Helena Costa, c’était dans les tuyaux depuis quand ?
C’est très récent. J’ai un entraîneur qui s’appelle Régis Brouard, avec qui je m’entends bien, un garçon plein de talent, mais qui pour différentes raisons a besoin d’un autre challenge. Je pense à la suite quand je n’ai plus d’entraîneur, par respect pour eux qui ont un métier difficile. On a eu une discussion là-dessus, et ensuite, j’ai eu un contact avec Sonia Souid. Quand elle m’a appelé, je lui ai dit de s’adresser à Olivier Chavanon (ndlr : le conseiller technique à Clermont Foot), car je ne discute jamais directement avec les agents. Elle a insisté car « c’était particulier » et m’a adressé un mail pour expliquer le sujet. J’ai repris contact avec elle car je trouvais que l’idée n’était pas totalement saugrenue. On s’est rencontrés et on est partis dans cette réflexion.
Comment s’est déroulée la prise de décision ?
Je suis un peu luxueux, je décide ce que j’ai envie de décider sans avoir à demander l’avis à personne. C’était pareil pour Michel Der Zakarian ou Régis Brouard. Quand j’ai continué d’avancer, j’en ai parlé avec Olivier Chavanon : « Assieds-toi, il faut que tu sois assis et digère » … Après cela a été très vite : j’ai rencontré Helena Costa, et j’ai fait comme j’aurais fait avec un homme. Je lui ai dit que j’étais macho, elle a rigolé. Je me définis comme « rural instinctif » , une fois que j’ai rencontré les gens, que j’ai pu leur serrer la main, les voir… J’ai surtout évité d’être ébloui, car j’avais deux femmes en face de moi (ndlr : Helena Costa et Sonia Souid), il fallait quand même garder un peu de maîtrise, le charme est toujours trop cher. Cela s’est fait simplement, comme cela aurait pu se faire avec un homme. On a eu un bon feeling et c’est tout.
Dans l’entourage du club, y a-t-il eu des réticences ?
Je suis incapable de vous le dire, car personne n’était au courant. J’ai 85% des parts, le reste c’est l’association.
Les réactions des joueurs sont plutôt positives, vous avez donné des consignes ?
Je suis au Mans pour préparer le Grand Prix de France Moto, je ne suis pas à Clermont. J’ai appelé Olivier Chavanon, car les choses se sont un peu précipitées. On voulait annoncer plus tard, mais il y a eu une fuite au Portugal. J’ai dit à Olivier Chavanon : « Tu réunis les joueurs ce matin et tu leur dis simplement que l’entraîneur a été désigné, que c’est une femme. » Après, tout le monde a son avis, mais cela fonctionne simplement : il y a une hiérarchie, une décision, des joueurs qui sont là pour jouer au football, ils auront une patronne au lieu d’avoir un patron. J’avais déjà prévu que Chavanon se rapproche du sportif, il y a un staff qui existe, tout va se mettre en place simplement.
Au niveau médiatique, Helena Costa vous offre une lumière…
…démesurée ! J’ai même eu le New York Times au téléphone. C’est démesuré.
Elle est payée au même niveau qu’un homme à la même place
Vous vous y attendiez, mais vous n’avez pas recruté Helena Costa pour ça ?
On s’y attendait, mais pas à ce niveau. Il faut remettre les choses à leur place : il y a des femmes qui ont des responsabilités dans le monde, que ce soit comme Team Manager chez Williams ou Sauber en F1, des chefs de gouvernement… Le football est très conservateur, moi j’en parle d’une vue extérieure, je ne fais pas partie du sérail. Cela fonctionne en club fermé, les dirigeants du football français ne sont pas loin d’imaginer une ligue fermée et on y va par des chemins détournés… Ils cherchent de nouvelles recettes, ils n’ont pas un modèle économique excellent, il suffit de voir tous les clubs endettés. Il faut s’ouvrir à d’autres choses, mais comme chacun est très formaté… Peut-être que si j’étais un grand spécialiste, avec une vraie connaissance du jeu, je n’aurais pas pris une femme. Mon ignorance dans un certain nombre de domaines me permet d’avoir un peu d’inconscience, ce qui est plus sympa à vivre au quotidien…
D’accord, mais vous avez pris Helena Costa pour des qualités techniques, voire humaines…
Techniques ? Je suis incapable de vous répondre, on n’en a pas parlé et je ne m’occupe jamais du sportif.
Il y a bien quelqu’un qui a donné son aval sur le plan technique et sportif ?
Mais personne ! Le monde du foot est formaté. Avec Régis Brouard, chaque week-end s’il perdait, on disait qu’il était temps pour lui de faire ses valises. Tout ça parce qu’il venait du monde amateur. On ne comprend pas que les gens puissent vivre différemment. Pour la presse, dès qu’il y a de mauvais résultats, l’entraîneur est menacé. Régis Brouard, il n’avait jamais été question qu’il parte. Dans les grands clubs, on se réunit, on évalue, on met des plus et des moins, on a des BAC +5 qui analysent les qualités des gens à embaucher… Moi, je suis à 10 000 lieues de ça…
Mais on ne peut pas confier le poste d’entraîneur sans considérer les qualités techniques du candidat ?
Moi, je suis BAC -5, j’ai un instinct rural. À partir de ce moment-là, je fais ce que je ressens. Quand vous parlez avec les gens, que ce soit Régis Brouard ou Michel Der Zakarian, en fonction de la poignée de mains qu’ils vous donnent ou du regard qu’ils vous font, du challenge de vie qu’ils vous expliquent ou qui transpirent d’eux, vous pouvez savoir en dix minutes s’ils ont envie ou s’ils sont des fonctionnaires du sport.
Helena Costa a demandé et obtenu certains garanties ?
Non, non, non ! Aucune garantie. Elle vient toute seule et elle s’intègre à la vie du Clermont Foot.
Payée au même niveau qu’un homme ?
Oui, pourquoi elle ne serait pas au niveau d’un homme ? Je connais pas le niveau salarial dans les autres clubs, mais dans notre grille à Clermont, elle est payée au même niveau qu’un homme à la même place.
La pression sera surtout sur les entraîneurs en face d’elle
Certains comme Bruno Bini, l’ancien patron des Bleues, estiment qu’on risque d’attendre plus de Costa que d’un homme. Vous attendez quoi d’elle, des résultats, du plaisir à voir l’équipe jouer ?
Plaisir à voir l’équipe, je vais vous admettre une chose : je loupe au moins un tiers des matchs à Clermont. C’est le plaisir du public qui est important. Beaucoup de gens ont des objectifs élevés et ne les atteignent pas, cela fait un trou dans leur budget. Nous, on fait partie du peloton, donc si ça veut rire, on ira un peu plus haut, si cela ne sourit pas, on finira un étage en dessous. C’est la vie d’un club, faut qu’il soit structuré pour faire face. L’objectif du club ne compte pas autant que l’objectif de l’entraîneur et de ses joueurs, leur envie d’aller le plus haut possible. Après, il y a des aléas et les côtés irrationnels du foot. Qui aurait mis un billet mercredi sur Rennes contre le PSG ?
Si elle vous fait monter en Ligue 1, puis vous qualifie en Ligue des champions, le New York Times risque de vous solliciter à nouveau…
Je pense que j’enverrai quelqu’un d’autre pour répondre aux questions. Moi, je fais pour le besoin du club et son image. Ce qui intéresse le public, c’est les joueurs, le coach… Si ce que l’on a fait permet d’avoir plus de monde au stade, de faire parler du foot différemment, ce sera déjà un pas important. Les spots se sont allumés, maintenant il faut les maintenir éclairés.
Vous auriez pu prendre une Française ?
Oui. Mais je me suis ouvert à une proposition qui est venue à moi. Quand j’ai vu tous les éléments, le côté international, le parcours global de son voyage footballistique… Je pense qu’elle a un acquis d’expériences diverses et variées, et maintenant elle passe à autre chose. Le bagage qu’elle a va très certainement lui servir.
Régis Brouard il y a deux ans, Helena Costa aujourd’hui, on est dans une logique similaire ?
On est dans le même schéma : des gens qui ont un challenge de vie, une envie de réussir, des parcours différents, mais la même passion. Comment cela se traduit, on va voir. Avec Régis Brouard, on a vu que cela pouvait marcher. Le problème, c’est qu’on oublie souvent que les gens qui dirigent ont débuté un jour. Il est plus sécurisant de prendre des gens avec une réputation comme il est plus sécurisant pour un entraîneur de faire jouer des cadres que des jeunes. S’il fait jouer des jeunes et que cela ne marche pas, c’est de sa faute. S’il fait jouer les cadres, ce n’est pas de sa faute, car il a mis les meilleurs et les plus chers. Il faut faire évoluer ces choses-là et laisser les gens s’exprimer.
Avec Helena Costa, finalement vous ne prenez pas tant de risques, si cela ne fonctionne pas bien, personne ne pourra vous le reprocher ?
Je ne l’ai pas fait pour ça ! Précurseur ou suiveur, le risque est le même. C’est même peut-être plus dur d’être suiveur.
Si vous faites des émules, on se souviendra toujours de Clermont Foot comme le premier…
C’est bien pour la ville, c’est bien pour le club. Mais pour moi, le soleil continuera de se lever du même côté, je vais retourner dans ma coquille… Contrairement à ce que certains disent, comme quoi Helena Costa aura la pression, je pense que la pression sera surtout sur les entraîneurs en face d’elle. (rires).
Vous jouez contre Troyes ce vendredi pour officialiser le maintien, on en parle ?
Merci de me dire contre qui on joue car j’avais oublié (rires). C’est un match à onze contre onze, avec des gens sur chaque banc et il faut marquer plus de buts que les autres, c’est pas plus compliqué que ça…
Effet Bielsa à Marseille. Il y aura peut-être un effet Costa à Clermont ?
L’OM est une religion, comme l’ASM en rugby est une religion à Clermont. Nous, on sait où on est, on ne sait pas où on ira. On va rester raisonnables. On a 4000-5000 spectateurs invitations comprises quand tout va bien, on va pas s’imaginer en Champions League contre le Real…
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