Christopher Owona, mort d’un ex-Canari

Il n’est pas question ici de reprise de championnat, de transferts ni même de ballon. Mais de balles. En vérité, c’est une affaire bien sordide qui nous vient de la classe la plus prolétaire du football professionnel. A part quelques furieux passionnés du football d’en bas, vous ne connaissez sûrement pas Christopher Owona. Normal, jusqu’à il y a moins d’un mois, cet ancien joueur de 25 ans n’avait rien fait pour se faire connaître du grand public. Il était un parmi la foule de ces espoirs ayant tenté leur chance en intégrant un centre de formation. En l’occurrence celui du FC Nantes. Il n’y signera jamais un contrat professionnel, éjecté comme tant d’autres avant même le début d’un semblant de carrière. Pas assez bon, pas assez de chance, merci, au revoir.

Né à Nantes, d’origine camerounaise, il a laissé passer sa chance. Le football professionnel est un monde cruel où les losers, s’ils persistent à faire du football leur métier, échouent tout en bas de l’échelle. CFA, CFA2, National, ces championnats dont tout le monde se fout pas mal, où l’on ravale ses regrets en tapant la balle sur des terrains pas glorieux devant une assistance de quelques centaines de spectateurs, au mieux.

Pour Owona, c’est un parcours de baroudeur du pauvre qui s’est présenté, avec un tour du grand quart nord-ouest : La Roche-sur-Yon, Niort, Carquefou, Brûlon, Poitiers, Châtellerault, ces villes de province qui ne peuvent exister footballistiquement qu’en espérant un exploit en Coupe de France (Remember « Carquefou, c’est fou ! » ). Semi-professionnel –les clubs de CFA sont par définition en théorie constitués d’amateurs– on n’y gagne pas tellement plus qu’un Smic. On doit donc se débrouiller pour vivre au jour le jour et assurer une après-carrière bien souvent incertaine quand on a plaqué les études pour tout miser sur le football.

Christopher Owona a été retrouvé mort mardi 21 juillet dans le coffre d’une voiture en flammes, dans un terrain vague de la banlieue nantaise. L’autopsie a révélé qu’il avait deux balles dans le crâne et était décédé avant l’incendie. Une exécution. On est pour le coup bien plus proche d’un nouvel épisode glauque de “Faites entrer l’accusé” du duo Hondelatte–Rizet que d’un clip guilleret de “Téléfoot” de la paire Jeanpierre–Astorga.

D’après les premiers éléments de l’enquête, il s’agirait d’un règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants. Une arnaque dans une transaction de cannabis à laquelle aurait pris part Owona. Il avait pris sa retraite sportive il y a deux ans. On n’est pas dans le monde du dernier contrat lucratif au Moyen-Orient, du tour d’honneur et du jubilé. A 23 ans, il a fallu se débrouiller à vivre sans les crampons, quitte à troquer sa carrière de sportif pour une autre bien plus dangereuse. La Police le pistait depuis quelque temps déjà. Apparemment pas que la Police d’ailleurs. Des proches ont reconnu qu’il avait quitté son appartement la veille du meurtre et qu’il se déplaçait fréquemment armé.

D’après Ouest-France, une information judiciaire pour « assassinat et complicité d’assassinat » a été ouverte par le parquet de Nantes, avec la thèse du guet-apens privilégiée. Depuis, un homme d’une trentaine d’années, qui serait la dernière personne à avoir vu Owona vivant, a été mis en examen pour complicité d’assassinat et un second pour non-dénonciation de crime. L’auteur présumé des tirs a pris la fuite et est toujours activement recherché. Selon les enquêteurs, il serait question d’une arnaque qui aurait pu rapporter 40 000 à 60 000 euros. Soit l’équivalent d’environ un mois de salaire d’un joueur moyen de Ligue 1. Ou de deux jours de celui de Cristiano Ronaldo au Real.