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Cloclo le Canari
C'est l'un des gros coups de ce début d'été. Claudio Ranieri, LE Claudio Ranieri, celui qui est passé du statut de loser magnifique à celui de magicien en remportant la Premier League avec Leicester, est le nouvel entraîneur du FC Nantes. Après s'être fait malmener par Sergio Conceição, les Canaris peuvent remercier le ciel de s'en tirer aussi bien.
« Ni armes, ni violence et sans haine. » Ce lundi 19 juillet 1976, en découvrant les coffres éventrés de leur banque, les employés de la Société Générale de la rue de l’hôtel des postes à Nice sont bouche bée. Sous leurs yeux, l’équivalent de vingt-neuf millions d’euros a disparu et il ne reste qu’un trou béant dans un mur, et ce graffiti devenu mythique. Quarante et un an après Spaggiari, Waldemar Kita peut serrer victorieusement ses petits poings : lui aussi tient son casse du siècle. Toujours dans le coin quand il s’agit de fanfaronner, le président du FC Nantes s’est même jeté quelques fleurs bien méritées dans Ouest-France : « Je ne suis pas là pour me mettre en avant, mais je peux vous dire que j’ai reçu des coups de fil du Portugal, de Russie, d’Angleterre. Tous ces journalistes me demandent si c’est bien vrai, s’il a réellement signé. Nantes est ce mardi connu dans le monde entier. » Avant de tout lâcher, de faire sauter les bouchons des bouteilles de champagne, et d’utiliser un vocabulaire un brin outrancier : « On a fait un coup d’État. Maintenant, ça serait sympa de se qualifier pour une Coupe d’Europe. » Les Nantais n’ont renversé aucun gouvernement, fait tomber aucun dictateur, planifié la chute d’aucun régime. Ils ont juste fait signer Claudio Ranieri. Pas un « coup d’État » , donc, mais tout de même une sacrée folie, et même un petit miracle pour un club qui venait de se faire magistralement carotter par son précédent entraîneur.
Le méchant des films d’action
C’était le 29 avril dernier. Les Canaris venaient de battre le FC Lorient, et Sergio Conceição annonçait qu’il avait prolongé jusqu’en 2020 à grand renfort de déclarations qui suintent l’amour : « Je me sens bien, on a tout ici pour bien faire. Je suis heureux et ravi de prolonger avec le FC Nantes. Merci au président et aux magnifiques supporters. On est ensemble et on va construire quelque chose ici. Je souhaite le meilleur pour moi et pour le club, il n’y a pas de doute. » Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et Nantes était parti pour conquérir le monde grâce à son Portugais de coach. Un mois plus tard, Conceição faisait ses valises pour rentrer au pays, au FC Porto plus exactement, en laissant derrière lui toute une ville assommée par tant d’incorrection. Le principe du méchant de film d’action au moment du twist. On pensait qu’il était du côté des gentils depuis le début, et au moment où il se retourne et s’en va en laissant un champ de ruines derrière lui, on comprend que c’était une ordure. Kita, lui, se retrouvait dans une sacrée panade. Car un entraîneur étranger de renom qui fait passer le FC Nantes de la 19e à la 7e place en moins de six mois, ça ne se remplace pas comme ça. Et qu’avant de se retrouver avec Claudio Ranieri comme par magie, les supporters nantais ont un moment craint le pire. Le pire, sans sombrer dans la critique facile de notre réservoir national de coachs, ça aurait été un de ces entraîneurs franchouillards qui ne font plus rêver personne. Un Baup, un Courbis, un Alain Perrin. Bref, un retour un an en arrière, au moment où René Girard prenait place sur le banc nantais. Un scénario dont personne ne voulait à la Beaujoire.
Raymond aurait dit non
Kita avait vite tenu à rassurer son peuple en dévoilant une short list d’entraîneurs étrangers. On y trouvait les noms de Pedro Martins, de Paulo Sousa ou de Vítor Pereira. Et voilà qu’un beau jour, sans que personne ne s’y attende, la presse annonce que Waldemar Kita et son fils ont rendez-vous avec Claudio Ranieri au Royal Monceau, un cinq étoiles parisien des belles cases du Monopoly. Un accord est trouvé dans la foulée et Ranieri, au chômage depuis février dernier, était bon pour débarquer sur les bords de la Loire. Simple obstacle, cet alinéa 4 de l’article 655 un peu bêta des statuts de la LFP qui fixe l’âge limite d’un entraîneur à 65 ans. Et Ranieri ayant 65 ans et 7 mois… Un verrou que la LFP a fait sauter en moins de deux même si l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs, n’était pas de cet avis comme l’a expliqué son président, un certain Raymond Domenech : « Nous, l’Unecatef, n’aurions pas accordé la dérogation à Claudio Ranieri. Nous ne l’aurions pas accordé non plus à un entraîneur français. On suit le règlement. » Mais Raymond peut froncer ses gros sourcils tant qu’il veut, l’affaire est réglée, Ranieri sera bel et bien le prochain coach du FC Nantes, où il arrive avec ses adjoints et son superviseur. Le coût de l’addition ? Kita préfère rester vague, en balançant des réponses façon La Vérité si je mens : « Avec Claudio, on a de la qualité. Cela a toujours un prix. On a commencé sur ce chemin avec Sergio, il fallait de la continuité, quitte à se priver d’un joueur lors du mercato. Il faut avoir de l’ambition. » Un mot que les supporters nantais commençaient tout juste à redécouvrir. Et qui valait bien que Kita leur offre un gros coup, quelque part entre le casse du siècle et le coup d’État.
Par Alexandre Doskov