- Ligue 1
- J13
- OL-Nice (4-1)
Bienvenue en Ligue Ouin-ouin
Si comme la plupart des autres, la 13e journée de Ligue 1 a été marquée par des tensions autour de l’arbitrage, les jours qui ont suivi la rencontre entre Lyon et Nice dimanche (4-1) semblent avoir atteint des sommets sur l’échelle de la contestation. Le compte officiel de l’OGC Nice, qui a redoublé d’ingéniosité sur les réseaux sociaux pour critiquer des décisions arbitrales certes contestables, s’inscrit toutefois dans la lignée d’un phénomène de plus en plus viral et inquiétant.
On joue la 48e minute de jeu ce dimanche au Groupama Stadium de Décines-Charpieu, 3-1 pour l’OL au tableau d’affichage, lorsque l’accrochage de la discorde survient dans la surface lyonnaise : une véritable prise de l’ours façon Big Tedd de Duje Ćaleta-Car sur le kimono bleu azur d’Evann Guessand, mis au tapis. Si tout porte à croire que Monsieur Dechépy, l’arbitre de la rencontre, va pointer le petit rond blanc du doigt, il n’en sera finalement rien, puisque ni lui ni l’assistance vidéo ne jugeront opportun d’offrir aux Niçois le penalty tant convoité. Et si s’en suivent sur le terrain de longues secondes de protestation des Aiglons auprès de l’homme en jaune, cela n’est rien par rapport à la vague de protestation ininterrompue du club niçois sur ses réseaux sociaux dans les heures (et jours) suivant la rencontre.
Car si l’OGC Nice se plaint de l’arbitrage du match face à Lyon (4-1) dans sa globalité, c’est bien ce penalty oublié qui constitue l’épicentre du courroux azuréen, en témoigne la saisine de la direction technique de l’arbitrage par le club « pour obtenir des réponses concernant l’utilisation de la VAR ». Parmi plusieurs posts enragés, la vidéo d’une minute dix compilant les erreurs arbitrales supposées, concoctée et pondue par le club niçois semble toutefois relever tant du climax du seum que du mauvais goût, voire de l’indécence.
Besoin de comprendre… ⤵️
— OGC Nice (@ogcnice) December 2, 2024
L’injustice, vieille comme le monde
Il ne s’agit pas ici de débattre de la faute du défenseur lyonnais, qui paraît incontestable, comme l’a d’ailleurs confirmé la direction de l’arbitrage de la FFF ce mardi et pour qui « un penalty était donc attendu à la suite du visionnage en bord de terrain ». Il ne s’agit pas non plus de défendre l’OL, dont les supporters raillent depuis dimanche les Niçois pour leurs « pleurnichages » malgré un score pourtant sans appel. L’OL a lui aussi pratiqué la chouinerie de haut niveau par le passé, en témoignent les envolées de Jean-Michel Aulas dans les coursives de Gerland ou la compilation arbitrale (l’arroseur arrosé) postée par le CM du club un soir de défaite face au PSG en 2017 (0-2).
Il ne s’agit pas plus de bêtement tenter de proscrire toute forme d’énervement face à l’injustice. Toute personne ayant pratiqué le sport plus d’une heure dans sa vie peut attester que ce sentiment est probablement le pire des ressentis : la sensation de s’être fait léser est infiniment frustrante, poussant parfois à des réactions incontrôlées. La réaction à chaud d’un joueur lésé auprès du corps arbitral peut tout à fait s’entendre, tant qu’elle reste évidemment dans un esprit sportif et dans le cadre des règles du jeu. De même, la réaction exacerbée du supporter en tribunes ou derrière sa télévision ne saurait être mise en cause : la base du folklore dans les stades ou dans les bars, c’est finalement bien souvent d’être de mauvaise foi et de soutenir son club contre vents et marées, même dans les situations quasi indéfendables. Le courroux d’un dirigeant (tel Florian Maurice après la rencontre ou Mathieu Bodmer le mois dernier) ou d’un commentateur un peu trop chauvin (« Monsieur Foote, vous êtes un salaud ! »), passe encore ! Tant que cela reste, bien entendu, dans un cadre plus ou moins convenable. À l’inverse néanmoins, la stratégie digitale et officielle d’un club de Ligue 1, de plus en plus travaillée et soignée, parfois même humoristique (bravo le TFC) ne saurait conduire un club à se jeter dans l’océan de la démagogie et à franchir les limites de l’acharnement.
Si l’institution veut être respectée, elle doit se respecter elle-même
Car le club de Ligue 1, comme la majorité des acteurs du monde du football français l’appelle de ses vœux, se doit d’être une véritable institution. Les propos et dérapages d’un membre d’un club, avant, pendant ou après la rencontre n’engagent finalement que lui : s’il porte certes le maillot ou le costume floqué du blason de son équipe, il en va toutefois de la responsabilité de chacun de se comporter de manière à faire honneur à la fameuse institution. D’ailleurs, ceux qui franchissent la ligne jaune peuvent être directement sanctionnés. Chose qui n’arrive finalement jamais pour un community manager.
Alors comment défendre les déferlements de cris d’injustice de la part du compte officiel d’un club sur ses réseaux sociaux ? À ce petit jeu-là, nombreuses sont les écuries qui tombent tour à tour dans les limbes de la paranoïa : les comptes officiels du RC Lens, du FC Nantes ou de l’Olympique lyonnais ne sont que quelques exemples parmi d’autres de clubs qui ont récemment pratiqué la plainte excessive sur les RS d’un arbitrage pas à leur avantage. Comment un club peut-il s’abaisser au niveau zéro d’une discussion de comptoir au point de publier un best-of des coups de sifflet manqués par l’homme en jaune ? Et surtout, quel exemple pour une jeunesse extrêmement connectée ? Puisque le club se doit d’être un exemple, comment dans le même temps promouvoir le respect de l’autorité si l’on en vient à jeter un arbitre en pâture au beau milieu d’une foule d’anonymes ? Si tous les clubs de l’élite française avaient joué le jeu au cours du mois d’octobre, promouvant à grands coups de posts sur les réseaux sociaux la célébration des fameuses journées de l’arbitrage du 4 au 27 octobre dernier, les jolis préceptes partagés à leur communauté semblent pourtant s’effriter au premier tacle non sanctionné. Et s’il s’avère totalement admis que l’arbitre n’a pas toujours raison, les clubs trop pleurnicheurs auront néanmoins toujours tort.
Par François Goyet