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Clásico : de la difficulté des médias à se renouveler
En Espagne, on aime se répéter que le Clásico, c’est « el partido numero uno en el mundo ». Une affiche que les médias tentent toujours de faire passer pour « une finale de Ligue des champions ». Problème : elle a lieu au minimum deux fois par an, mais souvent plus. D'où une certaine complexité à se renouveler dans son traitement.
Ce mardi, à 21h30, Mateu Lahoz sifflera la naissance du 227e Clásico de l’histoire. Le 227e « plus grand match de tous les temps » selon la toujours mesurée presse espagnole. Avec une finale de Copa del Rey et son titre au bout, ces 90 minutes et plus si affinités revêtent il est vrai une importance capitale. Un Barça annoncé en fin de cycle et un Real qui a la dalle, mais toujours sans couronne, vont donc s’éventrer, se titiller, jouer des coudes et régaler dans un théâtre qui les a vus s’affronter il y a de ça deux saisons pour cette même Copa. De la bouche des journalistes espagnols, cette dite finale plus mourinhesque que tiki-taka, plus kick-boxing que danse contemporaine était de trop. « Lors de la première année de Mourinho, là c’était vraiment trop. Les deux clubs s’étaient affrontés quatre fois en deux semaines, et avaient remis ça pour la Supercoupe d’Espagne dès août » , avoue Carmen Colino, journaliste en charge de la section Real Madrid du quotidien pro-madridista As. Mais loin d’une possible overdose médiatique, tous les autres Clásicos restent, « s’il n’y pas d’incident, la meilleure publicité du football espagnol » , selon Fernando Polo, pendant barcelonais au Mundo Deportivo de la señora Colino.
« C’est compliqué de toujours se renouveler »
Le genèse de ce choc à la sauce bravas est plus que centenaire. La première confrontation entre ces deux institutions remonte au 13 mai 1902. Pour cette demi-finale de la seule édition de la Copa de la Coronacion (Coupe du Couronnement en VF), les Blaugrana s’étaient imposés 3-1. Depuis, l’Espagne, son histoire et son football ont connu moult rebondissements. Aux cinq premières Coupes d’Europe merengues a répondu le football total de Cruyff et Michels. À la Quinta del Buitre de la Fabrica a répondu la bande à Xavi et Iniesta fabriquée à la Masia. Un éternel recommencement pour savoir qui du Real ou du Barça a la plus grande. Dans un pays qui vit football, la presse n’a cessé d’épicer ce duel. En Espagne, six quotidiens sont uniquement dédiés à l’actualité du ballon rond, télévision et radio enchaînent les programmes footballistiques. Avec un minimum de deux Clásicos par saison, difficile donc de se réinventer… « C’est compliqué de toujours se renouveler avant un Clásico. D’autant plus que lors de telles semaines, nous avons plus d’émissions, plus d’heures d’antenne consacrées à ce match, avance Hector Fernandez, présentateur de l’émission « Primer Toque » sur Onda Cero. Il faut trouver un juste milieu. Donner la parole à nos journalistes qui suivent durant toute l’année ces deux clubs, qui ont des informations sur la vie des effectifs, et faire intervenir des « experts » tels que des coachs comme Capello ou Ángel Cappa. Les interviews sont rares, mais lorsque tu en as une, cela fait respirer le programme et évite d’être répétitif. »
Couleur du caleçon de l’arbitre, pages paires et impaires
La presse écrite, qui ne s’embête pas avec la neutralité, envoie la sauce en Une des semaines avant le Clásico. À l’approche du jour J, les éditions sont même bien plus épaisses. Pourtant, tout a déjà été dit et répété… « Forcément, dans le journal, il y a des choses qui se répètent. Avant un Clásico, les gens te disent généralement les mêmes choses. Alors il faut trouver de nouveaux interlocuteurs. On essaye également de faire de nouvelles pages, plus historiques, ou alors plus tactiques avec des entraîneurs qui donnent leurs avis. Pareil avec l’arbitre, on fait une page où l’on dénombre toutes ses décisions de l’année » , explique Carmen Colino. Avant un Clásico, tout est traité, de la hauteur de la pelouse aux repas des équipes. Il faut dire que depuis quelque temps, il y a encore plus de pages à remplir. « Il y a plus de pages dans les éditions car il y a plus de publicité. Et sachant que les pubs sont sur des pages impaires, nous devons bien remplir les pages paires. C’est aussi simple que ça » , dixit Fernando Polo.
Plus de 700 journalistes de 5 continents différents
Cette frénésie trouve écho sur le lecteur, auditeur et supporter. « Deux ou trois jours avant un Clásico, on note que l’audience grimpe en flèche. Beaucoup de gens veulent de l’information, écouter des interviews ou des débats d’opinion. L’intérêt augmente drastiquement chez les supporters. Il ne faut pas oublier que ce match génère une tension incroyable. Tout le monde veut donner son avis, que ce soit à la radio ou sur les réseaux sociaux » , relate Hector Fernandez en expert de la « chose » médiatique. Surtout, avec diverses périodes de domination continentale, cette rivalité et cette tension ont dépassé la barrière pyrénéenne et la façade méditerranéenne. La faute à des « Messi contre Cristiano, Guardiola contre Mourinho, Neymar contre Bale, Valdés contre Casillas, Piqué contre Ramos… » , selon Fernando Polo. « Il n’y a pas de match dans le monde qui focalise autant l’attention. Ça ne se limite pas à l’Espagne, lance Carmen Colino, pas peu fière de son Clásico. La Fédération espagnole a vendu les droits télés de cet événement à énormément de médias du monde entier. Au niveau des accréditations, elle a reçu quatre fois plus de demandes que de places disponibles dans le stade. » Lors du dernier en date, au Santiago Bernabéu, le Real Madrid annonçait avoir accueilli 700 journalistes des 5 continents. Un record qui ne va pas dégonfler de sitôt l’intérêt d’ « el partido numero uno en el mundo » .
Par Robin Delorme, à Madrid