En 5 saisons avec le Gaz’, t’as vécu une descente et quatre montées. Ça va, t’as pas dû t’ennuyer durant ces années !
Ouais, c’est clair que chaque année, les saisons ont vraiment un intérêt particulier. Sur mes dix dernières saisons, il n’y a que trois fois où je n’ai joué ni la montée ni le maintien. Mais après, attention, il ne faut pas prendre le truc à l’envers, j’aurais tout de même préféré faire dix ans en étant neuvième de Ligue 1. Mais je ne me suis pas ennuyé, c’est vrai. Vivre une montée, c’est déjà extraordinaire, alors en vivre plusieurs, c’est quelque chose de dingue. Certains joueurs n’en ont jamais connues. Je chambrais Jérémy (Bréchet, ndlr) à propos de ça quand on est montés, parce que lui, c’était sa première fois. On l’a dépucelé ! Mais en même temps, il n’a jamais joué à un niveau qui lui permettait de monter… Quand t’es en haut, ben, t’es en haut !
T’aurais pas envie, juste une fois, de te blottir dans les bras du bon vieux ventre mou ?
Ah si, c’est clair. Si c’est au haut niveau, je signe tout de suite.
A priori, ce n’est pas encore pour cette saison…
Oui, mais on savait qu’on n’allait pas pouvoir jouer autre chose que le maintien. Ou alors il aurait fallu faire un début de saison tonitruant, un peu à l’image d’Angers. Mais bon déjà, le fait d’avoir la possibilité de jouer le maintien en Ligue 1, c’était inespéré. Quand on est montés du National en Ligue 2, on n’envisageait pas d’être là où nous sommes aujourd’hui. Maintenant, on a le mérite de le vivre et on va faire en sorte d’y croire le plus longtemps possible. Ça ne veut pas dire qu’on va forcément se maintenir, mais si on arrive à garder une pression positive entre nous et qu’on n’est pas trop largués au classement à 10 journées de la fin, pourquoi pas. Il faut au moins qu’on arrive à se rendre la saison intéressante jusqu’au bout.
Est-ce que l’idée que tu te faisais de la Ligue 1 correspond à la réalité ?
Globalement oui. Après, personnellement, je ne pensais pas qu’on allait être autant en difficulté dans des domaines auxquels on n’avait pas pensé.
C’est-à-dire ?
Ouais, c’est assez flou ! Je veux dire que sur le plan tactique et technique, on s’attendait effectivement à être en difficulté, mais il y a d’autres domaines auxquels je n’avais pas pensé. Je l’ai tout de suite vu contre le PSG : l’engagement, la détermination. Dans tout ce que faisaient les joueurs, une accélération, un appel de balle, ils y mettaient une très grande détermination. Et à ce niveau-là, je ne pensais pas que l’on pouvait être déficitaires. Or c’est précisément sur cet aspect-là qu’il y a eu le plus de différence entre nous et eux. Finalement, c’est assez paradoxal, on pensait peut-être être plus en difficulté que ça, mais avoir aussi un peu plus de points. C’est vrai que pour le moment, on n’a jamais été surdominés, on n’a pas pris plus de deux buts encore dans un match. Bon d’accord, à l’arrivée, si on les perd tous 1 à 0, on aura un goal average correct, mais un nombre de points ridicule ! Mais si on regarde bien, ça reste plutôt positif d’arriver à rivaliser avec nos adversaires. C’est de bon augure pour la suite. Parce qu’à l’inverse, si tu prends le bouillon tout le match, mais que tu finis quand même à un point, tu te dis que tu ne peux pas réaliser ça sur toute une saison. Alors que là, on se dit qu’au vu de notre progression qui est constante depuis le début de la saison, c’est plutôt encourageant pour la suite. Certains peuvent prendre ça pour de l’optimisme mal placé, mais on a bon espoir que cette régularité dans les performances soit payante rapidement.
Et puis l’optimisme n’est pas une tare…
Non. C’est toujours mieux de rester positifs tous ensemble. J’ai déjà vécu des descentes et il n’y a rien de plus terrible que de voir que le groupe lâcher en cours de saison, même inconsciemment, par fatalisme. Mais ce n’est pas notre état d’esprit.
Si on me donnait le choix, au même niveau, je préférerais jouer dans le champ que dans les buts, même si j’adore jouer dans les buts.
En tant que gardien, qu’est-ce qui t’a le plus marqué par rapport à la différence de niveau entre L2 et L1 ?
Chez les attaquants en Ligue 2, tu vois très vite les petits défauts des joueurs, tandis qu’en Ligue 1, même les joueurs qu’on dit un peu lents, moi je ne les vois pas aller si doucement que ça ! Ce qui me marque, c’est que je n’ai pas encore vu d’attaquants avec des défauts vraiment flagrants du genre « Ah ben lui, il n’a pas de pied gauche, on n’a qu’à jouer là-dessus et on est peinards. » Après, globalement, tout est un ton au-dessus et il ne faut pas laisser trop de liberté aux joueurs offensifs parce qu’ils te le font payer rapidement dans les 25-30 derniers mètres. On n’avait pas assez pris la mesure de cela. C’est-à-dire qu’on fait plus ou moins jeu égal au milieu du terrain, mais on est moins percutants dans la zone de vérité, pour reprendre des mots savants du jargon footballistique !
Tu n’as pas mis longtemps à te mettre au niveau. Pour ton premier match, au Parc, malgré les deux buts pris en première période, tu réalises quand même une prestation pas vilaine et tu évites la valise à ton équipe. T’en as pensé quoi avec du recul ?
En fait, j’ai eu du mal à apprécier et à jauger mes prestations lors des 4 premières journées en fait. Et sur ce premier match, il y avait tellement de choses qui s’accumulaient (une première en L1, face au PSG, au Parc des Princes, un dimanche soir et sur Canal !, ndlr) que j’ai eu du mal à prendre du recul là-dessus. Pour caricaturer mon ressenti ce jour-là, j’aurais pu jouer dans un stade vide, je n’aurais pas vu la différence. C’est presque un regret en fait… Et sur le plan sportif, sans forcément avoir la sensation d’avoir fait un mauvais match, je regrettais d’avoir pris un but sur les trois, quatre premières frappes du match.
Ça t’a fait quelque chose de jouer au Parc pour la première fois de ta vie ?
Honnêtement, j’aurais préféré les jouer maintenant afin de vivre ça de manière un peu plus pleine. Pourtant, sur le coup, je me disais : « Putain, essaye d’apprécier le moment, regarde un peu où tu es ! » , mais je n’y arrivais pas. J’étais un peu hors du temps. C’est le contexte qui a primé sur tout. Au-delà du fait que ce soit ma première en L1 et au Parc, je revenais surtout de blessure, je n’avais pas joué le premier match et je pensais surtout à être performant. Et puis, quand tu prends deux buts en 20 minutes, t’as un peu les boules…
Faut dire aussi que la frappe de mule que te met Matuidi, elle n’est pas facile à voir venir !
C’est clair. On va dire que je lui ai amorcé sa petite série (rires) ! Je l’ai mis en confiance pour le match de Montpellier où il a aussi marqué et surtout pour le match des Bleus. En somme, je lui ai lancé sa nouvelle carrière de buteur ! Plus sérieusement, je savais que quand il se retrouvait dans cette situation, il avait plutôt tendance à faire une frappe croisée au sol. Finalement, il la met en force au premier poteau, c’est comme ça…
On va parler un peu de ton parcours. Tu as toujours voulu être gardien ou alors, comme c’est souvent le cas, t’as remplacé un jour dans les buts un pote blessé lors d’un tournoi de poussin ?
Non, j’y suis allé de mon propre chef quand j’avais 8 ou 9 ans. J’avais envie d’essayer, pour voir ce que ça faisait. Et quand on jouait avec mon grand frère dans le jardin, c’est aussi moi qui allait souvent aux buts… Donc j’ai joué gardien à partir de ce moment-là, même si une année, en cours de saison, vers 14 ans, j’ai voulu retourner sur le champ, et ça s’est plutôt bien passé. D’ailleurs, si on me donnait le choix, au même niveau, je préférerais jouer dans le champ que dans les buts. Après, ne te fais pas de fausses idées, j’adore jouer dans les buts ! Mais cette expérience sur le champ m’a beaucoup aidé à améliorer mon jeu aux pieds.
Du coup, après Châteauroux, tu fais le choix de partir…
(Il coupe) Mouais, le choix, pas forcément… Disons surtout que c’est Châteauroux qui ne me propose pas de signer pro !
Ça a été dur à avaler ?
Oui, parce ce que c’est un échec tout simplement. J’ai essayé vite fait de retrouver un autre club pro, mais il n’y a rien eu de concret. Et ça n’a pas non plus été évident de trouver un club de CFA qui accepte de faire confiance à un gamin de 19 ans qu’un club pro vient de refuser.
J’ai jamais été aussi performant que lorsque je faisais d’autres choses à côté du foot.
Donc tu rebondis d’abord à Brive (en CFA), puis à Toulouse-Fontaine (CFA 2). Et en parallèle, tu mènes des études supérieures, c’est ça ?
Oui, j’ai d’abord eu mon bac S avant de passer avec les pros à Châteauroux. Puis j’ai mis mes études entre parenthèses. Et c’est en signant à Brive que j’ai repris mes études en passant un BTS informatique de gestion. Et comme je voulais aller au-delà du BTS et que ça coïncidait avec notre descente en CFA2, j’ai eu moins de scrupules à chercher autre chose ailleurs. J’ai cherché une formation qui me permettait de pouvoir changer de ville si jamais une opportunité dans le foot se présentait de nouveau. J’ai donc intégré l’école d’ingé du Cesi à Toulouse (Clément en est sorti avec un diplôme d’ingénieur en informatique, ndlr). On va dire que c’était dans la continuité de ma descente vers le sud : Châteauroux, Brive, Toulouse, c’est sur le même axe… (il réfléchit) En fait, je suis un mec qui longe l’A20 !
T’as donc adapté ta carrière de footballeur à tes études ?
Oui et non. À Brive, j’ai d’abord signé au club avant de voir ce qu’il y avait comme formations intéressantes dans le coin. Mais, à Toulouse, c’est vrai que la démarche a été inverse et que j’y suis d’abord allé dans l’idée de poursuivre mes études. Tout en me laissant une liberté certaine, puisque j’avais la possibilité, même en cours d’année, de changer d’établissement tout en restant dans la même école. Au cas où.
T’as envisagé à un moment donné de t’orienter vers un métier plus classique tout en gardant le foot comme hobby principal ?
Oui, tout à fait. C’était un peu ça l’idée quand j’ai poursuivi mes études. Mais je voulais quand même continuer le foot à un certain niveau.
Entre les études supérieures et un poste de titulaire en CFA, ça doit faire des semaines sacrément chargées…
C’est clair. On avait entre trois et cinq entraînements par semaine plus le match, plus les études. À Brive, je devais avoir environ 40 heures de cours par semaine. Mais avec le recul, je me rends compte que, même si c’est moins le cas maintenant, j’ai jamais été aussi performant que lorsque je faisais d’autres choses à côté du foot. Disons que ça me permettait d’avoir une certaine vie à côté qui me maintenait dans le truc. Et puis c’était super enrichissant de côtoyer des personnes totalement extérieures au football. Mais maintenant, depuis que j’ai parfaitement assimilé la profession de footballeur, je sais qu’il y a plein de choses à faire en dehors des entraînements et des matchs. Les soins, le repos, ça fait partie de notre travail. C’est ça que je n’avais pas encore compris quand j’étais à Châteauroux.
Tout ça, ça ne devait pas te laisser beaucoup de temps pour jouir des plaisirs de la vie étudiante !
Si, on arrive tout de même à s’offrir des moments libres et à s’évader un peu, mais c’est sûr que je ne pouvais pas faire le fameux JvsD (en gros, la bringue du jeudi au dimanche soir, ndlr) si cher aux étudiants !
Comparé à cette époque, le quotidien du footballeur pro est-il plus reposant ?
Ah ouais, c’est la question polémique, avec ma réponse qui fait le gros titre, hein c’est ça ?! Je te vois venir !
Quand tu vois le Barça ou le Bayern jouer d’un côté, et nous de l’autre, on ne fait pas le même métier ! Il faut en être conscient.
Ah bon, les journalistes font ça ?
Il paraît, ouais. Donc pour répondre à la question, ce n’est pas forcément plus reposant, car si tu appréhendes ce métier comme il se doit, tu as quand même des contraintes fortes que ce soit en matière de pression, d’implication, de gestion du corps, etc. Si tu veux véritablement être performant et mettre toutes les chances de ton côté, ce n’est pas si facile. D’ailleurs, mes parents ou mon frère me le disent quand ils viennent me voir de temps en temps, ils sont surpris du peu de temps que je passe à la maison. Je me force presque à avoir un rythme soutenu parce que je sais que si je reste tranquille et que je suis oisif à la maison, ça se ressent sur mon tempérament et sur mon jeu.
Pour finir, toi qui as connu les deux mondes, professionnel et amateur, quel regard tu portes aujourd’hui sur l’un et l’autre ?
Je trouve qu’il y a du mérite à jouer dans l’un ou l’autre. Et puis après, je connais le monde pro oui, mais je ne connais pas le milieu professionnel du côté des étoiles, celui du gratin européen. Et je pense qu’il y peut-être presque plus d’écart entre le monde pro d’une grande partie des clubs de Ligue 1 et celui des tops clubs qu’entre le monde amateur et le monde pro à proprement parler. Et en matière de football aussi, hein, c’est pas vraiment le même sport. Quand tu vois le Barça ou le Bayern jouer d’un côté, et nous de l’autre, on ne fait pas le même métier ! Il faut en être conscient. Mais sinon oui, je pense qu’il y a du mérite à évoluer dans les deux mondes. Dans celui des pros parce que, et ça les gens n’en ont peut-être pas conscience, tous les footballeurs n’ont pas les conditions de vie des meilleurs joueurs du monde dont on parle tout le temps. Pour le grand public, tous les footballeurs gagnent un million d’euro par mois pendant quinze ans, ce qui est loin, très loin d’être le cas. Je crois qu’en France, le salaire moyen est d’environ 40 000 euros, mais si t’enlèves les salaires des joueurs de Paris, Lyon, Marseille et quelques autres, je pense qu’on peut facilement diviser la moyenne par deux. Donc il y a ça déjà, et il y a aussi le côté précaire du métier. Sur l’ensemble des joueurs pros, ils sont très peu à signer des contrats de trois, quatre, cinq ans. Je pense donc que beaucoup ont du mérite par rapport à ça. Ils ont une certaine forme de pression parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a la famille derrière et qu’il ne s’agit pas de la nourrir que quelques années durant. Moi, personnellement, c’est la première fois de ma vie que je signe un contrat de deux ans. Alors certes, les montants des salaires des footballeurs sont bien plus élevés que ceux de la majorité des Français, ce n’est pas la question, mais ce n’est pas toujours évident de résister à cette forme de pression du résultat, de la performance individuelle qui est nécessaire pour durer dans ce milieu.
D’autant que le chômage des footballeurs est une réalité…
Oui, c’est peut-être con à dire, mais je pense que ça doit être le métier avec le plus fort taux de chômage. Parce qu’on parle toujours des meilleurs joueurs qui eux feront de très longues carrières, avec des salaires de fou, mais on oublie vite qu’à côté ils sont nombreux à galérer. La durée moyenne d’une carrière, c’est autour de six ou sept ans, je crois. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut cotiser aussi durant les trente-cinq années qui suivent pour arriver à la retraite ! Il faudrait voir, mais contrairement à l’imaginaire collectif, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de mecs qui peuvent se permettre de ne rien foutre à la suite de leur carrière. Après, c’est certain que du côté des joueurs les plus rémunérés au monde, il y a une forme d’excès, de démesure aujourd’hui. Disons que la fracture sociale est peut-être plus prononcée dans le football que dans d’autres domaines, avec une vraie différence entre les plus hauts et les plus bas salaires.
Tu nous fais un petit hommage à Jacques Chirac, là !
C’est ça, exactement, la fameuse fracture sociale de la campagne de 95 !
Et au niveau amateur, du coup ?
Il faut saluer les mecs qui s’investissent énormément dans le foot juste par passion. Quand tu travailles à côté, ce qui est le cas de la plupart des joueurs de CFA, ta vie personnelle et familiale n’est pas simple à gérer. Je trouve que ma compagne avait plus de mérite d’être avec moi quand j’étais au niveau amateur que maintenant. À cette époque-là, j’étais aussi pris par le foot, voire plus, et les concessions n’étaient pas les mêmes.
Bon, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour conclure cet entretien ?
C’est assez évident, mon souhait ultime, c’est le maintien. Au-delà d’un souhait, il faut qu’on prenne conscience que c’est vraiment ce qu’on veut et qu’on peut le faire. Un, pour ne pas être ridicule, et deux, pour y croire le plus longtemps possible. Parce que sinon, les trois derniers mois de la saison, on va vraiment se faire chier !