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Ciro Esposito, six mois plus tard
Le Napoli et la Roma se rencontrent pour la première fois depuis le tragique décès de Ciro Esposito. L'affaire n'a toujours pas été élucidée et le deuil n'est pas encore fait.
Lorsque la Lega di Serie A a dévoilé le calendrier de la saison 2014-2015, nombreux sont ceux qui ont cherché en priorité la date du Napoli-Roma. Et le destin a joué un mauvais tour : ce sera le 1er novembre, la Toussaint, le « jour des morts » . Macabre coïncidence. Pour des raisons de sécurité, le match a été avancé à 15h, un horaire inédit pour un samedi en Italie. Ciro Esposito avait été mortellement blessé par balle le 3 mai dernier lorsqu’il se rendait au Stadio Olimpico de Rome pour assister à la finale de Coupe d’Italie entre son Napoli et la Fiorentina. Presque six mois jour pour jour sont passés, mais personne n’a encore été condamné pour cet assassinat. Ciro s’est éteint le 25 juin dernier, sa famille et ses amis attendent que justice soit faite. La situation paraissait pourtant limpide dans un premier temps, mais elle tend à s’enliser.
Martyr trop tôt ?
Ciro Esposito a été de suite élevé au rang de martyr, victime de cette violence qui gangrène la plupart des stades italiens. Violence à laquelle il aurait peut-être participé. Son agresseur, Daniele De Santis, est à l’hosto depuis six mois. Pour cause, il a été roué de coups et pourrait perdre l’usage d’une jambe. Il a aussi encaissé quelques coups de couteau bien placés. La photo de son arrière-train abîmé a ainsi fait le tour du web il y a quelques semaines. Une photo jointe à une lettre dans laquelle « Gastone » – c’est son surnom – explique qu’il a tiré pour se défendre de ses agresseurs. Théorie de légitime défense donc. Les différentes versions de la reconstitution sont identiques dans leur ensemble. Un car de tifosi du Napoli passe, De Santis lui lance des objets, d’autres supporters napolitains à pied tentent de le stopper et se lancent à sa poursuite… C’est à ce moment-là que naissent deux versions.
L’avocat de la famille Esposito soutient que les coups de feu sont partis avant l’agression et l’avocat de De Santis l’inverse. Qui pour témoigner ? Eh bien, pas grand monde, comme l’a récemment déclaré à la Gazzetta dello Sport Antonella Leardi, la mère du défunt : « J’ai parlé avec Gennaro Fioretti, l’autre blessé, il m’a dit qu’il ne se rappelle rien. Il y avait 25 personnes au moment des faits, et personne n’a témoigné… » Ambiance « omerteuse » . Quoi qu’il en soit, légitime défense ou pas, « Gastone » a bien reconnu qu’il était l’auteur des coups de feu. Il n’avait évidemment pas de permis de port d’armes. Restent d’autres mystères à éclaircir : qui étaient les hommes qui accompagnaient De Santis ? Pourquoi aucun policier ne se trouvait dans cette zone délicate ? Quid de cette voiture de police accourue sur les faits et repartie aussi vite ? Pourquoi l’ambulance est arrivée si tard ? Bref ? Christophe Hondelatte a du boulot.
Où en sont les réconciliations ?
Maintenant que l’on a bien compris que les réponses à nos questions ne seront pas données de sitôt, pensons à d’éventuelles réconciliations entre les deux parties. Et c’était plutôt mal barré. Bien qu’il fut un ex-ultra de la Roma et ne fréquentant plus le stade depuis des années, des pensionnaires de la Curva Sud n’avaient pas tardé à soutenir De Santis avec une banderole déroulée le match d’après : « Courage Daniele » . Ce n’est que le 30 août que cette même Curva a enfin reconnu ses responsabilités dans un communiqué. Mieux vaut tard que jamais, l’escalade de violence devrait s’arrêter là. On pouvait cependant craindre le pire lorsqu’un serveur romain travaillant à Naples a été poignardé – heureusement sans gravité – à la mi-juillet. Un évènement qui a été dans un premier temps relié au décès de Ciro, mais fausse alerte.
C’est maintenant aux clubs de s’activer pour que la page soit définitivement tournée. Officiellement, rien n’a été fait depuis le 25 juin dernier. Agir dans la foulée aurait pu être mal interprété, mais aucune initiative n’a été prise à l’approche de la rencontre. Une situation qui a le don d’exaspérer Antonella. Elle avait par exemple déclaré au lendemain du dernier Juve-Roma et des sorties polémiques de Totti sur la régularité du championnat : « Il ne doit pas chauffer les supporters avec certaines phrases, d’autant que lestifosi romanistidégainent facilement le pistolet ou le couteau. La mort de mon fils devait être un avertissement, mais la Roma est le seul club qui ne m’a pas fait officiellement d’excuses. » La volonté de la part des dirigeants giallorossi de se dissocier totalement de cet acte a finalement eu l’effet inverse. Ce soir, le match se disputera sans supporters adverses au San Paolo, mais il suffirait d’un geste symbolique de la part des entraîneurs et des joueurs pour apaiser les tensions et se rappeler que dans les années 80, Roma et Napoli avaient mis en place l’un des plus importants jumelages du football italien.
Par Valentin Pauluzzi