- Premier League – J38
City-Liverpool : la dernière cerise
Au terme d'une saison qui aura été étouffante de bout en bout, Manchester City doit s'imposer dimanche à Brighton pour conserver son titre alors que Liverpool, qui reçoit Wolverhampton, sera dans l'attente d'une glissade des Citizens. Quoi qu'il en soit, il faut profiter de cette dernière cerise qui aura sans aucun doute choisi sa bouche début janvier, après avoir roulé sur onze millimètres de destin.
Il se murmurait qu’ils étaient morts, mais Pep Guardiola refusait de poser les armes. Pas le genre du mec. Souvenons-nous du préambule du Catalan, quelques heures avant cette soirée électrique de janvier : « Je refuse d’imaginer que ce qui est arrivé dans le passé va arriver dans le futur. Je sais que personne ne croit vraiment en nous pour le titre, c’est comme ça. Tout le monde nous demande ce qui va se passer si on perd. Mais non, nous, on voit surtout ce match comme une occasion magnifique de réduire l’écart (l’écart était alors de sept points en faveur de Liverpool, N.D.L.R.). Nous allons nous battre aussi longtemps que possible. » Puis, il y aura eu ce 3 janvier, une nuit où l’Etihad Stadium se sera mis à pétiller moins de huit mois après avoir célébré le premier champion d’Angleterre à 100 points et où, pour la première fois de la saison, Liverpool aura encaissé plus d’un but sur un match de Premier League. Cette soirée-là aura été un tournant d’une saison suffocante, qui s’apprête à livrer un verdict salé : dimanche, une équipe ayant amassé plus de 90 points en 38 matchs de championnat se déguisera en dauphin. Que faire ? « La seule chose que l’on peut faire, c’est de gagner ce dernier match » , s’est contenté de souffler vendredi Jürgen Klopp, chef d’une meute de Reds qui a déjà livré un chef-d’œuvre à l’histoire cette semaine et qui risque d’aborder ce week-end de la même manière : en essayant de convaincre son groupe que rien n’est impossible.
Une affaire minutieuse
Lors de sa dernière causerie avant de rejoindre Anfield mardi soir, Klopp avait insisté en expliquant à ses gars qu’un jour, peut-être, ils pourraient raconter à leurs petits-enfants à quel point cette soirée européenne avait été « spéciale » . Que fera-t-il dimanche à l’heure de défier Wolverhampton ? Difficile à dire, mais la situation est différente car Liverpool n’a en aucun cas son destin entre les pieds. L’objectif sera alors de faire le boulot et d’attendre que Manchester City, qui aura donc infligé début janvier la seule défaite de leur saison aux Reds (2-1), foire son audience finale à Brighton. Un Brighton qui n’a plus rien à jouer, qui est déjà assuré de rester en Premier League la saison prochaine et qui va se contenter d’être « professionnel » pour reprendre les mots de Lewis Dunk, le défenseur des Seagulls. Au bout de cette saison, l’impression est tenace : dans une course hippique monstrueuse, Liverpool va probablement perdre la poursuite avec 97 points dans les poches et on se demande sincèrement ce que les Reds auraient pu faire de plus.
Cette fois, pas de glissade, ni de séisme comme celui vécu au printemps 2014 lorsque Liverpool avait dérapé dans le sprint final en chutant à domicile contre Chelsea (0-2) et en se sabordant à Selhurst Park face à Crystal Palace (3-3) après avoir mené 0-3. Non : les Reds de Klopp sont assis sur une série de huit victoires consécutives et auront probablement perdu leur titre sur le nul concédé à un Manchester United en vrac (0-0) fin février ou pour avoir cédé quatre points en quelques jours fin janvier entre un nul à Anfield contre Leicester (1-1) et un autre à West Ham (1-1). Ils l’auront aussi perdu sur un sauvetage miraculeux de John Stones, venu dégager à onze millimètres près un ballon sur sa ligne lors du City-Liverpool du début d’année. À l’image de cette saison : une affaire minutieuse.
Le poids de l’incertitude
La vérité est, aussi et surtout, que Liverpool est tombé sur un Manchester City hors catégorie, qui couche actuellement sur le papier une série de treize succès consécutifs, qui a marqué plus de 90 buts cette saison et qui a su stabiliser sa défense lors du changement d’année. Un City taillé pour briller sur la durée d’un championnat, dont le jeu s’accorde sans doute moins avec la brutalité de la Ligue des champions, et qui a réussi à pousser pile au bon endroit, au bon moment, comme lorsque Vincent Kompany s’est en allé nettoyer la lucarne de Kasper Schmeichel lundi dernier. Ce missile a d’ailleurs placé les hommes de Guardiola dans une position idéale, ce qui a permis au Catalan de sortir quelques flèches de son carquois : « Je sais que la majorité des médias préféreraient que Liverpool gagne à la fin, mais nous sommes là. Je suis désolé pour vous, mais c’est à nous de décider. »
Autorité, confiance, agressivité, il y a tout dans le Pep Guardiola du printemps alors qu’en prime, ces hommes mettent la manière à l’exécution de ce qui serait un joli coup : après Manchester United sur la période 2007-2009, Manchester City peut devenir la première équipe des années 2010 à conserver son titre. Quoi qu’il en soit, cette ultime bataille à distance entrera dans l’histoire, au niveau de celle entre Blackburn et Manchester United en 1995 ou celle entre City et United en 2012, et fera date au terme d’une semaine qui aura porté le foot anglais au sommet. Le foot, tout court, car même si une journée de championnat n’aura jamais le goût d’un match à élimination directe, nous sommes cette saison des enfants gâtés qui assistent à un défilé d’émotions rares. Ce dernier week-end de la saison de Premier League est dans ce cadre une cerise merveilleuse sur un gâteau crémeux, où il y aura un crève-cœur et un champion brillant. C’est le poids de l’incertitude, mais aussi sa force.
Par Maxime Brigand