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Club L2, Auvergne, cherche supporters
Revenu en Ligue 2 en 2007, le Clermont-Foot ne fédère pas les amoureux du ballon rond en Auvergne. Dans une région qui compte pourtant presque 50 000 licenciés football. Tentative d'explication sur place.
Samedi 19 septembre, place de Jaude, Clermont-Ferrand. Par ses nombreux bars et magasins de mode, la place centrale de la ville est un lieu incontournable de la capitale auvergnate. Un lieu de rassemblement aussi. C’est ici qu’une marée humaine déferle devant un écran géant, chaque fois que l’ASM Clermont-Auvergne dispute une finale de Coupe d’Europe ou de championnat de France. Mais en ce troisième samedi de septembre, il n’est pour une fois pas question de rugby, mais de football. À l’ombre de la statue de Vercingétorix, la FFF vient d’installer deux terrains de foot à 5 dans le but de fédérer les supporters français à quelques mois de l’Euro 2016. Plusieurs jeunes viennent se défier toute la journée, arborant des maillots de Barcelone, du PSG, de Sainté, de l’OL. Mais difficile d’apercevoir des joueurs avec les couleurs rouge et bleu du Clermont-Foot. Pour tenter de comprendre une partie du phénomène, il suffit de faire quelques mètres à pied, et de se rendre rue Saint-Dominique, au café le Dickens. L’établissement est tenu par Saïd Belkhiri. À 61 ans, l’homme est souriant. Supporter du club de foot de la capitale auvergnate depuis ses plus jeunes années, il a créé en 2003 avec deux amis l’association « Bad Wizards » , seul groupe de supporters qui met actuellement de l’ambiance au stade Gabriel-Montpied, les jours de match. Le groupe a été mis en stand-by en 2008, à cause du manque de membres avant d’être reconstitué à la fin de l’année 2013 par des jeunes de la ville.
Clermont contre la génération OL et Saint-Étienne
En terminant son hot-dog, il explique son statut : « C’est pas évident d’être supporter du Clermont-Foot, à Clermont. On est un club jeune, 25 ans d’existence, et on n’a jamais eu de grands résultats, ce qui fait que l’on parle peu de nous en ville. » Une phrase qui faisait écho aux propos tenus quelques jours plus tôt par Aurélien. Le fondateur des Ultras Vulcans, un groupe de supporters de l’ASM Clermont-Auvergne, évoquait lui aussi le manque d’histoire(s) du club de foot : « Il n’y a jamais eu un élément pour fédérer la population autour du club. Je suis clermontois, fan de sport, mais je ne suis allé qu’une seule fois au stade Gabriel-Montpied. Il faudrait une montée en Ligue 1 ou un parcours en Coupe pour créer quelque chose. »
Car sans des résultats, difficile de commencer à s’identifier au club phare de la région, alors que Clermont-Ferrand est tout proche de villes comme Lyon ou Saint-Étienne. C’est ce qu’explique Virgile, 26 ans, ancien président des Ultras Clermont, groupe qui, comme son nom l’indiquait, se revendiquait ultra, mais a été mis en sommeil en 2012 en raison d’une baisse d’implication de ses membres. « L’un des problèmes du Clermont Foot, c’est son positionnement géographique. Lyon est seulement à 1H30 de route, donc on a toute une génération qui a grandi avec les titres de l’OL et qui s’est identifié à ce club. Et puis on a une génération plus ancienne, qui s’est identifié à Saint-Étienne, qui est à une heure de route, au moment de l’épopée des Verts en Coupe d’Europe. » Saint-Étienne, voilà un modèle qui fait rêver bon nombre de Clermontois. Comme Tom, un informaticien de 22 ans, à l’origine de la remise en route des Bad Wizards. « Je suis clermontois, mon père m’a emmené au stade Gabriel-Montpied quand j’étais petit, mais il m’a aussi fait découvrir le stade Geoffroy-Guichard. Quand j’ai vu l’ambiance là-bas, je me suis dit qu’il fallait absolument qu’on essaie de faire quelque chose à Clermont. »
Michelin > Michy
Grâce à sa volonté, ils sont désormais une petite vingtaine, voire une trentaine les jours de gros matchs au stade Gabriel-Montpied à mettre l’ambiance. À l’image de Cédric Avinel, le capitaine du club, les joueurs sont ravis de ce soutien, même s’ils aimeraient avoir plus. « Depuis l’an dernier il y a un groupe qui s’est reconstitué, c’est bien. Maintenant, c’est clair que s’ils étaient plus nombreux, ça serait encore mieux, ça permettrait de nous transcender dans les moments difficiles. » Malgré le fait que son club soit en Ligue 2 depuis plusieurs saisons, il a l’impression que les Clermontois ont du mal à s’identifier au Clermont-Foot. « Je peux me balader en ville, personne ne me reconnaît. Ça me convient, car je suis quelqu’un de tranquille. En plus, ça ne m’étonne pas, au stade, on voit bien que ce sont toujours les mêmes personnes qui reviennent. »
Pour un club de Ligue 2 âgé de 25 ans, difficile de grandir aux côtés d’un club de rugby centenaire, lié de très près à l’entreprise phare de la ville : Michelin. C’est l’un des arguments mis en avant par Claude Michy, le président du Clermont Foot, pour expliquer la difficulté qu’ont les Auvergnats à s’identifier au club de foot local. « L’histoire de Michelin est profondément liée au club de rugby. Au départ, l’entreprise recrutait des rugbymens pour jouer au club en leur donnant du travail. De ce fait, dans le stade Michelin aujourd’hui, il y a quatre générations de famille qui se succèdent, je trouve ça superbe, mais ça a des répercussions sur nous. » Un club qui a de plus de bien meilleurs résultats que le sien : « La saison passée, on a terminé 12es de Ligue 2. À côté de nous, on a un club qui est vice-champion d’Europe, vice-champion de France. Je comprends que ça fasse plus rêver les gens. »
« Ça ne se fait pas au Montpied »
L’importance historique du rugby dans la ville empêcherait les Clermontois de se familiariser à la culture football. C’est ce que pense Julien Maury. À 30 ans, ce Parisien de naissance est arrivé à Clermont il y a quelques années. Après avoir longtemps été membre des Boulogne Boys, il a rejoint les Bad Wizards au moment de leur reconstitution, car l’ambiance des stades de football lui manquait. Il en est persuadé, il n’y a pas de « culture foot » dans la capitale auvergnate. Si bien que les premiers matchs qu’il a passés avec son nouveau groupe l’ont surpris. « Les supporters ici, ils ont une culture rugby. C’est-à-dire qu’ils poussent leur équipe, mais ça s’arrête là. Ils ne mettent jamais la pression sur les joueurs. Ils ne chambrent pas l’équipe adverse. Un jour, j’ai voulu faire une banderole pour demander la démission de Thiriez. Ça se fait dans tous les stades, mais on m’a fait comprendre que ça ne se faisait pas au Montpied. » Une attitude qui peut se prolonger après les matchs. Ce que confirme Said Belkhiri : « Nous, on n’a que des bons rapports avec les supporters adverses. On les invite à boire des verres avec nous à la fin du match. Ce qui fait qu’on est toujours bien reçus. On n’a jamais eu besoin de flics pour nous sortir du stade, même en Corse. Avec Châteauroux qui est proche, on pourrait croire qu’il y a une petite rivalité, mais pas du tout, on a même hébergé leurs supporters chez nous l’an dernier. » Une absence d’ennemi qui, pour certains supporters comme Tom, n’inciterait pas les gens à venir au stade. « Ça mettrait du piment à la saison. C’est le genre de matchs que tu regardes en premier quand le calendrier tombe. Ça ferait parler de nous. »
Mais si le stade Gabriel Montpied ne vibre pas au rythme du football, c’est qu’il est pour beaucoup tout sauf un stade de foot. Comme l’explique Jean-Luc Theis, vice-président des Bad Wizards. « On a un gros problème de confort. Le Gabriel-Montpied n’est pas attirant du tout. Et puis il est en banlieue nord, loin du centre-ville et n’est desservi par le tramway que depuis un an. » Pour Ludovic Genest, milieu offensif né à Clermont, revenu à la maison après plusieurs escales dans des clubs de L2 (Laval, Créteil), l’état du stade Montpied n’est pas un souci. « C’est vrai qu’il n’y a qu’une seule tribune, mais elle est garnie. Donc on se sent soutenus. L’an dernier, j’ai joué à Creteil où il y a plusieurs tribunes, mais il n’y en a aucune qui est remplie, ça fait bizarre. » Malgré tout, le président Claude Michy est bien conscient du problème : « Il y a un souci d’accès au stade, je le sais. Mais il faut bien comprendre que le Clermont-Foot n’est pas propriétaire de son stade, il appartient à la mairie. On a déjà fait pas mal de choses par nos moyens, comme la construction de buvettes, de chapiteau, de salon. Mais je ne me plains pas, au contraire, j’aimerais montrer que l’on peut y arriver avec nos petits moyens. »
Corinne Diacre copiée par Carla Bruni !
En vérité, supporters, dirigeants et joueurs sont persuadés que le Clermont-Foot est sur la bonne voie pour arriver à créer un peu d’engouement autour du club en Auvergne. Et l’élément déclencheur est peut-être déjà en place, il s’agit de Corinne Diacre. « À Clermont, le mot pression, on ne connaît pas. Ça fait des années qu’on a des entraîneurs qui annoncent qu’on joue le maintien. Et le président n’a jamais viré un entraîneur malgré des situations difficiles. Corinne Diacre change cette routine puisqu’elle a annoncé en début de saison qu’on visait le premiers tiers du classement. Ça fait du bien d’entendre ça, y a qu’en étant ambitieux qu’on arrivera à créer l’engouement. En plus, elle a des résultats » , explique Jean-Luc Theis. Un avis partagé par Said Belkhiri : « Avant, à la fin du match, les joueurs partaient sans saluer les supporters. Aujourd’hui, Corinne Diacre a obligé les joueurs à venir voir le public. Le rapport entre les joueurs et nous est bien meilleur. C’est positif, ça crée quelque chose. » Un argument également repris par Claude Michy. « Avec Corinne Diacre, on a essayé de faire bouger le système. Ça s’est pas traduit en matière d’engouement autour du club. Mais aujourd’hui, quand je vois Carla Bruni, jouer l’entraîneuse de football dans une publicité pour une grande marque automobile, je me dis qu’on essaie déjà de nous copier. L’attractivité viendra peut-être avec du retard. »
Par Charles Thiallier