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Cinq bonnes raisons d’aller voir T2 Trainspotting
T2 Trainspotting, la suite du chef-d’œuvre de Danny Boyle paru en 1996, est sorti mercredi. Moitié trip nostalgique touchant, moitié comédie potache un peu gênante, le film brille au moins par ses références footballistiques. Ce qui offre quelques bonnes raisons de voir le nouveau volet des aventures des plus beaux des junkies écossais.
1. Il y a du Hibs partout, vraiment partout
Suivant le style très pop choisi par Danny Boyle, le film s’ouvre par des séries d’images passées en accéléré. Parmi elles, un Cruyff turn dévastateur, réalisé par le maître lui-même. Puis, les noms des quatre acteurs principaux défilent sur des images granulées de gamins tapant la balle dans une arrière-cour sale. Comme un symbole de leur innocence plus tard engloutie par la drogue. Le premier volet s’ouvrait, sur fond d’Iggy Pop, avec le discours culte de Mark Renton, le personnage incarné par Ewan MacGregor, énonçant les banalités de la vie de tous les jours, auxquelles il préférait l’héroïne. En plus de refuser « de choisir un job, une carrière, une putain de grosse télévision » , l’anti-héros préfère oublier sa « putain d’équipe de foot qui ne gagne jamais » .
Cette équipe, celle chérie par les personnages créés par Irvine Welsh dans son brulot de 1993, c’est Hibernian. Ou Hibs, club du quartier de Leith, au nord d’Édimbourg. Tournée en grande partie à Glasgow pour raisons budgétaires, le premier Trainspotting gomme les spécificités locales présentes dans le roman. Si le film est un succès phénoménal, l’absence de Leith est critiquée. Pour expier ses fautes, Danny Boyle fait cette fois-ci dans le local. En plus d’utiliser quatre titres de Young Fathers, groupe phare de la ville, de citer le nom de Leith à maintes reprises, le réalisateur ancre la trame du film dans le quartier en foutant du Hibs partout.
Dès l’une des premières scènes, la cellule du psychopathe moustachu Francis Begbie est décorée aux couleurs du club, à coups de fanions, écharpes et posters blanc et vert. Même chose ou presque chez le peroxydé Sick Boy, où un survet’ des Hibees traîne négligemment sur un fauteuil. Quatrième et dernier larron de la bande, Spud, le loser au visage si formidable et particulier, est le seul à ne pas encore s’être sorti de cette saloperie d’héroïne. On le voit aller toucher sa dose, terrorisé d’en être encore là, dans une cage d’escaliers qui pue la pisse à deux jeunes dealers au regard absent. Sur le mur, le nom de Hibs dégouline en lettres noires. Comme dans les toilettes d’un club où Renton part méditer une heure plus tard.
2. Le frère de l’ancien capitaine de Hibs s’est noyé dans la drogue
Si Danny Boyle n’est pas Ken Loach et a peut-être eu peur de faire un vrai film social, la situation de Spud, drogué de vingt ans, demeure la plus touchante. Une manière de rappeler que même si le quartier va mieux, son passé de « capitale européenne de l’héroïne » ne peut pas s’effacer à coups de restaurants courus. À Leith, des dizaines de famille ont perdu un proche à cause de la drogue. Dans les années 80, tout le monde est touché, que ce soit les dockers ou les joueurs de Hibs. Comme John Hugues, gamin du quartier qui a porté quatre ans les couleurs de son équipe favorite de 1996 à 2000 avant d’en devenir l’entraîneur neuf ans plus tard. Actuellement à Raith Rovers, en D2 écossaise, il racontait en 2009 comment son grand frère, Peter, était mort d’une overdose à tout juste trente ans.
Footballeur de talent, il avait préféré la seringue aux crampons. En faisant le choix inverse, John Hughes, également passé par le Celtic, est devenu une sorte de modèle. À l’époque, il assurait que sa seule consolation était que Peter soit enterré dans le même cimetière que ses parents. Celui à côté du stade d’Easter Road, « derrière les buts » .
3. Peter Marinello tenait l’un des pubs favoris des personnages du film
Aujourd’hui encore, « you fucking junkies » reste une insulte que les adversaires aiment balancer aux fans d’Hibernian. Quelques joueurs et pas mal de supporters ont, il faut dire, joué sur les deux fronts. En 1970, la jeune star locale Peter Marinello est transférée à Arsenal. Il marque pour son premier match face à Manchester United et est vite présenté par la presse comme « le prochain George Best » . Une comparaison réussie, mais plus pour sa belle gueule et son style de vie que pour sa carrière, dissoute encore plus vite que celle de son glorieux aîné.
Après avoir arrêté en 84, il finit par reprendre un célèbre pub de Leith, où Renton et ses potes aiment vider quelques pintes dans le livre de Welsh. Il le rebaptise Marinello’s, le bar accueille les supporters après les matchs, mais est un vrai bouge. Mal géré par son associé, il coule rapidement. L’ancien attaquant a de toute manière d’autres soucis, comme un fils également accroc à la drogue. On raconte que Marinello doit parfois lui-même payer pour les doses… Depuis, le gamin va mieux, l’ex-star a déménagé à Bournemouth et son vieux pub glauque s’appelle The Leith Depot. Un bar branché, où des étudiants en lettres s’envoient des gin tonic sur du Françoise Hardy.
4. Renton et Sick Boy évoquent l’année de George Best à Hibs
Gin Tonic est justement le nom de l’album de l’ancienne compagne de Jacques Dutronc, sorti en 1980. Année durant laquelle George Best, le vrai, évolue à Hibs avant de s’envoler chez les San Jose Earthquakes. Comme partout, l’ange nord-irlandais n’a pas laissé indifférent. Dans T2, Renton et Sick Boy décident de sceller leur amitié renouvelée en faisant ce qu’ils font le mieux : se défoncer la gueule. La quarantaine bien tapée, ils optent pour des doses conséquentes de cocaïne plutôt que pour leur vieille héroïne. En pleine montée, les deux vieux potes font ce que nombre de mecs trop en confiance font en présence féminine : (trop) parler de football. Pic de leur discours passionnés sur les merveilles de Hibs, l’année passée en vert et blanc par George Best, qu’ils citent comme « le meilleur joueur de tous les temps » . Si la charmante Veronika, jouée par Anjela Nedyalkova, n’a que faire d’un vieux footballeur d’avant sa naissance, les fans d’Hibernian rendent toujours hommage au Ballon d’or 68, à travers un chant adorable : Going on the piss with George Best (Se bourrer la gueule avec George Best, ndlr).
Ses beaux jours déjà loin derrière lui, Best a quand même réussi à marquer les esprits et trois buts. Dont un contre le Celtic. Suffisant pour s’assurer un amour éternel et une référence dans un film sorti en 2017.
5. L’auteur du livre est abonné au stade
Best et Marinello figuraient tous deux dans le XI type des Hibees cité par Irvine Welsh au Daily Record en 2013. Aux côtés de ce bon Franck Sauzée que l’auteur compare alors à… Franz Beckenbauer. S’il vit aujourd’hui à Miami, loin de sa grisaille natale, Welsh continue de suivre ses deux amours footballistiques. West Ham, sa petite copine londonienne du temps où il traînait dans les cercles punks, une seringue ou une guitare jamais bien loin. Et surtout Hibs, l’équipe pour laquelle il rêvait de jouer enfant.
Dans Lust For Life : Irvine Welsh and the Trainspotting Phenomenon, l’auteur John Neil Munro révèle que son joueur préféré était le milieu ou défenseur Pat Stanton, dont il rêvait d’acquérir un vieux maillot au début de sa carrière d’écrivain. Munro cite également une lettre dans laquelle Welsh vomit sur l’ennemi d’Hibs, Heart of Midlothian, le club de l’establishment. Plus positif, la légende raconte que l’écrivain conserverait un abonnement au stade, disponible pour toute personne désireuse de voir un match, mais n’en ayant pas les moyens.
Par Thomas Andrei