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Clubs anglais : que se passe-t-il depuis 2012 ?
Depuis 2011-2012 et la victoire de Chelsea, le football anglais semble perdre pied au moment de franchir le cap des huitièmes de finale de Ligue des champions. Les clubs anglais ont-ils régressé au plus haut niveau ?
« Crushed. » Si la presse tabloïd anglaise fait souvent dans l’exagération au moment de titrer ses papiers, le mot choisi pour décrire la défaite de Manchester City au Camp Nou hier soir décrit fidèlement le sentiment ressenti par l’ensemble du football anglais au sortir d’une campagne européenne 2014-2015 que l’on peut déjà qualifier de désastreuse. Le constat est simple : depuis la victoire finale de Chelsea à l’Allianz Arena lors de la campagne 2011-2012, où les Blues étaient les seuls représentants britanniques engagés en quarts de finale, c’est la deuxième fois en trois ans qu’aucun des quatre clubs de Premier League ne s’incruste dans le grand huit européen. À titre de comparaison, sur les cinq saisons précédant le sacre des hommes de Roberto Di Matteo, les Anglais ont par deux fois réalisé un quatre sur quatre, par deux fois un trois sur quatre et ont qualifié seulement une fois, en 2009-2010, seulement deux représentants de leur championnat. Alors, que se passe-t-il ? Depuis hier, et même depuis la fin des matchs allers des huitièmes de finale, tous les arguments sont avancés : excès de nombrilisme d’un championnat gavé par des ressources financières absurdes, déchéance de la formation, manque de rigueur tactique, ou simple concours de circonstances malheureux ? Comme souvent, il y a deux façons d’évaluer le remplissage de ce satané verre.
Génération perdue
La première chose que l’on peut observer, c’est qu’entre la fameuse « génération dorée » et la prometteuse cuvée de Sterling, Kane ou Ross Barkley, on retrouve pléthore de cracks annoncés n’ayant pour l’instant pas confirmé au plus haut niveau. Aujourd’hui, Walcott, Wilshere, Rodwell, Smalling ou Cleverley pour ne citer qu’eux, tour à tour marketés comme le futur des Three Lions, montrent aujourd’hui un niveau bien éloigné des attentes initiales, comme une sorte de génération Y du football britannique, perdue entre un passé déjà regretté et la promesse, toujours entretenue, d’un avenir radieux. Est-ce la conséquence des budgets pharaoniques permis par des droits TV toujours plus élevés, permettant à tous les clubs anglais, même de bas de tableau, d’aller piocher un peu partout dans le monde à la recherche de la nouvelle star ? Peut-être. Toujours est-il que la formation anglaise ne tient plus toutes ses promesses. Alors, peut-être apeurés par l’idée de passer à côté du « nouveau Beckham » , ou du « nouveau Ferdinand » , les clubs anglais gonflent la valeur marchande de leurs joueurs à grands coups de planche à billets. Au fond, Luke Shaw a-t-il réellement plus prouvé que Digne ou que Kurzawa (pourtant tous deux médiocres lors de leurs dernières sorties) ? Saido Berahino, annoncé un peu partout pour plus d’une vingtaine de millions de livres, a-t-il montré des qualités intrinsèques foncièrement supérieures à celles de Michy Batshuayi par exemple ?
La fuite des cerveaux
La deuxième observation est que la Premier League perd ses plus grands talents de plus en plus tôt. Alors que David Beckham ou Thierry Henry avaient déjà effectué l’essentiel de leurs parcours respectifs avec Manchester United ou Arsenal avant de rejoindre l’Espagne, ces dernières années ont vu les deux géants espagnols aspirer des stars dans la fleur de l’âge, ou même un peu avant. Une fuite des cerveaux matérialisée par les transferts de Ronaldo, Bale, Modrić d’un côté ou Fàbregas et Suárez de l’autre. Ainsi, le rêve absolu du joueur de Premier League n’est plus de finir à Manchester United ou à Chelsea, mais bien dans l’un des deux gros du championnat d’Espagne. Un argument illustré ce matin même par Chris Coleman, le sélectionneur gallois, au moment d’évoquer les rumeurs annonçant le retour de Bale en Premier League : « Chelsea est un énorme club et a connu beaucoup de succès, tout comme Manchester United. Mais le Real Madrid reste le Real Madrid. Gareth est assez bon pour remporter les gros trophées, jouer sur la grande scène et avec le plus grand club. »
Un catastrophisme exagéré ?
Cependant, tout n’est pas aussi noir que l’instant et les titres défaitistes peuvent laisser à penser. En 2011-2012, Manchester City, pour sa première participation en Ligue des champions sous le giron d’Abu Dhabi, était tombé dans la poule de la mort et avait, quelque part logiquement, payé pour apprendre. Le voisin, United, avait été quant à lui sorti des poules plus par péché d’orgueil, mais aussi un peu en raison des choix de composition douteux d’un Ferguson qui préservait ses cadres pour la course au titre, acharnée jusqu’au bout avec le voisin honni. Enfin, Arsenal était passé complètement au travers face au Milan AC à l’aller (4-0), avant de se rattraper au retour, sans succès (0-3). La saison suivante, City, toujours pas verni, avaient succombé dès les poules face au Real Madrid et à Dortmund, futurs demi-finalistes. En plein marasme sportif au début de saison, Chelsea était sorti dès les poules, mais n’avait pas pour autant abandonné ses ambitions européennes, et était allé chercher la victoire finale en Ligue Europa sous la houlette de Benítez. Pour sa dernière campagne, un Ferguson revanchard s’était incliné de justesse face au Real Madrid, dans un match retour où le but de la qualification madrilène avait été inscrit après un carton rouge controversé donné à Nani. Arsenal, de son côté, avait fait flipper le futur vainqueur bavarois dans son antre, ne s’inclinant finalement qu’en raison de la règle du but à l’extérieur. Enfin, l’an passé, les Citizens avaient déjà tiré l’ogre barcelonais dès les huitièmes, quand Arsenal était tombé avec les honneurs face à un Bayern ultra-favori à l’époque. Un Bayern qui avait ensuite logiquement écarté un Manchester United en pleine reconstruction, vieillissant et conduit par un entraîneur sans expérience à cette échelle. Plus loin dans la compétition, Chelsea était tombé en demi-finale face à un Atlético Madrid transi par un Cholo en lévitation. Bref, à l’échelle micro, on s’aperçoit qu’en prenant tous les clubs anglais qualifiés cas par cas, il est difficile de tirer de grandes conclusions générales sur l’état du football britannique à l’échelle européenne. Bien sûr, le football anglais doit se poser les bonnes questions, mais difficile pour autant de parler d’ « accident industriel » . Cela tombe bien, ils ont désormais jusqu’à septembre prochain pour méditer. En attendant, le message reste le même : see you next year.
Par Paul Piquard