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Comment Adam Nawałka a transformé la Pologne
Sélectionneur de la Reprezentacja depuis octobre 2013, Adam Nawałka a transformé, avec un peu de bon sens et de fermeté, une équipe au bord du chaos en outsider pour l'Euro.
Nommé par le légendaire Zbigniew Boniek (actuel président de la Fédération polonaise, ndlr) au poste de sélectionneur en octobre 2013, Adam Nawałka, ancien joueur, mais aussi coach du Wisła Kraków, avait récupéré une équipe bien mal en point ; aussi bien rongée par les guerres d’ego que par un certain je-m’en-foutisme. Au lendemain de sa nomination, peu de personnes croyaient en sa capacité de faire de cette belle génération de joueurs polonais une équipe. Mais en seulement quelques mois, Adam Nawałka a réduit au silence ses détracteurs, en transformant profondément la Reprezentacja. Oui, mais comment ?
➔ En faisant de Lewandowski son capitaine
Longtemps, la Pologne n’a pas su trop quoi faire de Lewandowski. Moins performant en sélection qu’en club, le natif de Varsovie a essuyé son lot de critiques, notamment pendant l’Euro 2012 à la maison et lors des qualifications au Mondial brésilien. Mais depuis l’arrivée d’Adam Nawałka, la situation s’est détendue. Sur le terrain d’abord, où l’attaquant du Bayern Munich pèse sur le jeu de son équipe (même lorsqu’il ne marque pas), et surtout en dehors. Si le sélectionneur avait longtemps assuré que le brassard reviendrait au joueur le plus capé, il n’a pas hésité à se contredire et à conforter Lewandowski comme capitaine, même après le retour de blessure de Jakub Błaszczykowski, pourtant plus capé que lui. Pour Nawałka, Lewandowski est « le meilleur joueur de cette équipe » , celui qui « doit donner le ton » . Si « Lewy » n’est pas encore le leader incontesté et incontestable que la Pologne attend, le brassard autour du bras lui permet d’être plus respecté et de pouvoir bosser tranquillement. Ce qui permet à l’équipe de disposer d’une véritable hiérarchie, chose qui lui a souvent manqué.
➔ En apprenant aux gars à vivre ensemble
Avant l’arrivée d’Adam Nawałka, un joyeux bordel régnait au sein du groupe polonais. Des guerres d’ego, il y en avait à tous les étages. La plus tristement célèbre étant celle qui opposait Lewy à Kuba depuis… presque toujours. Entre les deux leaders, le torchon a brûlé plus d’une fois, et ce, à n’importe quel sujet, de leur salaire respectif à la politique intérieure polonaise. Mais depuis quelque temps, les choses semblent s’être calmées. Il faut dire que sous les ordres de Nawałka, il n’y a pas de place pour ce genre de guéguerre. Très discipliné, il attend la même chose de ses joueurs. Depuis son arrivée, les règles de vie en communauté sont très strictes. Et les joueurs qui ne les respectent pas peuvent vite se retrouver sur le bas-côté. Les épanchements dans la presse ne sont plus vraiment tolérés non plus. Si cette méthode peut paraître dure et infantilisante, elle aura permis à cette somme de joueurs de devenir une équipe.
➔ En associant jeunes et vieux, stars et non-stars
Pour sa sélection lors de cet Euro, Nawałka a soigneusement mélangé les générations. Le plus jeune joueur a 21 ans (Karol Linetty) quand le plus vieux en a 36 (Artur Boruc). Lors des éliminatoires, il avait déjà, le plus souvent possible, appliqué cette méthode. Selon lui, « une bonne équipe doit être équilibrée » . Les joueurs les plus vieux et les plus expérimentés comme Łukas Piszczek sont là pour encadrer l’équipe et donner le ton, alors que des joueurs comme Arkadiusz Milik sont là pour apporter leur fougue. Depuis sa prise de fonctions, Nawałka s’appuie sur un socle de joueurs indispensables auxquels viennent se greffer certaines individualités. Tout se peaufine lors des entraînements, où tout le monde sans exception court le même nombre de kilomètres, qu’importe le poste occupé sur le terrain. Jeunes, vieux, stars de la Bundesliga ou de l’Ekstraklasa, tout le monde est logé à la même enseigne. « Évidemment, j’aimerais que tous les joueurs polonais jouent dans les meilleurs clubs, les meilleurs championnats, mais ce n’est pas le cas. Je dois faire avec. Et eux aussi. Le niveau sera celui des meilleurs, à eux de s’adapter » , avait-il déclaré l’an passé lors d’une conférence de presse.
➔ En battant l’Allemagne lors des éliminatoires
S’il y a une victoire qui a permis à cette équipe de grandir, c’est sans conteste celle contre l’Allemagne en septembre 2014. Elle n’a certes pas transformé la Pologne en machine à gagner, mais elle l’a décomplexée. En gagnant devant son public le premier match de son histoire face à l’ennemi allemand, qui plus est champion du monde en titre, la Pologne a montré qu’elle avait du cœur à revendre et qu’elle était capable de se surpasser. Il n’y a qu’à regarder à nouveau la joie des joueurs après le match pour se rendre compte des bienfaits de cette victoire.
➔ En s’adaptant aux adversaires que la Pologne affrontent
Résolument offensive durant les éliminatoires avec 33 buts marqués, la Pologne peut aussi faire le dos rond lorsque cela est nécessaire. L’adaptabilité est le maître-mot de son mandat. Féru de vidéo, Adam Nawałka étudie avec précision chaque adversaire pour pouvoir mieux le battre. S’il sait d’avance que lors de telle ou telle confrontation, son équipe n’aura que très peu le ballon, il n’hésite pas à changer de système, pas forcément sur la feuille de match, mais plutôt en pratique, pour pouvoir faire déjouer son adversaire. Lors du match de poule contre l’Allemagne, la Pologne n’a pratiquement pas eu le cuir, mais a réussi à couper bon nombre de transmissions au milieu de terrain, et a littéralement bouffé la ligne d’attaque Müller – Götze – Draxler. Après ce 0-0, Nawałka avait déclaré : « Nous leur avons laissé sciemment le ballon. Nous avons bien contrôlé notre match. L’équipe a mis en place ce que nous avions travaillé à l’entraînement avec discipline. Le plan s’est déroulé comme prévu. »
Par Sophie Serbini