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Circa Waves : « Les deux jambes de Liverpool sont la musique et le football »
Mélodique et pop, le rock de Circa Waves s'inscrit parfaitement dans l'héritage musical de Liverpool, ville où le groupe s'est formé en 2013. Et comme on parle respect des traditions, la bande est évidemment passionnée de ballon rond. Mais avec une particularité : son leader, Kieran Shudall, soutient Everton alors que son compère bassiste, Sam Rourke, préfère les Reds. À l'approche du Merseyside Derby de ce dimanche, les zikos expliquent comment un groupe peut survivre malgré ce genre de rivalité. Avec, évidemment, quelques vacheries.
Avoir un supporter de Liverpool et Everton dans le même groupe, ça ne doit pas être facile tous les jours. Surtout quand il y a derby.Sam Rourke : On se fricote, mais ça va. J’ai même une petite affection pour Everton désormais, tellement ils sont merdiques.
Kieran Shudall : Et voilà, c’est parti…
SR : On a regardé ensemble le dernier derby, celui où Origi nous donne la victoire en toute fin de match avec un but absurde. C’était nul pendant 95 minutes, et puis la lumière est venue… Une nouvelle preuve que Dieu est supporter de Liverpool.
KS : Et la glissade de Gerrard, ça te dit quelque chose ?
SR : Je ne vois pas de quoi tu parles.
KS : Ho, je m’en rappelle très bien, moi. L’un des plus grands moments de l’histoire du foot, je dois dire.
SR : Non, vraiment, ça ne me dit rien.
KS : La dernière finale de Ligue des champions aussi, c’était pas mal. On jouait à un festival à Manchester, il n’y avait aucune télé dans les coulisses. Alors on l’a matée sur mon portable, juste entre nous au début. Mais au fur et à mesure, plein d’autres musiciens se sont greffés en ramenant leurs bières. Dont Miles Kane, Jake Bugg… C’était assez surréaliste, une sorte de who’s who du rock anglais des années 2010 tous ensemble en coulisses à regarder un match de foot sur mon petit écran de téléphone.
SR : J’étais le seul à souhaiter la victoire de Liverpool, là-dedans… Au coup de sifflet final, j’ai filé direct.
KS : Pendant que nous, on ouvrait le champagne.
L’ancien bassiste de Circa Waves était lui aussi supporter des Reds. Un rapport avec son départ ? KS : Maintenant que tu le dis, le manager de notre dernière tournée était pour Liverpool aussi… Et il a été viré. Fais attention Sam, t’es le prochain.
Ça ressemble à quoi Liverpool, un jour de derby de la Mersey ?KS : La tension est tangible, tu peux le sentir dans l’air. Mais ce n’est pas aussi fort qu’à une certaine époque.
SR : Quand les deux équipes se battaient pour les premières places, le derby engendrait plus d’émotion. C’est une rivalité plutôt amicale, en fait. Moi, j’ai grandi à Wigan. Et quand je suis arrivé à Liverpool, j’étais surpris de constater que dans les pubs de la ville, tu tombes sur des fans des deux équipes qui se marrent tous ensemble.
KS : L’humour scouser prend le pas sur la haine. Le vrai enjeu est : qui va se faire charrier le lendemain ? À Liverpool, on est forts à ça. En tant que fan d’Everton, je dois dire que je vis les jours de derby avec la peur…
À quel point le football est important à Liverpool ?KS : Je ne peux pas imaginer Liverpool sans le football. Ça lui a donné une stature, un prestige et un héritage dont je me sens fier… Et beaucoup d’argent, aussi. Et puis ce que j’adore, c’est que le foot y est un sujet de conversation sûr. Tu peux aller à n’importe quelle fête et demander à un inconnu : « Alors, Red or Blue ? » Tout le monde a une opinion. C’est simple, les deux jambes de Liverpool sont la musique et le football : c’est sa vie, l’air qu’elle respire. Quand j’étais jeune, on me sortait du lit le dimanche matin pour aller jouer au foot avant de mater le match de championnat. C’est comme ça que ça marche. Les autres sont vus comme bizarres.
SR : Le rapport entre football et musique est très fort, à Liverpool. À la naissance, on te donne un ballon, une guitare acoustique et un livre de partition des Beatles. C’est la base, et après tu te débrouilles pour le reste. Je suis tombé sur des matchs de Liverpool des années 1960, le public était incroyable. Il n’y avait pas encore de places assises, tout le monde était debout. On aurait dit une marée rouge de 100 000 personnes, et ça chantait les Beatles à fond. Un vacarme terrifiant, mais magnifique. À côté, les supporters de Tottenham par exemple sont horribles. Ils chantent juste « Harry Kane is one of our own » , puis changent de nom de joueurs et répètent le morceau… Ils n’ont qu’une seule chanson, c’est tout. Tragique. Puis tu vas à Goodison Park, et il y a une nouvelle chanson toutes les semaines.
KS : Je crois que ça vient du côté underdog de la ville de Liverpool : c’est un lieu historiquement pauvre et varié avec des Irlandais, des Africains, des Indiens… Ça a créé une culture riche, et une sorte de nécessité de se souder les coudes face aux difficultés. Et rien de mieux que chanter à l’unisson pour se sentir former un tout.
Quel est votre meilleur souvenir de football en tournée ?KS : Durant la dernière Coupe du monde, on jouait à un festival anglais et le public s’est mis à chanter le fameux « It’s Coming Home » . Au lieu de les arrêter avec un morceau à nous, on les a accompagnés et ça a donné un moment vraiment magique : en voyant ces 40 000 personnes hurler la chanson devant nous, j’avais l’impression d’être moi-même un joueur de foot sur le terrain.
SR : Pourtant, nous ne sommes pas fans du tout de foot international, pour être honnête. Je suis un fan de Liverpool avant tout, et je préfère les voir remporter un championnat que l’Angleterre gagner la Coupe du monde.
KS : C’est juste sympa d’être tous derrière la même équipe pour une fois, que tu sois supporter de Chelsea, Everton, Manchester… L’ambiance était géniale dans les pubs. Les Three Lions, c’est juste une bonne excuse pour aller se bourrer la gueule en fait.
Propos recueillis par Kerill McCloskey