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Clough, père et fils

Par Maxime Brigand
Clough, père et fils

Pendant toute sa vie, il n’a été que le fils de Brian. Puis, Nigel Clough a progressivement écrit son histoire au point de pousser Burton Albion en Championship pour la première fois en soixante-six ans de vie.

C’est l’un des premiers jours où son visage est apparu. Sous son bras, un ballon en cuir ancien. À ses côtés, son frère Simon, de deux ans son aîné. Il pleut sur Leeds et sur les fantômes d’Elland Road, ceux de Don Revie. Au-dessus de ses deux fils, Brian Clough sait qu’il n’est maintenant plus un visiteur. Il a changé de costume. Au fond, il déteste cet endroit. Les choeurs d’Elland Road détestent son visage, réciproquement. Pourtant, il n’a pas le choix. C’est lui qui a été choisi par Manny Cussins pour reprendre Leeds United. Alors il s’avance sous la pluie, esquive les supporters présents, se détourne des projecteurs et demande à Syd Owen, alors entraîneur du centre de formation des Peacocks, si quelqu’un peut « veiller sur ces deux garçons » pendant qu’il se présente. Owen est clair : « Tout le monde vous connaît déjà. Et ces jeunes gens sont là pour développer leurs aptitudes de footballeurs professionnels. Pas pour distraire vos enfants. » Brian Clough continue sa route, entre dans le couloir, et l’un de ses fils lui demande qui était l’homme en question. « Le méchant Oncle Syd. » Puis Clough fait détruire toutes traces du passage de Revie, de la table à la secrétaire, et alignera quelques heures plus tard ses nouveaux joueurs : « Pour beaucoup, vous êtes des footballeurs internationaux qui ont gagné tout ce qu’il était possible de gagner sous les ordres de Don Revie. Mais en ce qui me concerne, soyez gentils et foutez-moi toutes vos médailles, tous vos prix et toutes vos breloques dans la plus grande foutue poubelle que vous pourrez trouver. Parce que vous n’en avez pas gagné une seule, honnêtement. Vous avez remporté tout cela par de la putain de tricherie. » L’histoire vient de se terminer dans le fond et se brisera 44 jours plus tard dans la forme. Nigel Clough, lui, avait alors huit ans et n’était encore que le fils de Brian.

Au nom du père

C’était il y a maintenant quarante-deux ans. Quarante-deux années au cours desquelles Nigel s’est obligé à devenir Nigel Clough, et non « le fils de Brian » . Alors, il a joué au foot, lui aussi. À Nottingham Forest, surtout, et, forcément, entre 1982 et 1993. C’est là que le père a écrit les plus belles lignes de son histoire, qu’il a construit sa légende de la deuxième division à ses succès européens en 1979 et 1980. L’ombre est imposante et le poids aussi. Surtout quand Brian Clough s’amuse à répéter à son fils qu’il ne sera « jamais aussi bon » , ou qu’il ne « marquera jamais autant de buts » que lui. Plusieurs fois, Nigel a répété qu’il souhaitait « juste jouer au foot » , rien de plus. Au final, il grattera plus de sélections en équipe nationale – quatorze – qu’un père souvent absent, mégalo, tout puissant. « Avoir un père comme lui te force à prendre une autre voie. Cela te rend plus introverti. En tant qu’enfant, vous avez besoin de normalité, de ne pas entendre crier, vous voulez simplement être un gosse normal. Je voulais simplement faire mon boulot plus tard et jouer au foot » , racontait Nigel Clough, il y a quelques mois, dans un entretien accordé au Daily Mail à l’occasion de la sortie du documentaire I Believe in Miracles, consacré à l’histoire du papa.

Voir des images de Nigel Clough aujourd’hui, c’est se rendre compte qu’il n’a pas changé. Toujours le même calme, la même détermination. Nigel a réussi, de son côté. Jusqu’à atteindre son sommet en mai dernier, la gueule sous la bière, au cœur du Pirelli Stadium de Burton upon Trent. Sur la pelouse, le cinquantenaire gueule et savoure au milieu de milliers de drapeaux jaune et noir. Il vient d’écrire son histoire, un truc au moins aussi puissant que le titre décroché dans le même temps par Leicester en Premier League. Sous sa coupe, le Burton Albion FC vient de toucher pour la première fois de son histoire un billet d’accès pour la Championship. L’exploit est de taille pour un club qui n’a intégré la Football League qu’à l’été 2009 après plus d’un demi-siècle d’histoire. Jusqu’ici, Burton était surtout connu pour sa bière, pas trop encore pour ses Brewers (surnom de l’équipe qui signifie les brasseurs en français, ndlr). Et voilà, entre Derby, Birmingham, Stoke et Leicester, Burton upon Trent s’est fait un nom.

Et du fils

Si les Brewers en sont là, Nigel Clough y est pour beaucoup. Débarqué en 1998, Clough y a injecté son expérience en tant qu’entraîneur-joueur jusqu’en 2008, avant de prendre définitivement l’équipe première jusqu’en 2009 et un titre de champion de Football Conference. Puis, le coach a suivi l’exemple du papa, a passé quelques années à Derby County, a poussé Sheffield United jusqu’à une demi-finale de FA Cup 2014 (défaite 3-5 contre Hull City) et une de League Cup la saison suivante (perdue contre Tottenham 0-1, 2-2) alors que Burton Albion a continué à grandir grâce à l’excellent travail de Gary Rowett et de Jimmy-Floyd Hasselbaink. Jusqu’au départ de JFH à QPR en décembre dernier. Le moment où Ben Robinson, le propriétaire des Brewers, a décidé de rappeler Nigel Clough pour la suite que l’on connaît en l’évoquant comme « l’homme idéal » . Un coach avec ses idées, ses principes défensifs – Burton Albion a été meilleure défense de League One l’an passé (37 buts encaissés en 46 rencontres) -, et des cadres conservés depuis plusieurs saisons. Voilà où en est aujourd’hui le club des West Midlands à l’heure où il s’apprête à découvrir la Championship sur la pelouse du City Ground de Nottingham, là où Brian Clough a quitté le foot en 1993. Le symbole est fort et se complétera avec des derbys attendus contre Derby County ou encore Aston Villa cette saison. La fermentation débute seulement.

Dans cet article :
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Par Maxime Brigand

Propos de Brian Clough et Syd Owen tirés de 44 jours, le roman de David Peace.

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