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Clément Simonin : « J’allais arrêter le foot quand j’ai été drafté »

Propos recueillis par Régis Delanoë
Clément Simonin : « J’allais arrêter le foot quand j’ai été drafté »

Ancien de la formation lorientaise, Clément Simonin, 23 ans, est parti il y a plus de trois ans vivre le rêve américain en intégrant un sport-étude à l'université. Résultat des courses : il vient de se faire drafter par la franchise la plus ambitieuse du moment, Toronto FC, et évoluera notamment avec un certain Sebastian Giovinco. Pas mal pour un gars qui était à deux doigts de plaquer le foot il y a encore quelques semaines…

Raconte-moi un peu, comment as-tu atterri à Toronto FC et en MLS ?

J’ai été drafté, choisi par Toronto au premier tour, en neuvième choix. Pour être honnête, je ne m’y attendais pas vraiment, car j’ai eu une dernière saison universitaire assez chaotique, perturbée par une opération aux abdominaux. Je pensais vraiment que ma chance était passée, jusqu’à ce que je sois invité à une journée de détection à Las Vegas organisée par deux clubs de MLS, les Sounders de Seattle et Toronto. C’était une chance inespérée et il se trouve que j’ai bien joué là-bas. À partir de là, j’attendais un petit signe de la part de l’un ou l’autre club, mais sans trop espérer non plus. Et finalement, le jour de la draft, je reçois sur mon iPhone un petit tweet m’indiquant que j’étais pris par Toronto. Super surprise !

La draft MLS, ça fonctionne pareil qu’en NBA ?

Exactement, ouais. Les universités sont un peu l’équivalent des centres de formation en Europe. Lors de la draft (qui a eu lieu le 15 janvier, ndlr), tu as 80 joueurs universitaires qui sont sélectionnés, parmi eux 74 seniors comme moi qui ont terminé leur cursus et obtenu un diplôme, ainsi que 6 joueurs « génération Adidas » , des mecs un peu plus jeunes, en première ou deuxième année d’étude. Avec cette liste, les clubs pros font leur marché et prennent ceux qu’ils veulent en fonction d’un ordre dépendant du classement obtenu la saison d’avant, pour essayer de renforcer les effectifs en vue de la saison à venir, qui commence en mars.

La MLS, c’était un objectif pour toi ?

Oui, même si ma priorité en venant aux États-Unis était d’abord d’obtenir un diplôme, ce que j’ai fait en validant un Bachelor en sport management à la NC State University, en Caroline du Nord, où je suis arrivé de France il y a un peu plus de trois ans. Quand j’ai obtenu ce diplôme, je ne croyais tellement plus à un avenir dans le foot que je m’étais inscrit à la Mercer University d’Atlanta pour continuer mes études et obtenir un Master. Deux jours après la reprise des cours, la bonne nouvelle est tombée comme quoi j’étais retenu par Toronto FC. J’ai donc dû précipitamment abandonner les études à Atlanta.

Tu veux dire que t’étais sur le point d’abandonner complètement le foot ?

Oui, à Atlanta, c’était clair pour moi, j’avais fait le choix de me concentrer sur mes études. Sans cette draft, j’arrêtais. D’ailleurs, ça a un peu piqué pour la reprise des entraînements à mon arrivée à Toronto ! J’avais quelques kilos en trop en ayant complètement coupé pendant un mois. À la reprise, je suis arrivé dans un groupe avec des mecs chauds comme des barriques, à bloc en fitness, en courses… Mais je suis vite revenu au niveau, donc ça va.

Que peux-tu me dire du soccer universitaire américain ?

C’est un peu comme le sport-étude en France, avec un emploi du temps aménagé pour être à l’heure à l’entraînement du matin et du soir. Du coup, le rythme est hyper intensif, avec muscu le matin vers 7 ou 8h, cours à 10h, entraînement à 14h, etc. Et c’est pire encore pendant la saison NCAA, qui dure de septembre à novembre, c’est court, mais très intense avec des matchs tous les trois jours pendant près de trois mois.

T’étais dans une bonne université ?

J’avais déjà la chance d’évoluer dans la meilleure conférence des États-Unis pour le sport universitaire : Atlantic Coast, où t’as tous les meilleurs jeunes en basket, football, soccer… Après, à NC State où j’étais, le soccer n’est pas encore hyper développé, même si ça progresse. On passe quand même derrière le football américain, le basket et le baseball. Mais un coéquipier s’est fait drafter en même temps que moi à Orlando, où joue Kaká, et un autre a été pris l’an dernier par Kansas City.

Et la vie là-bas, bien ?

Oui, sympa. NC State est basée à Raleigh, en Caroline du Nord. C’est assez calme, joli, ça ressemble un peu à la France, la ville est grande sans l’être trop non plus, avec un bon petit centre-ville. L’université et mon appart étaient situés à cinq minutes du centre, donc c’était cool, j’avais tout à portée de main.
Tous les ans, des petits nouveaux s’intéressent aux universités et ils me contactent sur Facebook pour savoir comme ça se passe

C’est quoi ton parcours avant de migrer en Amérique du Nord ? Lorientais formé chez les Merlus, c’est ça ?

C’est ça, j’ai intégré le centre de formation du FCL à 12 ans et j’y ai fait toutes mes classes jusqu’en équipe réserve. À 19 ans, j’ai demandé à partir, car je sentais que je ne faisais plus l’affaire. J’ai disputé une nouvelle saison de CFA2 avec Concarneau, pas loin, puis finalement j’ai eu cette opportunité de partir aux États-Unis. J’ai pas réfléchi à deux fois, j’ai fait mes valises et je suis parti.

Tu sentais que c’était foutu pour toi de percer en pro en France ?

Foutu, non, peut-être pas forcément, mais le chemin allait être semé d’embûches, ça, c’est sûr. À côté de ça, on te propose de partir aux États-Unis, de bénéficier d’un cursus universitaire gratuit, de valider un diplôme de valeur tout en jouant au foot à un bon niveau, en ayant la possibilité de percer en pro là-bas. Forcément, j’ai foncé !

Mais t’as fait comment pour y aller en fait ?

J’ai contacté une agence française qui s’occupe d’envoyer des jeunes footballeurs français aux États-Unis, Elite-Athlètes. J’ai envoyé un mail avec mon CV, on m’a recontacté, et de fil en aiguille, mon profil a intéressé NC State, c’était parti. J’ai intégré l’université juste avec une vidéo. Les coachs ici sont très demandeurs de jeunes Européens formés. J’ai pu bénéficier d’une bourse complète, avec prise en charge des frais de scolarité, loyer, nourriture et un peu de cash à chaque début de semestre. Quand tu sais qu’ici une inscription à l’université coûte 30 à 40 000 dollars par an…

C’est un choix que tu ne regrettes donc pas ?

Clairement pas, non. Je n’étais d’ailleurs pas le seul à partir. On était trois de ma promo de Lorient. Tous les ans, t’as des petits nouveaux qui s’y intéressent, ils me contactent sur Facebook pour savoir comme ça se passe, tout ça… J’encourage à faire les démarches, forcément. T’as tout à y gagner : une expérience exceptionnelle, une nouvelle langue, un diplôme de valeur, tout en continuant à jouer au football. C’est idéal.

T’as eu le temps de découvrir Toronto un peu ou pas du tout encore ?

Non pas encore trop, j’ai juste visité la grande tour CN, mais c’est à peu près tout, par manque de temps et aussi parce qu’il fait trop froid. Dans les -10°, et encore, c’est pire a priori cette semaine, mais avec l’équipe, on est actuellement en stage en Floride, pour trouver un peu de soleil et pratiquer sur herbe. On a deux matchs de préparation au programme contre Orlando et les Red Bulls, puis retour une semaine à Toronto, on repart encore une semaine en Floride et ce sera le début de la saison.

T’as hâte ?

Oui, mais faut que je fasse mes preuves en attendant, car je suis toujours en période d’essai pendant encore un mois. Ce n’est qu’à partir de là que je pourrai signer un contrat, donc il faut que je fasse du mieux possible aux entraînements, en essayant de gratter quelques bouts de matchs. Tout se fait au mérite ici, donc si ça ne marche pas, je ne pourrai m’en prendre qu’à moi-même. J’ai bon espoir, même s’il y a du lourd en concurrence. Au poste de défenseur central, où je joue, t’as le capitaine Steven Caldwell, un international écossais très expérimenté, et Damien Perquis aussi qui vient de signer…

En parlant de gros noms, Toronto fait beaucoup parler sur le marché des transferts avec les arrivées de Giovinco, Altidore, Cheyrou, Perquis… J’imagine que c’est motivant ?

Oui, les dirigeants sont en train de monter une grosse équipe. Ça va être la neuvième saison du club en MLS et il n’a toujours pas accroché les play-offs, alors cette fois, ils se donnent les moyens pour réussir. Les internationaux Altidore et Bradley ne sont pas encore avec nous. Ils ont eu droit à des vacances en plus après un match de la sélection contre le Chili. Perquis et Cheyrou doivent arriver bientôt (ils sont arrivés entre-temps, entretien réalisé mardi, ndlr), Giovinco pareil… On va bientôt être au complet, prêts à faire une grosse saison.

T’es optimiste pour l’avenir du soccer en Amérique du Nord ?

Ouais, vraiment, c’est en train de monter en puissance là. T’as des grands joueurs qui signent, de plus en plus d’étrangers qui arrivent… Avant, dans le monde du foot, personne ne portait attention à la MLS. Mais comme t’as de plus en plus de joueurs européens à y venir, comme Perquis et Cheyrou par exemple, beaucoup se disent : « Tiens, mais si eux y vont, pourquoi pas moi ? » Du coup, ça entretient la dynamique. Pour les locaux, il y a encore des progrès à faire au niveau de la formation et de l’organisation, mais on y arrive. Par exemple, il manquait jusque-là des ligues mineures type CFA ou CFA2 pour permettre aux jeunes d’ici de progresser. Mais depuis cette saison, chaque équipe MLS doit disposer d’une équipe réserve qui évolue dans un championnat appelé USL Pro. C’est un super tremplin pour ceux qui doivent encore s’aguerrir. Non, sérieusement, le projet est en marche.
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