Comment est né ton livre, Brazil, The Beautiful Game ?
En fait, l’idée de ce livre est née il y a presque 20 ans, lorsque je participais à un reportage pour GEO Magazine. J’étais dans les banlieues d’Argentine, là où Maradona est né, et je dois avouer avoir été fasciné par la pauvreté de ces lieux, ou plutôt par la passion qu’ont les gens de ces quartiers défavorisés pour le football. J’ai donc décidé de documenter ces endroits où la plupart des footballeurs d’Amérique du Sud commencent leur carrière. Et pas seulement au Brésil ou en Argentine, mais dans tous les pays du continent.
Pourquoi publier un livre essentiellement sur le Brésil, dans ce cas ?
Parce que j’y vis depuis plusieurs années et que je garde le même plaisir à tenter de capturer la passion footballistique de ce pays. L’année dernière, je suis donc parti à travers tout le pays pendant trois à quatre mois pour finaliser le projet. L’idée était de savoir comment les Brésiliens s’intéressaient au football et comment ils le pratiquaient au quotidien, quelle était la relation entre le foot et la population. C’était vraiment très excitant de rechercher des lieux, des personnes et des sujets pour alimenter mon livre. Ça m’a donné la possibilité de traîner sur la plage, dans les favelas, autour des grands buildings de São Paulo, de fréquenter les amazones… Le plus fou, c’est que partout où je suis allé, j’ai ressenti une énorme passion pour ce sport.
De ton côté, quel rapport entretiens-tu avec le foot ?
Je ne suis pas un grand fan de football, j’aime simplement regarder les Coupes du monde. Ayant grandi en Argentine, je supporte à la fois l’Argentine et le Brésil. Pour le reste, je suis surtout passionné par la culture du foot dans ces pays-là. Le fait que ce sport soit un élément central à la fois dans les loisirs et dans l’éducation est tout à fait fascinant.
Dans ton livre, tu sembles mettre au même niveau les footballeurs professionnels, les amateurs et les supporters…En vérité, je n’ai photographié qu’un tout petit échantillon de footballeurs professionnels, et seulement dans le stade Maracanã. Tout simplement parce que c’est un lieu indispensable. Mais le reste du livre a surtout pour but de se focaliser sur la rue et sur le mode de vie des supporters brésiliens : comprendre l’ambiance au quotidien, mais aussi la passion et l’obsession des Brésiliens pour le foot.
En effet ! On voit d’ailleurs que tu t’es également beaucoup intéressé au beach soccer…
(Il coupe) Je pense que la plage est l’endroit parfait pour le plaisir et pour passer un bon moment, mais aussi pour se montrer. On le voit, la plupart des gens là-bas vont sur la plage pour voir et être vu. Il faut montrer à quel point vous êtes bon au foot, à quel point vous êtes cool, etc. C’est l’endroit démocratique par excellence pour le football : tout le monde y a sa chance. Pour utiliser des clichés, le football est au Brésil ce que la bonne bouffe est aux Français et l’art aux Italiens. C’est une partie de leur vie !
Tu vis au Brésil depuis plus de 20 ans. Comment est l’ambiance actuellement ? Quelques semaines avant le début de la Coupe du monde…
Tout le monde est très excité ! Mais j’ai le sentiment que de plus en plus de personnes sont énervées par rapport au coût de la Coupe du monde. C’est la plus chère de toute l’histoire. En plus, les infrastructures ne sont pas finies, loin de là. Ça symbolise assez bien la relation ambivalente qu’ont les Brésiliens avec cette Coupe du monde : d’un côté, ils sont ravis, de l’autre, ils ont conscience que tout l’argent du pays part dans cet événement. Mais je suis sûr que, quelques jours avant la Coupe du monde, les Brésiliens vont mettre cette colère de côté. Ils aiment trop le foot et la fête pour ne pas en profiter à 100%.
Que penses-tu des manifestations au Brésil contre la Coupe du monde ?
Ils ont complètement raison. Les Brésiliens veulent de meilleures assurances, une meilleure éducation et des tas d’autres choses que le gouvernement a préféré ignorer pour dépenser des fortunes dans la Coupe du monde. Du coup, les gens soupçonnent les dirigeants.
Tu penses également qu’il y a eu corruption ?
Oh oui ! Mais là où il y a beaucoup d’argent en jeu, il y a forcément de la corruption.
On dit souvent que le football et la religion entretiennent une relation très forte au Brésil…
Oui, ce sont deux éléments interconnectés. J’ai photographié des gens qui avaient des tatouages dans le dos : ça représentait un crucifix avec le logo de Flamengo au milieu. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Tu as grandi en Argentine, mais tu vis désormais au Brésil. J’imagine que tu dois avoir ta petite idée sur la véritable patrie du football ?
(Rires). C’est difficile à dire parce que les Argentins ont également un rapport très fort au football. Ça ne plaisante pas non plus là-bas (rires). La seule différence entre les deux pays, je pense, c’est que les Brésiliens vivent au jour le jour avec le football. C’est une véritable obsession. Mais c’est difficile de dire quelle est la meilleure équipe. On verra bien à la Coupe du monde.
Qui supporteras-tu, du coup ?
Je vais supporter l’Argentine et le Brésil, mais je ne dirai pas mon favori avant d’avoir vu les premiers matchs. Je serai derrière l’équipe qui m’excitera le plus.
Propos recueillis par Maxime Delcourt
Pour voir un des très beaux diaporama photos de Christopher Pilitz consacré au football, en l’occurrence Brazil, football as religion, c’est par ici.
Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses