dribbles réussis par match. Ses dauphins sont tous les deux des joueurs auxquels on promet déjà un bel avenir : Sofiane Boufal (4,4) et Ousmane Dembélé (4,1). Tant pis, alors, si ces garçons perdent beaucoup de ballons (presque 4 pertes de balle lors de chaque rencontre pour le Lillois, et environ 2,5 pour les deux autres) : la prise de risques est justement le rôle qui leur est dévolu. Il ne sert à rien de s’agacer en voyant un ailier manquer un dribble : il suffit qu’il prenne le dessus une seule fois pour créer une occasion dangereuse. Il faut donc toujours comparer le nombre de dribbles tentés et réussis par un joueur, le nombre de ballons qu’il perd, et le nombre de buts auxquels il a pris part, même indirectement (buts, passes décisives, ou passes clés).

5. L’attaquant qui ne tourne pas à 20 buts par saison

« Il ne vaut pas un clou, ce type ! Il a un ratio de 0,22 but par match, alors que les meilleurs attaquants sont au-dessus de 0,5 ! » Combien de fois a-t-on déjà entendu cette remarque à propos d’un joueur aligné en pointe et apparemment coupable de ne pas empiler les buts comme on enfile des perles ? Quand les meilleurs buteurs de notre époque alignent des lignes de stats individuelles stratosphériques (Messi, Cristiano Ronaldo, Suárez, Ibrahimović), il n’est pas toujours évident d’admettre qu’un attaquant de pointe peut s’exprimer autrement qu’en marquant un doublé chaque week-end. Les performances de certains pivots, qui se dévouent pour libérer des espaces, ou de certains joueurs altruistes, qui parviennent à faire briller leurs partenaires en attaque, méritent qu’on se penche sur leurs statistiques pour révéler leur vraie valeur. À titre d’exemple, le joueur du Bayern Munich Thomas Müller a achevé les saisons 2012-13, puis 2013-14 et 2014-15 avec le même total de buts inscrits en championnat : 13. Ce qui n’est pas exceptionnel à première vue. Pourtant, il a fini chacune de ces saisons en « double-double » , c’est-à-dire avec plus d’une dizaine de passes décisives à son actif (11 en 2012-13, et 10 lors des deux exercices suivants). Puisqu’un attaquant évolue dans la moitié de terrain adverse, et dans des espaces où il est toujours en infériorité numérique face à des défenseurs regroupés, il convient donc de surveiller son nombre de pertes de balle, et son taux de passes réussies. Enfin, et puisque son efficacité face au but doit rester un critère prépondérant, un attaquant doit surtout être jugé en fonction du nombre d’opportunités qu’il se crée, ou qu’on lui fournit – tout le monde ne peut pas compter sur les milieux de terrain du Barça pour être approvisionné en attaque. Le pourcentage de frappes cadrées en dit souvent long sur la justesse et le réalisme d’un buteur, et le nombre de ballons qu’il touche sur sa disponibilité vis-à-vis de ses partenaires.

Bien sûr, tout le monde ne regarde pas les matchs une calculette à la main. Heureusement, il reste la perception et le ressenti propres à chacun concernant la prestation des acteurs. Et là, la stat, c’est nous tous qui la faisons. C’est ce que propose SENTI, le premier baromètre qualitatif du football. Alors, toi aussi, donne du sens à tes soirées foot et exprime ton propre ressenti quant aux performances des joueurs et des équipes sur senti.fr.

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