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- 37e journée
- Course au titre
Colchoneros et Pericos, le cul entre deux chaises
Avec une qualification directe en Ligue des champions à confirmer pour l'Atlético, et une place en Ligue Europa à aller chercher pour l'Espanyol, ces deux clubs ont gros à jouer face au Barça et au Real. Pourtant, loin de ces objectifs, la tentation de « fausser » la Liga plane sur ces deux rencontres entre Castille et Catalogne.
L’algorithme de la Liga offre un drôle de calendrier à ses concurrents. Activé avant le coup d’envoi de ce millésime, il propose lors de cette avant-dernière journée de la saison un double duel Castille-Catalogne. Plus que des rivalités entre pouvoir central et relent indépendantiste, ces affrontements relèvent surtout de l’intérêt sportif. Le FC Barcelone, avec ses quatre points d’avance semblent-ils décisifs, débarque sur la pelouse du Vicente-Calderón avec l’envie d’officialiser la passation de pouvoir avec le tenant du titre colchonero, vainqueur de la dernière édition au Camp Nou (la boucle est bouclée). Son principal rival, le Real Madrid, se rend pour sa part au Cornellà-El Prat, berceau d’un Espanyol catalan toujours en course pour une qualification en Ligue Europa. L’hypothèse d’une fin d’exercice tronquée entoure dès lors des acteurs qui jurent le contraire. « Cette équipe ne sait entrer sur le terrain que pour gagner, parce que nous avons besoin de gagner, et même si nous n’en avions pas besoin, nous aurions envie de gagner, promet, croix de bois, croix de fer, Fernando Torres. Au-delà de tout ça, toute la spéculation me paraît absurde. » Vraiment Niño ?
Spéculations, suspense et chimère
La tentation est pourtant grande pour le peuple rojiblanco. Avec ses quatre points d’avance sur son unique poursuivant, Valence, une seule victoire lors des deux dernières journées lui suffit pour assurer sa troisième place, synonyme de qualification directe pour la prochaine Ligue des champions. Autant dire que les spéculations vont bon train concernant une motivation pas vraiment extrême des protégés du Cholo pour conserver le suspense jusqu’aux 90 dernières minutes de la saison. « Personnellement, ça ne me dérangerait pas que nos joueurs ne fassent pas le maximum pour battre le Barça. Bien entendu, je préférerais gagner. Mais quant à choisir entre Barcelone et le Real, je préfère encore que lesBlaugrananous succèdent » lance Manuel, commerçant du quartier de Malasaña et aficionado de l’Atlético. Pour sûr, un sacre des ouailles de Luis Enrique dans l’antre des Matelassiers ne serait pas du meilleur effet, mais toujours préférable aux festivités de Cibeles en cas de titre merengue. À quelque 600 bornes du Vicente-Calderón, la situation de l’Espanyol Barcelone présente de nombreux parallèles avec celle de l’Atlético.
Aujourd’hui neuvièmes, à seulement un point de Málaga et de son strapontin vers la Ligue Europa, les Pericos réussissent une fin de saison en boulet de canon. Tant et si bien que la réception du Real Madrid renvoie à des airs de tournant. Un succès, et le saut vers la seconde compétition continentale ne serait plus une chimère. De même, un tel résultat offrirait le titre sur un plateau au voisin gênant et omnipotent du Camp Nou. « Que le Barça soit encore champion d’Espagne, ça me fait chier, mais c’est une habitude, rappelle German, socio españolista depuis une vingtaine d’années. Alors qu’une qualification en Europe pour nous serait quelque chose d’énorme. Un peu comme un titre. » La rivalité entre Perruches et Culés, bien qu’existante, ne relève pas de la « haine » comme cela peut être le cas entre les deux ennemis de la capitale castillane. L’Espanyol, trop habitué au rang de second couteau de Barcelone, a fait de ce derby une cause presque perdue. A contrario, un potentiel destin européen offrirait à l’aficion des Pericos un bonheur rare et intense.
« Comment puis-je les laisser gagner ? »
Ce refrain est d’ailleurs le même dans le vestiaire du Cornellà-El Prat. « Aborder la fin de saison avec de vraies options de jouer l’Europe est important. C’est super agréable pour nous, pour nos supporters et pour le club. Battre le Real, ce serait comme la cerise sur le gâteau, assure Kike Casilla, formé à la Fabrica madrilène et portier de l’Espanyol. Le Real sait que gagner la Liga est compliqué, mais le Barça peut également se rater. » Effectivement, un faux pas blaugrana n’est pas à écarter. Ce que promet en tout cas Koke, passablement énervé par les doutes quant à l’investissement de l’Atlético : « Comment puis-je les laisser gagner si je veux terminer troisième ? » Au milieu de cette incertitude quant à un faussement de la Liga, l’Atlético peut remercier son unique concurrent valencien. Grâce au nul des Chés arraché au Bernabéu, les Colchoneros s’évitent les foudres du voisin de Chamartin en cas de défaite. Car, avec un joker en poche, difficile d’imaginer le FC Barcelone ne pas profiter de l’occasion pour crucifier Merengues, mathématiquement encore en course, et Colchoneros, en leur rendant leur monnaie de l’an dernier.
Par Robin Delorme, à Madrid