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Coke : « La langue allemande ne doit pas être une barrière »
Il y a bientôt un an, Jorge « Coke » Andújar sortait du lot et glanait un titre de MVP grâce à un doublé en finale de Ligue Europa contre Liverpool, au parc Saint-Jacques de Bâle. Depuis, le défenseur latéral, transféré à Schalke 04 cet été, marchait à l’ombre. La raison ? Un ligament croisé rompu. L’occasion de connaître son adaptation et ses passions, avant d'avoir refoulé les pelouses allemandes fin mars.
Salut Coke ! Comment s’est passée la convalescence ? C’était un processus de récupération plutôt long, ça intervient sans prévenir dans une carrière. Et bon, ce sont des mois compliqués à gérer. Je suis un passionné du football, j’aime jouer et quand tu ne peux pas le faire, c’est une vraie frustration. La situation était déjà nouvelle pour moi : un nouveau pays, une nouvelle équipe, de nouveaux coéquipiers… C’est difficile, mais je travaille beaucoup pour que cela aille mieux, c’est la seule solution. Je suis allé à Barcelone avec l’équipe du docteur Cugat, et j’ai continué ma rééducation ici en Allemagne, où tout le monde s’est donné à fond pour que je puisse retrouver les terrains le plus tôt possible.
Et ça y est, c’est arrivé. Tu pensais revenir plus tôt ? En matière de délai, il valait mieux ne pas trop en parler avec le médecin. Ce qu’il faut dans ces cas-là, c’est de ne pas brûler les étapes. J’ai fait beaucoup d’exercices en gymnase, je me suis remusclé la jambe pour que le genou retrouve une protection avant de repartir sur les terrains. C’est un travail avec des rapports hebdomadaires, du travail quotidien. Parfois tu te donnes à fond et on te demande encore plus, parfois tu souhaites en faire plus et on te dit que c’est suffisant… La récupération s’est bien passée, c’était vraiment le plus important.
L’allemand, c’est aussi un vrai défi linguistique… Comment tu gères cette barrière de la langue ? En réalité, c’était de se sentir loin de l’équipe que je trouvais le plus dur. Tous les voyages, les entraînements… Oui, ça manquait beaucoup. Je suis bien proche de Franco di Santo, un coéquipier très chaleureux, un bon gars. Ensuite, je me débrouille en anglais, donc la communication n’est pas impossible avec les autres. Ils s’intéressent à moi, veulent savoir si ça va pour que mon acclimatation se fasse au mieux. L’allemand ne doit pas être une barrière, je vais l’apprendre et tout faire pour m’intégrer.
L’avantage, c’est que tu as du temps pour te familiariser avec le climat…
(Il se marre.) Par rapport à Séville, c’est autre chose ! Je préfère rester ici, car en ce moment, je n’ai pas de temps. On aurait tendance à penser le contraire, mais quand tu es blessé, tu dois t’entraîner beaucoup plus que lorsque tu es apte à jouer. Le gymnase c’est une chose, mais même chez toi, tu dois travailler, aller courir ou faire des mouvements spécifiques. Pour Noël, j’ai pris du temps pour aller rendre visite à ma famille, celle de ma compagne. Il y avait de la chaleur humaine, de quoi donner le sourire. C’était l’occasion de recharger les batteries auprès des miens avant de revenir.
Gelsenkirchen, c’est sympa ? Pour l’heure, nous sommes toujours à la recherche d’un appartement et en ce moment, on vit sur Düsseldorf. Je vois que les gens sont très sociables ici. Quand ils me reconnaissent, ils prennent des nouvelles, ils sont compatissants et me souhaitent le meilleur. C’est un vrai soutien, même en dehors du club. Je me teste aussi à la cuisine typique allemande… Les saucisses sont excellentes !
Ça vient d’où, ce surnom de Coke ? C’est depuis tout petit, ça vient du père ! Il m’appelait comme ça de façon affectueuse, et c’est un diminutif possible chez les Jorge. Donc c’est resté, jusqu’à ce que ce soit repris dans les vestiaires.
En France, ça existe aussi. En revanche, ça fait plus référence à la cocaïne.Ah d’accord ! Je pensais au Coca-Cola, mais là, c’est encore pire… Je peux avoir le profil d’un joueur dynamique sur la pelouse, mais ça n’a aucun rapport (rires) !
Quand on pense à Coke, il y a ce doublé contre Liverpool…Quand tu reprends les choses depuis le début, c’est inimaginable. Inimaginable de se retrouver en finale de Ligue Europa déjà, et puis de me voir marquer un doublé, alors là… J’ai pensé à ma femme, mes neveux, mes premiers supporters. À ma dernière grand-mère, décédée trois mois plus tôt, elle aurait sûrement aimé voir ça. Bien sûr, je suis très fier d’avoir pu marquer ces deux buts, mais je pense qu’un de mes coéquipiers aurait pu le faire aussi. Je l’ai pris comme un cadeau envers mon équipe ce jour-là, envers toutes les personnes du club même.
Parmi toutes tes rencontres européennes, laquelle était la plus dure ?
Celle de Liverpool va rester, car nous étions menés à la mi-temps. Mais je dirais que les premières grosses rencontres ont été fondatrices : la double confrontation contre le Betis avec la séance de tir au but, la place en finale arrachée contre Valence et le trophée gagné contre Benfica, c’était fondateur. Quand tu joues une finale aussi fermée et que tu gagnes aux pénos, ça te libère.
Tu as vu passer du beau monde à Séville… Quel est le joueur qui t’a le plus impressionné ? Quand je vois ce que fait Éver Banega, je me dis que vraiment peu de personnes en sont capables. Ensuite, je dirais que la dernière année d’Ivan Rakitić à Séville, c’était peut-être là où il avait son meilleur niveau. Donc voilà, j’opte pour un mélange entre Banega et Rakitić, ça me convient (rires) !
Quel est le plus déconneur ? Manu del Moral, aujourd’hui à Numancia. C’est un bon numéro, pour toutes les blagues possibles. Ça fait du bien d’avoir un mec comme ça dans une équipe.
Et en tant qu’adversaire, tu vois qui ? Quand tu joues le Barça ou le Real, tu sais qu’il faut être concentré encore plus que d’habitude. Face à un joueur comme Neymar par exemple, il faut garder son sang-froid et rester focalisé sur la balle. Mais tu sais, même en Segunda B, j’ai pris des bouillons incroyables ! Si tu n’es pas en forme, tu le paies cash.
Dans tes débuts à Séville, tu t’es mis au théâtre. C’est une deuxième passion ? Disons que c’est quelque chose que j’ai toujours bien aimé, oui. Sur Madrid, quand je peux, je vais voir une pièce. Pour Séville, je souhaitais démarrer une activité nouvelle. J’ai des amis qui se dédient beaucoup à cela, qui détiennent de vraies fibres artistiques. Mais en ce qui me concerne, c’est plus un hobby. Je ne possède pas de talents dans le théâtre, ou même la chanson. J’aime beaucoup chanter sous la douche ou aller voir un concert en direct, mais la scène, je ne vais pas aller jusque-là.
Tu avais démarré une licence en journalisme avant de te lancer dans le foot. Tu vois un avenir dans la profession ?
Je n’ai pas terminé mes études en journalisme sportif, ça devenait ingérable avec le lancement de ma carrière. Mais l’expression écrite m’a toujours attiré. Et puis j’ai la chance d’avoir pas mal d’amis écrivains comme Rayden, un auteur et rappeur espagnol, ou l’auteur uruguayen Joaquín Dholdan. Pour mon avenir, je n’y pense pas encore. Ça pourrait être une piste, mais le football me permet de connaître pas mal de milieux, de faire des rencontres… Parler d’un match comme Carlos Martinez (célèbre commentateur pour Canal+ Espagne, ndlr), ça ne s’improvise pas !
Marcelo Bielsa souhaitait te faire venir à l’OM. Tu serais motivé pour jouer en France un jour ? Pour Marseille, ça fait toujours plaisir sur le moment, je les remercie pour leur intérêt. Mais actuellement, je suis à fond dans ce projet avec Schalke, et j’espère passer deux futures belles années ici.
Contre l’Ajax, ce match aller à Amsterdam (défaite 2-0, ndlr) vous complique la tâche pour le retour. Comment est-ce que vous comptez vous y prendre ? Comme au match aller, je ne pourrai pas aider mes coéquipiers parce que je n’ai pas été intégré dans la liste des joueurs de Schalke pour la Ligue Europa cette saison, étant donné ma longue indisponibilité. Arriver à inverser la tendance chez nous, c’est une mission compliquée. Mais si nous sommes tout de suite dans le match et que nous prenons le dessus, il y aura des possibilités… Depuis les tribunes, je croiserai les doigts !
Propos recueillis par Antoine Donnarieix