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Coco Michel : « C’est toujours exceptionnel que Guingamp soit un club pro»

Propos recueillis par Arnaud Clement
9 minutes
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Courbis l'avait surnommé Astérix. Arrivé adolescent à l'En Avant, Coco Michel incarne encore à merveille l'esprit qui règne à Guingamp, ce village d'irréductibles Bretons qui résiste encore et toujours face aux envahisseurs armés du monde pro. L'occasion d'évoquer avec lui son passé, son présent et son avenir, Stéphane Carnot et la génération dorée des nineties, Didier Drogba ou Nestor Fabbri mais aussi une bande de policiers géorgiens corrompus ou l'EAG saison 2012-2013.

Coco, depuis tes débuts à l’En Avant Guingamp il y a plus de vingt-cinq ans, tu n’as pas changé de maison. Que fais-tu au club aujourd’hui ?Quand j’étais jeune, mon idée première n’était pas de devenir pro, même si c’était un rêve de gosse. Je voulais être prof’ de gym. J’ai donc fait mes études de Staps à Rennes, je suis passé pro, j’ai quand même obtenu ma licence. Ensuite, au cours de ma carrière, j’ai passé mes diplômes d’entraineur. J’ai donc obtenu mon DEF. Donc l’idée de devenir professeur a été remplacée par l’idée de coacher. La première année, je la passe avec les U17 nationaux pour me faire la main. La deuxième, je suis passé adjoint de Patrick Rémy sur le groupe pro. Mais c’était un rôle qui ne me convenait pas, dans le sens où j’aime prendre les décisions, pas qu’on me dise ce que je dois faire. Donc j’ai pris du recul une fois ma collaboration avec Patrick terminée, je me suis mis une année sur du recrutement. Puis je suis repassé sur la réserve depuis quatre ans, ce qui me convient bien, puisque j’ai avec moi des gamins de 18 à 20 ans qui désirent passer pro. Donc j’ai ce rôle de formateur. Mais il y a aussi une casquette de psychologue lorsqu’il y a des pros ou des anciens joueurs qui sont amenés à redescendre avec moi. C’est intéressant.

Quel type de coach es-tu ? A l’image de ta façon de jouer, au four et au moulin, ou plutôt en retrait, dans l’analyse et la réflexion ?Bon, compte tenu de mon caractère, j’aime la gagne. Je ne pourrai pas l’enlever. Mais c’est vrai que j’ai du recul par rapport aux situations. Je me qualifierais plutôt de formateur, ce qui est normal. Au quotidien, je suis avec des jeunes qui n’ont pas l’expérience. Donc il faut leur transmettre ce recul, ce vécu.

Pourrais-tu retenter ta chance sur un banc d’une équipe pro ?
Justement, je suis en train de passer mon DEPF. J’ai entamé ma formation, qui dure deux ans. Je le garde dans un coin de ma tête. Je fonctionne un peu comme lorsque je jouais. Il faut toujours un plan B. Si un jour ça se présente, tant mieux. Si non, j’en ferai pas une histoire et continuerai volontiers ici.

« On est un peu tous restés dans cet esprit du petit village »

Aujourd’hui, tu n’es pas le seul joueur emblématique à œuvrer pour ton club de cœur si je ne m’abuse…C’est vrai qu’avec plusieurs personnes de ma génération, nous sommes en train de prendre le relais sur les plus anciens, ceux de la génération des années 70, qui a fait passer le club de la DSR à la D2. Stéphane Carnot travaille sur le recrutement professionnel, géré étroitement avec Jocelyn Gourvennec. Lionel Rouxel est le directeur du centre de formation et est aussi en charge des U19 nationaux. Je suis sur la CFA2 de mon côté. Ensuite, il y a Nicolas Laspalles qui a les U15 élite. Sébastien Jaffré, qui a joué avec la CFA, a les U15 DH. Fabrice Colleau est en charge des U13 et passe ses diplômes actuellement, Jean-Baptiste Le Bescon a les U12 et après, on retrouve aussi des gens du club.

C’est quoi le truc qui vous fait tous revenir ici malgré vos carrières et trajectoires respectives ?Je pense que c’est un peu grâce à l’aventure qu’on a pu vivre. Parce que c’est toujours exceptionnel que Guingamp soit un club pro. Quand tu vois la taille de la ville ou la concurrence qu’il y a en Bretagne, qu’on réussisse à rester professionnel, c’est un exploit. On est un peu tous restés dans cet esprit du petit village qui tient la dragée haute aux autres clubs. Et nous tous sommes bretons de surcroit. On a le point commun d’être arrivés jeunes au club, entre 13 et 15 ans. Ça fait partie de notre histoire. Chacun est revenu ici pour un retour aux vraies valeurs.

On peut se lasser quand on fréquente la même maison depuis l’adolescence. Tu n’as jamais eu envie de bouger ?
Bon déjà, j’ai toujours progressé ici. Je suis passé de U17 à l’équipe C, à la réserve puis le groupe pro. Je suis monté en L2, puis en L1. Donc aller de l’avant et progresser, ça booste. J’ai bien eu des clubs qui m’ont sollicité, mais c’était dans la même cour que Guingamp si on pense à Metz ou Montpellier, qui à l’époque luttaient pour leur maintien. Donc je partais du principe qu’il y avait à faire ici. Je préférais jouer aussi. Et surtout, je suis quelqu’un de calme et fidèle dans la vie. J’avais besoin d’une certaine stabilité.

Et les supporters te l’ont bien rendu…
Oui, ils ont toujours été fidèles et j’essaye de rester accessible pour eux. Comme j’aimais bien gagner et au vu de mon caractère, ça s’est toujours bien passé, même si je ne cours pas après la reconnaissance. C’est vrai que sur mon dernier match, j’ai eu droit à une sortie magnifique. Ça m’a permis de tirer un trait sur ma carrière. J’ai pu faire d’une belle façon le deuil de ma carrière. Quand tu joues ton ultime match dans un Roudourou plein, avec 17 000 spectateurs pour un dernier match de championnat de L2 contre Grenoble, c’est fort.

Tu as vu passer les Guivarc’h, Carnot, Coridon mais aussi les Malouda ou Drogba. Quel est le partenaire qui t’a le plus impressionné?Aïe, il y en a eu. Mais celui qui a progressé le plus rapidement, c’est Didier Drogba. Il jouait peu au Mans. Il arrive fin janvier ici et joue encore pas beaucoup sur les derniers mois. Mais la saison d’après, en un an, il explose. Dans la trajectoire, ça serait lui le plus impressionnant, sans oublier Florent (Malouda). Ah, il y en a un autre aussi, c’est Nestor Fabbri. La gagne l’animait, avec culture argentine. Il trichait pour gagner le petit jeu à l’entrainement. Il n’allait pas vite du tout, mais c’était un défenseur hors-pair, impassable sur le terrain, avec de bonnes relances.

Ton meilleur souvenir en dix-neuf ans de professionnalisme sur le terrain ?Individuellement, c’est lorsque je marque contre Toulouse pour la première montée en D1. Mais ensuite, il y a le match contre l’Inter en Coupe de l’UEFA. Nous étions une jeune équipe de L1, un niveau qu’on découvrait d’ailleurs. Et là, on basculait sur le niveau international et son exigence. Nous sommes passés à la trappe, mais c’était fort.

Et le pire ?La finale de 97 car on la perd alors qu’on est favoris. Nice descendait et nous nous maintenions. Nous étions favoris, mais le costume était trop grand.

« Les deux pilotes d’avion avaient une valise remplie de dollars avec eux »

Une carrière comme la tienne, c’est aussi forcément des anecdotes en pagaille. Est-ce vrai que vos dirigeants ont dû graisser la patte à quelques policiers géorgiens lors d’un déplacement en coupe Intertoto en 1996 pour repartir peinards ?Elle était sympa cette campagne. On jouait en Finlande où il faisait jour 24h/24. On mettait des sacs poubelles sur les fenêtres pour dormir. On est allés en Russie à Volgograd. Et ce jour-là en Géorgie, nous sommes restés bloqués à l’aéroport et si on ne payait pas, on ne pouvait pas partir. Alors, ça avait été anticipé dans le sens où les deux pilotes d’avion avaient une valise remplie de dollars avec eux. Il y avait un Russe parmi eux et heureusement d’ailleurs, parce qu’il fallait atterrir sur un aéroport militaire, qui n’était indiqué sur aucune carte.

Je crois aussi qu’il y en a une autre qui prête à sourire, autour de ton titre de champion du monde militaire 1995 en Italie, non ?Ouais, je fais la finale le vendredi soir contre l’Iran. Finale qu’on gagne au stadio Olimpico de Rome. Le match se termine à 23h. Je file à l’aéroport ensuite, en même temps qu’Hervé Alicarte et Jean-Christophe Rouvière. Je me rappelle que Michel Mézy était venu les chercher avec un avion privé. J’avais aussi le mien, qui devait me ramener à Nantes et qui avait du retard. J’atterris à 2h finalement, je prends un taxi et je file à l’hôtel. Et je joue à 20h à la Beaujoire, le samedi soir.

« Gourvennec incarne bien l’esprit guingampais »

A présent, évoquons le millésime 2012-2013. Septième l’an passé, aujourd’hui toujours aux basques des favoris, on dirait que l’En Avant est reparti sur de bonnes bases depuis la remontée en 2011, non ?Jocelyn Gourvennec incarne bien l’esprit guingampais dans son approche. A l’image de son équipe, c’est quelqu’un qui aime le jeu et qui est rigoureux. Il prend du recul par rapport aux événements, c’est peut-être pour ça que je m’entends bien avec lui et qu’on a une super relation. La différence cette année, enfin le petit plus, c’est Yatabaré qui marque devant. Il y a la même ossature qui marche et lui s’est réveillé.

La force de ce groupe, c’est donc ce jeu proposé d’après toi ?Oui, c’est une équipe qui ne ferme pas le jeu, qui joue et reste plus rigoureuse que la saison dernière. Il y a un bon mix entre les joueurs cadres comme Giresse ou Mathis et nos petits jeunes à potentiel. Mais bon, nous ne sommes que début novembre. La L2 est un championnat éprouvant et dur.

Le meilleur buteur du club, Mustapha Yatabaré, et le meilleur passeur et homme à tout faire, Thibault Giresse, monopolisent l’attention. Mais est-ce qu’il y a d’autres joueurs plus méconnus qui te laissent une belle impression ?Entre Imbula au milieu de terrain et Paul Babiloni sur le poste de latéral droit, il y a quelques jeunes qui pointent le bout de leur nez. Giannelli Imbula, c’est joueur à fort potentiel. Maintenant, ca reste un potentiel. Il est capable de faire de bonnes choses. A lui de les faire.

L’engouement si particulier autour du club, entrevu lors des festivités du centenaire, n’est pas pour quelque chose dans la forme des Costarmoricains ?D’une certaine façon, oui. Il ne faut pas oublier une chose, non plus. Ici, il y a toujours ce côté fier, ce côté breton, les supporters ont toujours été derrière leur équipe. On vit pour un club et un endroit où les gens aiment le foot, même malgré les horaires décalées. Le club est poussé en permanence.

Au vu des moyens de Caen, Nantes et Monaco, la course à la montée n’est pas pipée d’avance d’après toi ?C’est un peu notre leitmotiv. Après, je ne vais pas dire que l’objectif est la montée, ça se passe entre les dirigeants et le coach. Le but, c’est de faire le meilleur championnat possible. Mais compte tenu de l’histoire du club, on aime avoir cette idée à défendre. Ce n’est pas parce que Nantes ou Monaco ont plus de moyens qu’ils vont monter.

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