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Clásico Barça-Real, année zéro
Pour le premier Clásico de la saison demain samedi, le Camp Nou a préparé un énorme tifo à la gloire de Vilanova. Une animation haute en couleur et en émotions qui scellera définitivement l'âge doré des derbys Barça-Real. Car oui, en rendant hommage à l'ex-adjoint de Pep et dernier entraîneur à affronter l'épouvantail Mourinho, le Camp Nou ouvrira un nouveau chapitre d'une guerre sans fin.
Pour la première fois depuis 2010, Mourinho ne sera plus sur le banc du Real Madrid. Le Barça, lui, se présentera pour la première fois depuis 2008 sans Pep, ni l’un de ses apôtres. Orphelins de ses entertainers, le Clásico semble avoir tragiquement perdu de son intérêt. Il faut dire que ces dernières années, le véritable Clásico du football mondial avait de quoi séduire même les plus irréductibles haters de la Liga. Bien au-delà du duel symbolique entre deux clubs que tout oppose radicalement, le duel à distance entre le philosophe Guardiola et le Special One Mourinho a accouché de moments véritablement épiques. Une telenovela où tout le monde devait clairement prendre partie pour l’une des deux équipes. Le gentil et brillant Barça mené par le frêle mais génial Lionel Messi contre le méchant et cynique Real Madrid porté par l’arrogant mais inarrêtable Cristiano Ronaldo. Un story-telling parfait pour celles qui étaient alors considérées sans aucune hésitation comme les deux meilleures équipes du monde, loin devant les autres cadors du football européen.
« Mourinho assassine le football espagnol »
Outre leurs castings de rêve et l’assurance d’avoir du spectacle, les derniers Clásicos ont surtout été le théâtre d’un maelström de tensions jamais vu entre les deux ennemis éternels. La guerre psychologique et dialectique que se sont livrés les deux camps avant, pendant et après le choc ont d’ailleurs rajouté du piment à des rendez-vous où chaque acteur semblait alors au sommet de son talent. À force de lutter pour une hégémonie symbolique, le Real Madrid et le Barça ont fini par payer très cher la multiplication des Clásicos (7 en 2010, 6 en 2011). Del Bosque, le sélectionneur espagnol, s’était même inquiété de voir ses petits gars de la Roja se foutre allègrement sur la gueule avec leurs clubs. Piqué, pour sa part, avait même déclaré que Mourinho, à lui tout seul, était en train « d’assassiner le football espagnol » . Avant l’Euro 2012, Xavi et Casillas avaient même dû se réunir pour panser les plaies ouvertes par le Clásico. Les Espagnols n’ont pas été les seules victimes collatérales de ces années folles. Mourinho, qui se targue encore d’avoir mis fin à l’hégémonie barcelonaise à lui tout seul, a également laissé quelques plumes dans ses affrontements contre le Barça. C’est en sortant de ces Clásicos que l’entraîneur portugais a commencé à perdre le contrôle du vestiaire merengue et de la situation en général. Obsédé par l’idée de terrasser les Catalans à tout prix, Mourinho a fini par se mettre à dos Cristiano Ronaldo, Sergio Ramos, Xabi Alonso ou encore Casillas, lassés de ses mises en place trop frileuses. Pire, trop occupés à s’épuiser mutuellement, le Barça et le Real ont surtout fini par se griller tout seuls. Le duel du 21 avril 2012 aura ainsi coûté très cher aux deux mastodontes de la Liga. Ce soir-là, Castillans et Catalans se tirent la bourre sans penser à leurs demi-finales retour de Ligue des champions contre le Bayern et Chelsea. Fatigués, Merengues et Barcelonais laissent filer leur ticket pour la finale rêvée, au profit d’équipes largement à leur portée. Un beau gâchis.
Ancelotti et Martino puceaux
Aujourd’hui, la situation des deux clubs n’est plus vraiment la même. Tata a remplacé Tito, et son polo couleur pistache dégueulasse est encore très loin d’avoir fait oublier les chemises cintrées de Guardiola. Même Carlo Ancelotti, qui n’est pourtant pas le premier venu, ne soutient pas pour l’instant la comparaison avec son charismatique prédécesseur. À l’image des deux entraîneurs, le Clásico de samedi ne fait pas vraiment saliver. Après des années de tempêtes médiatiques, l’heure est, semble-t-il, à l’apaisement. L’entraîneur argentin et son homologue italien abordent le premier Clásico de leur carrière et ça se voit. Le fait qu’aucun des deux ne lance les hostilités par voie de presse interposée traduit singulièrement les doutes qui hantent actuellement leurs équipes. Depuis le début de saison, le Barça et le Real peinent à séduire. Inconsistants et irréguliers, Castillans et Catalans affrontent le premier Clásico de la saison avec beaucoup plus de doutes que de certitudes. Bale et Neymar, les deux transferts stars de l’été, sont encore intermittents, Alexis et Benzema partagent le même goût pour l’abstinence devant les buts et le futur de Casillas et celui de Valdés sont tous les deux très incertains (pour différentes raisons). Le résultat de ce premier Clásico de la saison permettra de tirer les premiers bilans. Et de définitivement tirer un trait sur des années folles. Vraiment folles.
Par Javier Prieto Santos