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Ligue 2 : vendredi tout est pourri

Par Nicolas Kssis-Martov

Il existe des Français mécontents en cette période d’euphorie olympique : les supporters de Ligue 2 qui viennent d’apprendre que leur matchs se joueraient le vendredi soir. En ce qui les concerne, le retour à la réalité s’annonce déjà douloureux…

Ligue 2 : vendredi tout est pourri

La décision d’accorder les droits de diffusion de la Ligue 1 à DAZN et également donc beIN Sports, suscite encore interrogation voire inquiétude quant à l’audience future de notre championnat (le fameux mythe des 2 millions de bonnes poires). La Ligue 2 se retrouve par ricochet impactée, puisque à la demande de la chaîne qatarienne, et pour ne pas perturber la retransmission de la rencontre de Ligue 1 qu’elle a récupérée, la plupart des confrontations de la seconde division a donc été décalée au vendredi soir.

Réaction unanime, dégâts multiples

Le choc de l’annonce, à quelques jours de la reprise, est entier et jette déjà un voile mortuaire sur les campagnes d’abonnement en cours. Promu la saison dernière, l’équipe du Red Star qui croisait le fer contre l’AJ Auxerre en amical samedi dernier (2-0) a pénétrée sur le terrain en portant des t-shirts « Le foot c’est le week-end », vieille revendication des ultras de National. En effet, pour une fois, cette décision a quasiment réussi à concrétiser l’union sacrée des tribunes et des directions, parfois avec des raisons fort divergentes mais partageant le sentiment d’être traitées comme des sous-citoyens au sein de la grande famille du football français.

Les supporters, eux, ne font que subir et en plus de ça on ne leur donne pas les moyens, aujourd’hui, de venir supporter leur club.

Claude Ferrandi, président du SC Bastia

L’Association nationale des supporters (ANS) a évidemment immédiatement réagi par un communiqué qui sonne comme un SOS  et appelle « les dirigeants de la Ligue 2, mais aussi de la Ligue 1 et les supporters à réagir dès à présent et à faire pression pour empêcher ce scénario désastreux ». Les banderoles lors des rencontres de préparation se multiplient contre la Ligue et le cauchemar du vendredi soir. Tous pointent la difficulté de se rendre au stade à temps pour le coup de sifflet, de préparer les tifos, sans parler d’organiser un déplacement, quand il n’est pas interdit, sans devoir prendre un jour de congé. Dans un entretien publié par Ouest-France, le président du Stade lavallois Laurent Lairy ne disait pas autre chose. « Pour nous, c’est une mauvaise décision le vendredi. Je pense à tous les supporteurs qui travaillent. » Le lien entre les clubs et leur environnement risque encore de s’amoindrir, entre le foot populaire « de proximité », fonction première des divisions inférieures, et la popularité du spectacle par écran interposés.

Claude Ferrandi, président du Sporting Club de Bastia, de son côté stigmatise chez nos confrères de France Bleu les difficultés qu’impliquent pour son « enterprise » pareil changements de dernière minute : « À 15 jours du début du championnat, nous apprenons qu’il faut décaler d’une journée tous ces déplacements-là. Cela va avoir de fortes répercussions financières sur le club ». Avant lui aussi de faire vibrer la note sentimentale : « Les supporters, eux, ne font que subir et en plus de ça on ne leur donne pas les moyens, aujourd’hui, de venir supporter leur club ».

Friqué friday

Mais le capitalisme a ses raisons, et Bernard Joannin, le président d’Amiens et du collège des clubs de Ligue 2, renvoie ses collègues à leur calculettes : « C’était une demande ferme dans le cadre du partenariat avec beIN que le championnat de L2 se déroule le vendredi. Il ne faut pas oublier qu’ils ont acheté les droits télés à hauteur de 40 M€, qui est un chiffre très important. (…) Il y avait ce contrat, qu’on pouvait très bien le refuser mais que ça mettait en péril nos économies qui sont déjà en difficulté. »

La LFP sacrifie, petit à petit, tout ce qui constitue le substrat social et culturel du football, et qui en fonde pourtant finalement sa valeur économique. Acculée, par incompétence et absence de vison à long terme, Vincent Labrune et ses amis n’ont eu d’autres autres choix que de privilégier leurs financeurs du moment, quitte à se retrouver avec des stades aux deux tiers vides devant des matchs regardés par quelques milliers de téléspectateurs. Ainsi, les grands dirigeants, qui craignent et prophétisent le recul du foot dans les goûts culturels de nos concitoyens, doivent trembler au regard de l’actuel engouement olympique qui va inévitablement booster même provisoirement certaines disciplines pourvoyeuses de médaille. Pourtant, ce sont eux qui s’acharnent à en détruire l’attachement et la passion populaire.

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