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  • Interview Tactique

Claude Puel : « Je n’ai pas de modèle »

Propos recueillis par Mathias Edwards
9 minutes
Claude Puel : « Je n’ai pas de modèle »

Le système à une seule pointe de Claude Puel a marqué, en bien ou en mal, tous les clubs sur lesquels le technicien a posé ses griffes. Actuellement à la recherche d'un nouveau terrain de chasse, l'ancien entraîneur de Lyon décortique ses techniques de prédation.

Claude Puel, que ce soit à Lille ou à Lyon, vous avez toujours privilégié un système avec une seule pointe. Pourquoi ?

95% des équipes engagées en Ligue des champions jouent avec une pointe, donc cela veut peut-être dire quelque chose. Cela veut dire qu’il est important de densifier le milieu de terrain pour avoir la maîtrise du ballon et s’imposer, que ce soit en 4-3-3, en 4-4-1-1 ou en 4-2-3-1. Mais j’ai également joué pas mal de matchs avec deux pointes, ou avec trois attaquants sur la largeur. Il peut également y avoir des changements de système en cours de match pour essayer de renverser une situation ou pousser encore plus en fin de match. Il y a un système qui est mis en place, et ensuite il y a des évolutions, que ce soit à l’intérieur d’un match ou d’un match à l’autre. Rien n’est jamais figé.

Souvent, vous avez placé Karim Benzema ou Lisandro Lopez à gauche. Cela apporte quoi d’avoir un avant-centre sur le côté ?
D’abord, quand je place Benzema ou Lisandro à gauche, ils ne jouent pas ailier gauche. C’est simplement un positionnement de départ qui leur permet de rentrer sur leur pied droit, de s’appuyer sur l’attaquant axial et d’utiliser leurs qualités en échappant au marquage, en se situant entre les lignes. C’était le cas avec Gallardo quand on a été champion avec Monaco (en 2000). Je le faisais jouer à gauche, ce qui lui permettait de venir organiser entre les lignes et d’être performant, ce qui lui avait valu d’être élu meilleur joueur du championnat. Mais encore une fois, il faut faire attention aux stéréotypes des compositions de départ, et s’intéresser à l’animation. Un système, cela ne veut strictement rien dire. Ce qui est important, c’est la manière dont s’articule l’ensemble. On s’aperçoit souvent que cela n’a rien à voir avec le stéréotype de la composition telle qu’on peut la lire sur le papier, celle où untel est situé à droite et untel à gauche.

Oui, par exemple on qualifie souvent les schémas à une seule pointe de « systèmes défensifs » alors que vous avez souvent aligné en même temps Lisandro, Gomis, Bastos et Gourcuff…
Et Briand, également. A Lyon j’ai presque toujours aligné cinq joueurs offensifs dans l’équipe de départ, mais encore une fois… C’est vrai qu’au départ il y avait un système prépondérant à Lyon, avec le milieu à trois. Avec Juninho, on est obligé d’utiliser un système à trois, parce qu’on ne peut pas le faire jouer devant la défense. Donc on est aussi obligé d’utiliser toutes les possibilités de l’effectif. La saison dernière, on a Gomis, Lisandro, Briand, Gourcuff, Gonalons, Källström : si on met deux pointes, cela veut dire que Gourcuff ne joue pas parce qu’on ne saurait pas où le placer au milieu, ce n’est pas un joueur de côté. On essaie de tirer le meilleur parti de son effectif, de trouver un équilibre général pour utiliser tous ses meilleurs joueurs.

Lorsque vous arrivez dans un club, vous-vous adaptez à l’effectif en place, ou bien vous demandez à cet effectif de s’adapter à votre système ?
Quand on arrive dans un club, l’effectif est en place. On peut lui donner une nouvelle orientation lors des saisons suivantes, mais la première année on s’adapte et on adapte la composition et l’équilibre de l’équipe aux joueurs présents en essayant de tirer le meilleur potentiel de chacun.

Quels entraîneurs vous inspirent dans la manière de faire jouer vos équipes ?
Je n’ai aucun modèle en particulier. D’abord, je ne copie pas. Ce qui m’intéresse, ce sont toutes les équipes dominatrices, c’est à dire celles qui vont loin en Ligue des champions, qui gagnent des trophées. Ce sont des équipes toujours très solides, très compactes, très fortes techniquement et tactiquement, qui ont une grande capacité à garder le ballon mais qui sont efficaces à la récupération également. Pour schématiser, les meilleures équipes ce sont celles qui ont le meilleur potentiel offensif, la meilleure disponibilité en attaque, mais également la meilleure défense. C’est ce que sont capables de faire Barcelone, et maintenant le Real Madrid. Ca, c’est super.

Donc peu importe le schéma…
(il coupe) C’est secondaire le schéma ! Tous les schémas sont valables. En France on focalise trop sur les schémas, mais cela ne veut strictement rien dire le schéma. Encore une fois, ce qui est important c’est l’organisation générale, l’animation. Moi, j’aime bien que mon groupe ait un schéma préférentiel, de part la titularisation plus fréquente de certains joueurs, mais j’aime bien qu’il soit capable de changer en cours de match parce qu’il faut selon les circonstances apporter un plus offensif ou au contraire être plus solide par rapport à la composition de départ. Mes joueurs doivent savoir lire plusieurs schémas et y requérir selon les situations. Après, les schémas sont également dictés par les complémentarités des joueurs. Un 4-3-3 est plus favorable à trois attaquants dans la largeur, et un 4-4-2 à deux attaquants axiaux. Le joueur qui joue sur le côté dans un 4-4-2 est différent de celui qui joue sur le côté dans un 4-3-3. Dans un 4-4-2, il va devoir s’impliquer beaucoup dans les tâches défensives et avoir un vrai rôle de milieu de terrain, tout en attaquant. Donc cela fait appel à des joueurs à gros potentiel physique pouvant assurer les deux tâches. Tandis que dans un 4-3-3, on fait plus appel à des attaquants pour jouer sur les côtés parce qu’on a déjà trois milieux de terrain. Ce qui est important, c’est toujours l’équilibre de l’équipe et la complémentarité des joueurs qui la compose. Pour un entraîneur, c’est justement très intéressant de trouver le bon assemblage, fait de plein de petits détails. C’est très loin de ce que l’on imagine, ce n’est pas « allez, 4-4-2 ou 4-3-3, et je mets n’importe quels joueurs dans n’importe quelle composition« .

Vous évoquez souvent l’importance de la gestion des temps forts et des temps faibles. Comment apprenez-vous cela à vos joueurs ?
Dans un match, il faut être capable de changer de rythme. Si vous êtes tout le temps à fond, vous ne surprenez pas l’adversaire. Ce qui va surprendre l’adversaire, c’est justement un changement de rythme. Et il ne faut pas que l’adversaire puisse s’adapter à votre rythme. C’est pour cela qu’il faut alterner temps forts et temps faibles. Après un gros temps fort qui a nécessité une grande débauche d’énergie, on peut récupérer en s’accordant un temps faible tout en gardant le ballon. Cela requiert une bonne maîtrise, sans pour autant vouloir à tout prix percuter et aller de l’avant mais permettre aux joueurs de récupérer avant de repartir de plus belle. Tout cela est très long à acquérir parce que cela fait appel à de l’expérience, à de la maturité, qui réclament plusieurs années de professionnalisme. C’est assez lourd à mettre en place dans une équipe, parce que cela demande beaucoup de vécu commun. Cela fait partie de l’apprentissage d’un collectif.

C’est une des raisons pour lesquelles les entraîneurs lancent rarement plusieurs jeunes joueurs inexpérimentés d’un coup ?
Cela dépend des entraîneurs, certains lancent plus de jeunes que d’autres, chacun sa philosophie. Lancer un jeune est de toutes manières toujours délicat, mais il faut le faire parce qu’il n’y a pas d’autres moyens de lui donner de l’expérience et de continuer à le former. Quand on lance un jeune, au tout début on joue toujours à pile ou face. Il peut soit avoir de l’appréhension, soit être euphorique lors de sa première et disparaitre au match d’après. Donc c’est difficile. Mais cela ne fait rien, il faut quand même insister et lui donner du temps de jeu pour continuer à le former pour le club. Pour revenir à votre question, lancer plusieurs jeunes en même temps est encore moins évident vu qu’il y a un effectif qui est déjà en place, avec une hiérarchie -même si celle-ci peut être bousculée. Cela peut se concevoir sur des matchs de Coupe de France ou de Coupe de la ligue, même si on ne mésestime pas ces compétitions, parce que c’est intéressant de les aligner sur des matchs couperets pour les aguerrir. Wenger, par exemple, le fait très bien.

La manière dont vous avez fait jouer Lille et Lyon a perduré après votre départ. Pensez-vous avoir inculqué quelque chose à ces clubs ?
Ce n’est pas à moi de le dire. Simplement, quand je viens dans un club, c’est pour mettre en place des structures, faire monter des jeunes, mettre des effectifs en place. L’objectif, c’est que cela se passe bien après mon passage dans un club, parce que je m’inscris dans un travail de formation, dans la durée. Je ne suis pas un entraîneur de passage, ou un entraîneur qui essaie de prendre tout ce qu’il y a à prendre sur le moment. Ce qui m’intéresse, c’est structurer, renforcer l’encadrement, mettre en place des éducateurs, définir une politique sportive des jeunes jusqu’à l’équipe professionnelle. Et si le club continue à en bénéficier après mon passage, tant mieux.

Qu’est-ce que Rémi Garde a changé à Lyon ?
Je n’irai pas sur ce terrain-là.

Pourquoi les défenses à trois défenseurs centraux ont-elles quasiment disparu ?
Elles n’ont jamais vraiment existé en France, c’est quelque chose qui est surtout développé au Brésil. C’est très particulier, très difficile à utiliser, surtout face à des équipes qui jouent avec des ailiers. Cela demande de constamment s’adapter à l’adversaire, je préfère me concentrer sur mon équipe, qu’on impose notre manière de jouer plutôt que d’être toujours en observation. Je préfère les défenses à quatre, même s’il peut arriver qu’en cours de match on passe à trois derrière parce qu’on est mené ou qu’il faut faire à tout prix la différence dans les dix dernières minutes. Après, il y a des défenses à trois qui sont en fait des défenses à cinq, pour bétonner encore plus. Mais là, pour moi ça n’a pas de viabilité.

Comment occupez-vous vos journées actuellement ?
Je voyage beaucoup, je vais à l’étranger, je regarde des matchs internationaux, je commente les rencontres de l’équipe de France pour France Info. Je suis toujours l’actualité, en France comme à l’étranger, et cela me permet de me ressourcer et d’être fin prêt pour ma prochaine mission.

Justement, quel profil de club est susceptible de vous intéresser ?
Je serai très attentif à un challenge sportif ambitieux. J’ai besoin de relever de vrais challenges, avec toujours beaucoup d’ambitions.

Un club en reconstruction, comme Bordeaux, c’est le genre de défi que vous pourriez relever ?
Ce qui est important, c’est le potentiel. Si le club n’a pas le potentiel pour participer tout de suite à la Ligue des champions, il faut qu’il en ait la capacité à plus ou moins brève échéance, en termes de structures et de moyens. Donc sans citer de clubs, on verra cela tranquillement en temps voulu.

Quel est votre pronostic pour la Ligue 1 ?
Cela va se jouer entre Paris, Lille, Lyon, et Marseille qui peut revenir. Pour ce qui est de Montpellier, tout dépendra de leur deuxième partie de saison, il faudra voir s’ils parviennent à maintenir leur niveau de jeu, mais ce qu’il font actuellement est extraordinaire. Rennes, en gagnant un petit peu en maturité, peut également se mêler à la lutte. Mais Paris, Lille et Lyon sont vraiment favoris, Marseille risque de payer son retard.

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Et si Gyan n’avait pas tiré le penalty d’Uruguay-Ghana en 2010 ?
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Propos recueillis par Mathias Edwards

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