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Coman, le petit barbare
Grand espoir du foot français, Kingsley Coman a préféré filer à Turin cet été plutôt que de signer pro avec son club formateur. Contre le Chievo, il a débuté titulaire en soutien de Tévez. Un Apache et un Comanche. Voilà qui fait sens.
À peine est-il parti que Paris le regrette déjà. Il s’appelle Coman, Kingsley Coman, et samedi, il a pris un départ canon avec la Juventus face au Chievo. Première journée de Serie A, première titularisation, et déjà homme du match au coup de sifflet final. S’il n’est pas l’auteur du seul but de la partie (csc de Biraghi), le jeune Français a provoqué le corner vainqueur ainsi qu’une bonne moitié des offensives bianconeri. Vif, remuant, entreprenant, celui que ses potes du centre de formation surnommaient « King » n’a manqué qu’un tout petit peu de précision pour sceller ses soixante-huit premières minutes du sceau de la perfection. Au lendemain de la victoire, le quotidien transalpin Tuttosport titrait déjà sur un Coman taille patron : « Comanda la Juve » . Rien que ça. Si le grand public le découvre à peine, les grands clubs, eux, savent depuis un bon moment que le diamant parisien, majeur depuis juin dernier, est aussi pur que précoce.
Kingsley commence
Enième confirmation de ses prédispositions l’année passée, lorsque le Guadeloupéen éclabousse l’UEFA Youth League de son talent. Grand amateur de caviar, il préfère alors le servir à ses potes Hervin Ongenda et Jean-Kévin Augustin, plutôt que de le consommer tout seul dans son coin. Benfica, Anderlecht, Olympiakos et le CSKA Moscou avant de tomber en quarts contre le Real d’Enzo Zidane. L’apprenti meneur de jeu est le grand artisan du bon parcours de son équipe et son altruisme tape immédiatement dans l’œil des recruteurs européens. Tous savent alors qu’en plus de sa vista et de ses qualités techniques, la pépite est en fin de contrat et s’interroge déjà sur la suite de son parcours. Signer pro dans son club formateur, pourquoi pas, mais certainement pas pour cirer le banc derrière Lucas, Lavezzi, Pastore et consorts. Ses crocs sont trop longs pour ça. Et tant pis s’il passe pour un impatient. « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » , disait Corneille. Le dramaturge, hein, pas le chanteur. Quelque part pendant les révisions de son BAC S, Kingsley est peut-être tombé là-dessus.
Kingsley commente
Comme Areola, et Bahebeck avant lui, Paris souhaitait le prolonger et le prêter en Ligue 1 dans la foulée. Telle est la politique du nouveau PSG avec ses jeunes. Vendre les moins bons et prêter les meilleurs d’une année sur l’autre. Ou comment se constituer une petite réserve dans laquelle le club pioche à loisir pour valider les conditions imposées par la Ligue des champions. Comme Rabiot depuis, Coman sait qu’il a les moyens pour s’imposer dans un top club et ne compte pas végéter une année supplémentaire. Certes, la Juve non plus ne lui a rien promis question temps de jeu. Mais, jurisprudence Pogba oblige, il sait que le coup est nettement plus jouable de l’autre côté des Alpes. Voilà pourquoi, début juillet, le plus jeune joueur à avoir porté la tunique rouge et bleu en match officiel (seize ans, huit mois et quatre jours, le 17 février 2013 face à Sochaux) refuse une offre de contrat à 25 000 euros mensuels pour s’engager avec la Vieille Dame. Un choix aussi réfléchi que difficile.
Kingsley commande
Car Paris, Coman l’a dans le sang. Natif de la capitale, il débute le football à six ans en Seine-et-Marne, au club de Moissy-Cramayel. En bon supporter du PSG, son père Christian le présente ensuite aux éducateurs du Camp des Loges. Le coup de foudre est immédiat et son fiston intègre le centre de préformation parisien plus tôt que prévu. Du haut de ses neuf ans, l’enfant à la tresse se balade au milieu des moins de treize et gravit les échelons quatre par quatre. En pointe, sur les ailes, ou positionné en neuf et demi (là où il est le meilleur), il ne tarde pas à s’attirer les comparaisons les plus flatteuses. Pour bon nombre d’observateurs – pour ne pas dire « recruteurs » – il est, d’assez loin, le plus beau bourgeon du PSG depuis Mamadou Sakho, et sans doute le plus talentueux depuis Nicolas Anelka. Interrogé sur le départ de Mamad’ en octobre dernier, le petit King avait d’ailleurs répondu ceci : « Ça fait bizarre, c’était une référence, l’idole des jeunes. Grâce à lui, on se disait qu’on pouvait y arriver, que c’était possible. Avec son départ, Paris a perdu une idole. » Et vient peut-être d’en perdre une autre. D’ici à ce que le club la rachète elle aussi dans trois ans, il n’y a désormais plus qu’un pas. À combien de millions ?
Par Paul Bemer