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Colombie-Angleterre : rendez-vous aux tirs au but ?
L’Angleterre est un léger mais légitime favori avant d'affronter la Colombie, ce soir à Moscou, pour le dernier huitième de finale du Mondial. Cette Angleterre qui n’a plus remporté un match à élimination directe depuis douze ans s’est pointée hier en conférence de presse avec son sélectionneur Gareth Southgate et son ailier Ashley Young, soit deux hommes qui ont déjà précipité l’élimination des leurs en ratant un tir au but dans un grand tournoi. Tout ça, la Colombie de José Pékerman et Radamel Falcao le sait.
On peut cracher autant qu’on veut sur les statistiques, l’une d’entre elles mérite de ne pas être oubliée avant le sucré Colombie-Angleterre qui fait office de dernier huitième de finale du Mondial, qui aura lieu ce soir à Moscou. Depuis 1966, la moitié des matchs à élimination directe de l’Angleterre en Coupe du monde (7 sur 14) ont atteint la prolongation. Trois d’entre eux sont allés jusqu’aux tirs au but, avec à chaque fois une défaite des Britanniques (1990, 1998, 2006). Parce que l’être humain est sadique, tout le monde a donc envie de voir une nouvelle fois la mort devant les yeux des Anglais, tard ce soir, et de laisser Harry Kane et ses copains décider de savoir s’ils ont envie de danser avec la faucheuse ou, au contraire, ne pas la toucher et même pas avec un bâton. Les huitièmes de finale ont beau avoir déjà largement dévoré leur quota de déraison, l’Angleterre et la Colombie ont le pouvoir de placer le curseur de l’émotion encore un peu plus haut dans le bruyant et sous-coté Spartak Stadium.
Southgate-Young : bienvenue au club des losers
Le sujet des tirs au but est naturellement arrivé sur le tapis, hier après-midi en conférence de presse. Gareth Southgate aurait pu le balayer d’un revers de la main en insistant sur le fait qu’il n’envisageait pas d’en arriver là pour éliminer les Cafeteros. Les médias britanniques n’auraient alors pas manqué de souligner qu’il s’agissait d’une terrible erreur compte tenu du passé. Alors le sélectionneur des Three Lions a répondu aux questions. Et a même un peu trop développé pour ne pas laisser deviner l’ampleur de sa peur : « Nous connaissons déjà depuis longtemps l’ordre de nos tireurs » , a ainsi avoué celui qui avait été le seul joueur anglais à rater son tir lors de la demi-finale de l’Euro 1996, à Wembley, face à l’Allemagne (0-0, 5-6 tab). Puisque l’histoire est bien faite, Southgate a choisi de venir lundi en conférence de presse avec Ashley Young, qui avait lui-même raté sa tentative en quarts de finale de l’Euro 2012 face à l’Italie (0-0, 2-4 tab, tirs ratés par les deux Ashley, Young et Cole).
On peut aussi voir là un moyen de prendre la vachette par les cornes, de partager avec le peuple britannique ce sentiment que l’Angleterre de 2018 est prête à tout, y compris à mettre à jour l’histoire. « Si on en arrive aux tirs au but, je serai le premier à lever la main pour y aller » , a tenté de rassurer Young. La manière pour Southgate de montrer qu’une page était en train de se tourner a été de répéter plusieurs fois qu’il ne fallait « pas tomber dans le même piège » que ses prédécesseurs, et ainsi ne pas tomber dans l’excès de confiance (depuis son élimination en huitièmes de finale du dernier Euro par l’Islande, l’Angleterre n’a perdu que 3 de ses 22 matchs joués, en amical face à l’Allemagne et la France, puis contre la Belgique la semaine dernière) : « Nous avons été dans cette position auparavant. Plusieurs fois au cours des dernières années. Inutile de se projeter au-delà du match de demain. Nous nous concentrons sur le jeu, sur notre performance, et tout va se mettre en place à partir de là. » Dans le même genre, il y a le refus de s’emballer alors que la moitié de tableau dans laquelle se trouvent les Anglais semble plus dégagée que jamais : « Ceux qui sont encore là ont atteint un niveau de performance très élevé. Si des équipes éliminent l’Allemagne et l’Espagne, elles doivent être respectées. »
Raheem Sterling a 999 problèmes
L’Angleterre aimerait avancer cachée, mais l’occasion est trop belle pour qu’on ne soit pas tentés de dire que c’est l’année ou jamais pour faire un truc, au moins gagner ce foutu premier match après les poules que les Three Lions n’ont plus remporté depuis 2006, face à l’ogre équatorien (1-0). Il y a tout un tas de statistiques pertinentes à sortir avant un match à élimination directe de l’Angleterre. Mais autant ne retenir que le nombre qui ne veut pas dire grand-chose : 999. Raheem Sterling n’a plus marqué depuis 999 jours. Ce n’est pas très grave puisque l’Angleterre compte essentiellement sur Harry Kane, meilleur buteur de la compétition (5 unités), pour s’occuper de cette tâche.
Quelques minutes avant le passage des Anglais, c’est José Pékerman et Radamel Falcao qui s’étaient pointés devant la presse. Le Tigre n’a pas dit s’il allait être plus fort que les Lions et de toute façon, il y a des compilations YouTube bien foutues qui permettent à chacun de se faire son opinion :
Non, Falcao s’est contenté de balancer des regards qui ont prouvé sa détermination et a juré que son passage épouvantable en Premier League à Chelsea et Manchester United entre 2014 et 2016 (5 buts en 41 matchs) n’allait pas être un ressort sur lequel il allait s’appuyer pour se motiver : « C’est sûr que je n’ai pas brillé comme je l’aurais voulu lorsque j’étais en Angleterre, mais ça fait partie du passé. C’est beau d’être là. C’est le genre de match que nous rêvions de jouer quand nous étions enfants. Mes coéquipiers seront prêts à tout donner. »
Cuadrado-Mina, les jolis danseurs
De son côté, Pékerman a reconnu que le statut de favori de l’Angleterre était légitime et a souligné que le fait que son adversaire s’était offert le luxe de mettre huit titulaires au repos face à la Belgique était « évidemment un avantage. Surtout que de notre côté, nous n’avons joué que des matchs éprouvants jusqu’ici. Mais nous avons une très grande confiance en nous. Parfois, nous souffrons en défense, c’est sûr qu’on doit progresser. Mais devant, on a beaucoup d’atouts. Il faudra se battre pour avoir le ballon et contrôler le tempo. »
Seule sélection sortie des poules à avoir perdu son premier match dans le tournoi (1-2 face au Japon), la Colombie sait qu’elle revient de loin. Sûrement pour ça que les Cafeteros étaient aussi détendus, hier, lors d’un entraînement auxquels seuls James Rodríguez et Miguel Borja n’ont pas pris part. Difficile de trouver meilleur exemple pour illustrer cette sérénité ambiante que la scène qui s’est déroulée juste avant le début de cette ultime séance. Deux piliers de l’équipe, Juan Cuadrado et Yerry Mina (auteur du but de la qualification lors du dernier match face au Sénégal), au milieu des leurs, mais complètement dans leur délire, se sont alors mis à danser, assez longtemps. On saura peut-être ce soir si ces deux-là sont de purs amoureux de la danse ou bien s’il s’agit de deux acharnés de travail qui étaient simplement en train de bosser leur célébration.
Cet homme est Yerry
Par Matthieu Pécot, au Spartak Stadium