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Clash of Clans

Par Grégory Sokol
Clash of Clans

Devenus monnaie courante dans le football européen, les succès du Shakhtar Donetsk n’en demeurent pas moins très récents, entre oligarchie, suprématie régionale et attentat.

Octobre 1995. Malgré la chute récente d’un communisme lui ayant octroyé sans effort les meilleurs joueurs du pays des décennies durant, le Dynamo Kiev règne toujours sans partage au sommet de la pyramide du football ukrainien. Le Shakhtar (les miniers, en vf) se veut devenir le nouvel empêcheur de gagner en rond et compte mettre toutes les billes de son côté avec Oleksandr Bragin à la tête du board. La région du Donbass alors en proie à de féroces luttes de gangs tentant de prendre le contrôle du juteux business local des énergies, le président, dont la vie a déjà été menacée, n’assiste plus aux matchs du club depuis quelque temps.

Le président du club victime d’un attentat

L’atmosphère du football lui manquant, Bragin décide cependant de faire une entorse à sa propre sécurité en se rendant dans la même journée à un match de la réserve puis, dans la foulée, à celui de l’équipe première qui reçoit le Tavria Simferopol, premier champion post-URSS. Toutes les mesures de précaution prises et le coup d’envoi de la rencontre déjà donné, Bragin n’attend pas son bras droit, Rinat Akhmetov, bloqué dans les embouteillages. Peu après qu’il a poussé la porte menant à la loge présidentielle du Shakhtar Centralnyi Stadion, une énorme explosion se fait entendre. Les spectateurs pensent d’abord à une pièce tombée du toit fraîchement installé, mais il n’en est rien. La rencontre est arrêtée, Bragin et quatre de ses gardes du corps ont péri dans l’attentat dont le doute sur l’identité des auteurs subsiste encore à ce jour.

Sans le savoir, le défunt avait néanmoins déjà pérennisé l’avenir du club en convaincant Rinat Akhmetov de s’engager à ses côtés au début des années 90. Amoureux de sa région natale, ce fils de mineur est d’abord réticent à l’idée de s’investir dans le football, avant d’y voir un vecteur de fierté dans une région industrielle à première vue peu attirante, et en particulier pour les joueurs de football. L’oligarque a fait fortune dans la sidérurgie, au point de devenir l’homme le plus riche du pays, et décide de doter le club d’infrastructures dignes des plus grands clubs européens dans l’espoir d’enfin parvenir à faire la nique au Dynamo Kiev. Des structures comprenant des terrains d’entraînement dernier cri certes, mais également un lac pour pêcher en paix ou encore un coin nature verdoyant où gazouillent les oiseaux, comme pour mieux contraster avec la grisaille des mines et le vacarme assourdissant des usines.

Anarchie en oligarchie

Fort d’un soutien populaire déjà fort, comme en témoigne l’affluence régulière au stade trois fois supérieure à la moyenne nationale, le Shakhtar Donetsk adopte sportivement une politique d’ouverture avec la nomination de managers étrangers, ainsi que l’arrivée de joueurs de tous horizons. Tout l’inverse d’un Dynamo Kiev qui n’arrive pas à se défaire d’un modèle historique soviétique. Comme le symbole morbide d’une passation de pouvoir, le Shakhtar décroche son premier titre de champion en 2002 sous l’égide de Nevio Scala, un mois après le décès de la sémillante légende Valery Lobanovsky, l’homme qui révolutionna à plusieurs reprises de ses innovations le club de la capitale. Les bases solidement posées, c’est à Donetsk que le vagabond Lucescu choisit d’enfin poser ses valises en 2004 pour conduire le club à la meilleure période de son histoire, avec en point d’orgue un succès en Coupe UEFA en 2009, plaçant ainsi le Shakhtar sur la carte de l’Europe non sans avoir éliminé en demi-finale… le Dynamo Kiev, dans une double confrontation à l’enjeu bien plus que sportif.

Le doux rêve d’Akhmetov s’est enfin réalisé. Proche du président Yanoukovych, l’oligarque, en qualité de président du parti des régions, a pignon sur rue au sein du gouvernement, ne cesse de s’enrichir, et son Shakhtar engrange les titres en même temps que les joueurs brésiliens comme Willian, Jadson… ou Brandão. L’homme sait également se faire aimer outre le sport, employant 300 000 personnes dans ses entreprises ou, de façon plus philanthropique, effectuant régulièrement des dons importants, notamment contre la tuberculose. De quoi rendre chafouin ses ennemis intimes, l’oligarque Ihor Surkis, président du Dynamo Kiev, et son frère, Hryhoriy, président de la Fédération ukrainienne de football et membre du parti social démocratique d’Ukraine, parti dirigé par les oligarques de Kiev.

Élan stoppé net par la guerre

Cette rivalité moderne entre les deux clubs les plus titrés à la suite de l’effondrement du bloc soviétique est à l’image du fort régionalisme qui a directement découlé de cet événement. Le temps où tout le pays, Donbass inclus, soutenait le Dynamo Kiev, car perçu comme symbole national au beau milieu du championnat d’URSS, est bel et bien révolu. Cependant, cette satanée roue si chère à Franck Ribéry a fini par tourner en défaveur d’Akhmetov. Yanoukovych renversé à la suite du soulèvement d’Euromaïdan et la guerre du Donbass faisant rage, le magnat ne souhaite pas abandonner sa région d’origine pour autant et utilise la presque neuve Donbass Arena comme lieu de distribution d’aide humanitaire pour les gens les plus nécessiteux. Pas de quoi égratigner sa cote de popularité donc, bien au contraire, et limiter l’engagement des ouvriers du côté des séparatistes pro-russes dans une région où beaucoup de gens préféraient encore une génération en arrière à Shakhtar le nom de Shaktyor, son pendant russe.

Ce même Shakhtar qui se retrouve aujourd’hui sans stade fixe, la Donbass Arena abondamment bombardée pendant le conflit et par conséquent inutilisable. Les joueurs étrangers hésitent même un temps à revenir jouer pour leur club, à l’image de Douglas Costa, Ilsinho, Dentinho ou encore Alex Teixeira, finalement sommés de revenir sur-le-champ par Rinat Akhmetov sous peine d’importantes pénalités financières. Depuis la crise, la fortune de ce dernier est passée d’environ 11 à 6 milliards de dollars selon Forbes, Douglas Costa s’est fait la malle pour la Bavière, et le club joue désormais à Lviv, à l’opposé du pays, tout en s’entraînant à Kiev. Bien difficile dans ces conditions de rester aussi compétitif et d’attirer sereinement de nouveaux talents. D’ailleurs, le Dynamo Kiev a reconquis le titre la saison dernière après cinq saisons de disette. Surkis rit, Akhmetov ménage la chèvre et le chou, parfois occupé à négocier avec les rebelles le passage de trains bloqués en territoire séparatiste russe où ses mines de charbon sont basées.

Une chose est sûre, l’unité nationale plus ou moins forcée sous le régime soviétique ne devrait pas revenir de sitôt. Vadym Karasyov, analyste politique, déclarait pour le Financial Times qu’ « aujourd’hui, plutôt que de vous demander votre origine ou votre nationalité, les gens veulent d’emblée savoir si vous venez de Kiev, Lviv ou Donetsk. Ils en déduiront ensuite de quel côté vous êtes » . Une bonne chose à savoir si vous partez en vacances en Ukraine.

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