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Sandrine Rousseau au Vélodrome : tout un programme
Les hommes ou femmes politiques, qu’importe leur étiquette, ont toujours eu la tentation d’utiliser le football pour « faire peuple », y compris le président de la République Emmanuel Macron. Mais le storytelling fonctionne rarement. Sandrine Rousseau vient d’en faire l’amère expérience.

Sandrine Rousseau s’est donc autorisé une petite virée au Vélodrome lors du match contre Saint-Étienne parmi les South Winners, un des groupes d’ultras les plus influents des virages marseillais. La députée écologiste n’est pas particulièrement connue pour son intérêt ou sa passion pour le foot, et encore moins pour l’OM. Son selfie aux côtés du controversé Rachid Zeroual, leader des SW87, n’est pas passé inaperçu, et c’était sûrement le but. Certes, l’élue, originellement invitée par le maire de la ville Benoît Payan, joue dans les colonnes de L’Équipe la carte de la naïveté et de la décision impulsive sur l’invitation d’un supporter local : « Il m’a proposé de venir assister au match dans le virage. J’ai tout de suite accepté, je ne savais pas qui c’était (Zeroual). On m’a fait comprendre que c’était un honneur. »
Naturellement, les esprits mal tournés douteront qu’il soit possible pour une personnalité de rentrer dans le virage sud sans laissez-passer. D’autres moqueront une politicienne de la capitale (née dans le Val-de-Marne, un temps élue à la région Nord-Pas-de-Calais) tout sourire chez l’ennemi phocéen – imaginez Sébastien Delogu au milieu du CUP au Parc des Princes –, ou encore de cette Verte qui ne soutenait pas d’autres Verts en train de se prendre une dérouillée (5-1). Sans compter le sexisme qui saupoudre l’ensemble.
Rattraper le peuple par la manche
Toutefois, une fois le sarcasme mis au placard, le plus significatif ne se situe pas sur le plan sportif. Rien n’est plus agaçant que de voir nos hommes ou femmes politiques imaginer que la popularité, et le populaire puissent se révéler contagieux dans les stades, et a fortiori dans les virages. Se montrer dans les gradins prouverait son ancrage social, surtout chez une gauche désemparée qui craint d’avoir perdu le peuple au profit du RN et ne cesse – de François Ruffin à Raphaël Arnault – de chercher la méthode pour le ramener au bercail.
Sandrine Rousseau de ce point de vue ne détonne pas vraiment. En 2018 déjà, Jean-Luc Mélenchon – pourtant peu au fait des affaires du ballon rond – s’était lui aussi déplacé au stade Vélodrome assister à une demi-finale de Coupe d’Europe, remportée face au RB Salzbourg. Il nous avait même gratifiés d’une fine analyse tactique fleurant bon ses obsessions germanophobes : « J’ai trouvé l’équipe de l’OM élégante et même gracieuse, mais les Autrichiens lourds et brutaux. » À Bollaert, le 4 avril 2023, sortie documentée par So Foot, Marine Tondelier avait elle aussi su mettre en scène son amour nordiste et prolo du RC Lens, archétype du club populaire. Après tout, François Hollande mettait bien en scène son affection pour le Red Star, fanion de la banlieue rouge, en contre-point de l’obsession de Nicolas Sarkozy pour un PSG clinquant, racheté par QSI.
Tombée dans le ruisseau
Sauf que les tribunes sont rarement neutres, et méritent mieux ou plus de respect que d’être intégrées dans un plan de com. Certes, l’actualité du petit monde du foot s’avère en ce moment concentrée sur le feuilleton d’une LFP en déliquescence, toutefois la question des supporters défraie régulièrement la chronique pour les violences qui y ont droit de cité. Samedi, pas de bol, des chants supposément homophobes ont retenti dans les travées phocéennes.
Sandrine Rousseau aurait dû ainsi s’expliquer face aux attaques d’associations de lutte contre l’homophobie, si on tend une oreille aux réactions du collectif Rouge direct qui considère sa visite comme « au minimum une très grave maladresse, au pire une trahison impardonnable ». L’élue se défendra en disant qu’elle n’a pas entendu de tel chants, puisqu’elle s’était éclipsée au bout de 30 minutes, et que non, on ne la lui fait pas à elle : « Je me suis toujours battue contre l’homophobie et la transphobie. Deux heures avant le match, j’ai d’ailleurs rencontré Maho Bah-Villemagne, le premier boxeur transgenre admis par la Fédération française, et on a convenu d’organiser un colloque à l’Assemblée nationale sur la lutte contre l’homophobie et la transphobie dans le sport pendant le mois des fiertés, en juin. » Très bien.
Plutôt attendue comme une capo de l’hémicycle
Cet exemple prouve bien que jouer avec les tribunes peut vite se retourner contre soi. Il ne suffit pas de s’enjailler sous les écharpes et le son des tambours pour exhiber un joli post sur les réseaux sociaux, il faut prendre les affaires de libertés individuelles et de sécurité au sérieux, à tous les sens du terme. Sandrine Rousseau devrait y puiser surtout une source d’inspiration pour ces prochains travaux à l’Assemblée nationale.
Le football a bel et bien besoin que les représentants du peuple français s’en occupent. Ils arborent une écharpe républicaine autour de la taille, pas celle d’un club nouée autour du cou. Le Sénat va par exemple examiner aujourd’hui une proposition de loi très clivante visant à interdire le port de signes religieux ou politiques (sans vraiment les définir d’ailleurs) dans les compétitions sportives. C’est dans les travées des Assemblées qu’on attend de voir quels sont les véritables kops populaires.
Sandrine Rousseau s’explique après sa venue polémique au VélodromePar Nicolas Kssis-Martov