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Cochrane : « J’habitais pas loin du Parc dans les pires années »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
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Thierry Pelletier, alias Cochrane, est ce que l'on appelle affectueusement une figure de la scène « rockab » parisienne des années 1980, avec des groupes comme Les Daltons et Les Moonshiners. Des sales gosses qui, bien que contemporains du rock alternatif, n'arrivaient pas à préférer les Bérus à Jonnhy Cash, et cela bien avant que les Inrocks ne s'entichent de ce dernier. Toutefois, lorsque que le bonhomme s'empare de la plume pour relater, avec sa gouaille d'autrefois et son argot d'avant le web, un Paris sauvage et rock'n'roll, cela a finalement bien plus de gueule que tous les musées virtuels que certains dressent actuellement autour de cette « belle époque ». La capitale était alors hantée par ses bandes (Les Dell Viking, les skins, les Cats, etc.), mais surtout bouillante de ses concerts dans des troquets et des usines « éphémères ». Donc, ne cherchez pas, vous n'y croiserez pas les Ludwig Von 88 ou autres protagonistes de chez Bondage Records ou Boucherie Prod. Par contre, vous sentirez le souffle violent des Météors et de leurs épigones français. Nous sommes entre gens de mauvaises compagnies, les quartiers populaires et leurs bars attirent son lot d'âmes égarées, de travestis, de junkies réfugiés derrière le punk, ses héros oubliés, ses soldats perdus et ses convaincus. Il fallait donc lui poser l'ultime question, avant que notre Hallyday national ne chante pour les Bleus et les Forbans pour le FN, quelle était donc la connexion entre le vrai rock et le vrai foot?

Au cœur des années 80, dans le petit monde du rockabilly parisien, le foot n’était pas trop votre truc, non ?

À titre perso, je suis plutôt vélo, boxe et rugby. Le foot n’a jamais été trop mon délire. Pour tout résumer, comme je l’explique dans la première nouvelle des « Rois du rock » , ce qui nous fédérait se situait plutôt dans notre détestation du ballon rond. Avec les Daltons, comme les Wampas, nous nous sommes rendu compte que l’on s’était mis au rock parce que nous étions toujours les derniers choisis pour jouer au foot. En gros, nous avons pris des guitares pour compenser notre médiocrité sur le terrain et se la péter comme des beaux gosses. Après, je dois préciser qu’avec mon bouquin et les histoires que je raconte, je cherche un peu à sortir de toutes ces glorioles actuelles sur le passé, cette vantardise rétroactive. Quand je vois comment certains restituent cette période, j’ai l’impression de n’avoir en face de moi que des champions du monde de la rue. Moi j’ai juste voulu décrire cette période du coté des autres, des losers, des blaireaux. Parce qu’il faut bien le reconnaître, il n’y avait pas grand monde en dessous de nous, les psychos et les rockab, dans la chaîne alimentaire. Peut-être les punks et les batcave, les ancêtres des gothiques, à qui on pouvait espérer foutre des baffes, enfin je parle pour le gros de la troupe… En grande banlieue d’où je venais, je me faisais courser par les reurtis (les voleurs à la tire, ndlr) qui me prenaient un facho, et à Paris par les fafs qui se doutaient bien que je n’étais pas trop des leurs. En fait, j’appartenais à la cohorte de ceux qui voulaient juste se rendre au concert et se biturer. L’anecdote que je raconte au Fahrenheit, à Issy les Moulineaux, au début des années 90, est révélatrice. Je me retrouve au milieu des chasseurs, des ducky boys et des skins du KOB qui viennent de finir leur match et tournent autour du concert. Et moi qui zigzague entre les gouttes…

Justement, coté tribunes. Le pavé parisien n’a-t-il pas fourni le gros des effectifs du Kop of Boulogne au début?

Je n’ai jamais trop kiffé les ambiances de stade. Je me déplace maintenant un peu au Red Star pour les potes et je trouve finalement sympa le coté populaire, les cornes de gazelle à coté du stand de merguez. Mais j’ai toujours autant de mal à saisir et à comprendre l’énervement des Ultras… Comment est-il possible de monter sur une grille pour un but ou une faute? Franchement, je ne parviens pas à capter. Pour moi, c’est étrange à un point où je finis plutôt par m’en amuser. Toutefois, comme je viens de le dire, j’ai découvert cela sur le tard. Après c’est peut-être propre à la France. Car, au fond, le délire rockab, fifitos et compagnie se révéla toujours être un délire de prolos, et donc forcément le foot n’était pas loin. J’ai appris récemment que les Teddy Boys se rendaient aux matchs, tu sais ces gars pas franchement friqués qui se font beaux pour aller traîner aux Puces. Il paraît même que le « Red headed woman » de Sonny Burgess, repris plus tars par Les Météors, était devenu un chant de tribunes grâce à eux…

Donc le Parc, à l’époque, tu n’y foutais jamais les pieds?

Franchement, pour tout avouer, le foot durant cette période, c’est d’abord des souvenirs de course à pied. J’habitais pas loin du Parc des Princes, coté Boulogne, dans les années 86 à 90, dans une petite chambre de bonne. Autant dire les pires années. J’ai souvent été obligé fuir courageusement. J‘aimais en revanche le coté tournoi des Cinq Nations, les mecs bourrés qui pissaient dans la rue, le grand n’importe quoi mais sans violence. Cela me parlait pour tout avouer. Les soirs de match du PSG, c’était plutôt la Nuit de Cristal en comparaison.

Tu ne croisais jamais les supporters parisiens autrement?

Je me souviens d’un épisode au moment des manifs anti-Devaquet en 1986. Le lendemain de la mort de Malik Oussekine, je me rends sur Paname. Je tombe sur deux ou trois lascars, bananes et bombers comme moi, écharpes PSG. On trace le chemin ensemble, et je les entends déblatérer qu’ils espèrent choper des Rouges, que la veille ils ont fait chou blanc.. Je ne sais plus comment je me suis esquivé. Après en 1994, lors du mouvement contre le CIP, je garde en mémoire une manif qui part en vrille avec un cocktail bizarre de Totos, de blacks et rebeus de banlieue et de mecs clairement de Boulogne venus s’amuser contre les flics.

Comment juges-tu l’évolution de la place du foot dans la société depuis cette époque?

J’ai mis du temps à réaliser à quel point le foot pouvait être important dans la vie sociale. Par exemple, quand j’étais encore un jeune psycho, j’étais devenu un étudiant en carton pour pouvoir bosser comme pion dans un lycée où j’avais pas mal de jeunes du centre de formation du PSG. Je n’ai pas l’impression qu’ils aient beaucoup percé par la suite. Notamment un gars, Bienvenue Muzinga… J’ignore ce qu’il est devenu. Moi, je m’en contrecarrais de ce qu’il faisait. Désormais, quand je travaille comme éducateur auprès des toxicos à Colombes, je suis frappé par le coté central du foot. Les gars commencent par en parler pour briser la glace entre eux ou avec nous, quel club ils supportent etc. Après, cela peut virer facilement à l’embrouille. J’ai pas mal de types qui allaient à Auteuil ou qui se rendent encore au Parc. Je ne pense pas être très apte à porter un jugement de valeur ou le mieux placé pour analyser, mais quand je vois les Maliens à Montreuil entassés dans un resto ou sous la pluie pour mater une rencontre, je suis encore scotché…

À lire : Thierry Pelletier – « Les rois du rock » – éditions Libertalia

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