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Christopher Aurier : « Serge n’a pas fait les mêmes conneries que moi »
Pas facile de se faire un prénom quand on est footballeur et frangin d'un des meilleurs latéraux de l'Hexagone. C'est le cas de Christopher Aurier qui foule les pelouses gelées de cinquième division belge pendant que Serge fait des toros dans la Ville Lumière avec Di María, Cavani et Rabiot. Formé comme son frère aîné à Lens, le cadet n'a pas toujours fait les bons choix, a connu du coup pas mal de galères, mais espère à vingt-trois ans remonter en selle et percer à moyen terme dans le monde professionnel.
Salut Christopher, bon, j’imagine que tu as regardé le match face au Barça. T’étais au Parc ?Non, non car j’avais entraînement. On s’entraîne à 19 heures et on finit un peu tard, donc le temps de rentrer, c’était impossible. Du coup, j’ai regardé un peu la fin du match sur la route jusqu’à Lille en streaming sur mon téléphone. J’ai pris un risque pour ce gros match. On va dire que c’est un risque acceptable (rires). Le PSG n’a pas laissé le Barça respirer.
Pas trop déçu de ne pas voir ton frère titulaire ?Si, j’étais très déçu, car il mérite de jouer, mais Meunier commence aussi à bien s’adapter, c’est un très bon joueur. Techniquement, il est à l’aise, c’est un ancien attaquant et ça se ressent dans sa conduite de balle. Il mérite de jouer, mais je préfère voir mon frère sur le côté droit. J’étais triste pour lui, car il mérite aussi sa place.
Tu l’as eu au téléphone ?Non, je ne l’ai pas eu. Mais je pense qu’il était très content, car même s’il n’a pas joué, cette victoire, c’était la sienne aussi.
Et toi, tu viens d’arriver en Belgique alors ?Oui, je suis dans un bon club, à Rebecq en cinquième division. J’ai été bien accueilli et, petit à petit, je commence à avoir des liens avec les joueurs. C’est mon agent qui m’a dit qu’il avait un truc pour moi en Belgique. J’aime bien ce pays. Ils ne font pas allusion au fait que je sois le frère de Serge Aurier. Ils s’en foutent.
Au départ, tu n’avais même pas dit à tes coéquipiers que tu étais son frère.Non, non je ne l’avais pas dit (rires). C’est Martin, le défenseur central de l’équipe, qui m’a dit : « T’es le frère de Serge Aurier ? » Je lui ai répondu : « Non, non c’est pas moi » . Il m’a dit : « Arrête tes conneries ! » C’est la presse belge, en fait, qui avait dévoilé que j’étais son frère. Moi, je suis le frère de Serge Aurier, mais je suis avant tout Christopher. Je n’aime pas faire de bruit. Là, je vous parle par respect, mais sinon j’aime bien rester discret.
Au niveau de la personnalité, du caractère, vous vous ressemblez avec Serge ?On a à peu près le même caractère. On est posés, on aime rigoler, chambrer. On a beaucoup de fierté.
Et sur le terrain, en regardant une vidéo de toi, je me suis dis que t’as certaines de ses qualités même si tu joues attaquant.Ce n’est pas le même poste, mais c’est vrai que je suis puissant comme lui, rapide, et puis balle au pied, je sais faire quelque chose avec le ballon. À Lens, ils voulaient me faire jouer latéral gauche, on me disait que j’allais réussir à ce poste. Ils m’appelaient Patrice Évra. En U17 nationaux, j’ai mis 17 buts et du coup, je suis revenu attaquant. Je peux jouer sur le côté aussi, je suis polyvalent.
Malheureusement, tu n’as pas été gardé par les Sang et Or après ta formation, contrairement à ton frère. Quand j’ai quitté Lens, je suis parti faire un essai à Nantes. Ils voulaient me faire signer un contrat professionnel. Dans le même temps, il y a un autre agent qui m’a contacté et qui m’a dit : « J’ai un truc pour toi en Angleterre qui s’appelle Brentford, viens, t’inquiète. » Le club est en Championship. À l’époque, ils étaient en League One. Pour y aller, il m’a dit qu’il fallait d’abord signer un contrat avec lui. Je vais le voir au Novotel et avec l’intermédiaire que je connaissais, je signe et je pars en essai là-bas. Tout s’est bien passé, mais, à l’époque, je ne parlais pas anglais. Le coach m’a dit : « Dommage que tu ne comprennes pas mes consignes, sinon on t’aurait pris. » À mon retour, Nantes m’attendait. Le directeur sportif a même appelé mon frère pour lui dire de me faire venir. En fait, l’agent avec qui j’ai signé m’a dit d’attendre pour aller faire d’autres essais en Italie et notamment à Parme. Je ne voulais pas. Il m’a dit de ne pas aller à Nantes. J’ai attendu, il n’a rien fait. Quand j’ai rappelé Nantes, c’était mort, ils avaient signé un autre joueur. C’est là qu’ont commencé mes moments de galère…
T’as pris la direction du Qatar du coup ?Je suis parti une première fois, ça s’est mal passé, car ils avaient des règles où tu ne pouvais pas jouer avec plus de quatre jeunes étrangers dans un club. C’était un peu bizarre. Entre-temps, je suis parti faire un essai à Stalybridge en Angleterre et, là-bas, je n’ai pas aimé, car c’était trop loin. Donc j’ai quitté le club et c’est là où je suis reparti sept mois au Qatar dans un club de D1 qui s’appelle Umm-Salal. En fait, j’étais avec un agent qui cherchait juste l’argent et ça n’a pas fonctionné. Je ne suis pas tombé sur les bonnes personnes.
En quoi il cherchait à se faire de l’argent ? Le club qatari voulait me faire signer cinq ans, j’étais jeune, et ils ne donnaient pas de prime de signature, ils donnaient juste le salaire et l’agent, en fait, il a dit : « Non, on va les faire payer, ils ont de l’argent, tout ça. » Ils n’ont pas accepté, ça a commencé à faire des histoires et il a tout fait capoter, quoi…
T’es resté sept mois sans avoir signé de contrat ? Tu jouais quand même ?Je m’entraînais tous les jours et je faisais des matchs amicaux. J’avais une vie de professionnel, mais sans contrat.
Ils te filaient de l’argent ?Oui-oui, ils m’ont donné de l’argent à la fin. Ils m’ont donné 6000 euros en cash, car j’étais resté longtemps là-bas…
C’est à ce moment-là que t’es parti la première fois en Belgique ?Oui, à Templeuve. J’étais bien au début, mais je me suis blessé. Ligaments croisés. La galère, je ne voulais plus faire de foot, ça m’avait mis un coup sur la tête. Je suis parti habiter à Toulouse avec mes parents et j’ai repris au Toulouse Rodéo. J’ai fait six mois en DH, on est montés en CFA2 et après ça, le coach ne me faisait plus jouer, je ne sais pas pour quelle raison. Il a mis beaucoup de joueurs qui ont fait monter le club sur le côté.
J’imagine aujourd’hui que tu regrettes de ne pas avoir signé à Nantes…Faut l’accepter. Je suis tombé sur les mauvaises personnes la plupart du temps. J’étais mal conseillé. Pas mon frère. Après, je ne vous cache pas que j’étais jeune, je faisais des bêtises et c’est ça qui m’a ralenti. Je n’étais pas sérieux. Maintenant que je vois des joueurs que je connais, des gars formés à Lens qui ont percé, Geoffrey Kondogbia (Inter Milan), Thorgan Hazard (Borussia Mönchengladbach), Rachid Ait-Atman (Sporting Gijón), Raphaël Varane (Real Madrid), Dylan Deligny (FC Dudelange), ça me donne envie de revenir, car je me dis que je peux passer pro, même si ça fait longtemps que je n’ai pas eu de compétition dans les jambes. Je me dis que, tout doucement, je peux y arriver. À Rebecq, le staff est super bon, c’est intensif, je me crois dans un club pro avec les entraînements qu’on fait. Je veux m’imposer en Belgique et revenir. Pour commencer, j’aimerais au moins jouer dans une D3 ou une D2.
T’as fait quoi comme connerie ?En fait, je me voyais déjà pro. Des fois, je répondais au coach, je ne voulais plus aller à l’entraînement, je faisais des conneries à l’école. Des trucs de jeunes.
Ton frère n’a pas fait ça ?Non, Serge n’a pas fait les mêmes conneries que moi. Lui, c’était le contraire, il était irréprochable. Il vivait foot, il mangeait foot, il dormait foot. Moi, ce n’était pas le cas. C’est ça qui m’a fait arriver où j’en suis.
Il te donnait des conseils quand tu n’étais pas sérieux ?Il me disait : « Tu te rends compte de la chance que t’as ? Arrête tes bêtises parce que le jour où tu n’auras plus rien, tu vas te retrouver au quartier, tu vas voir comment ça va te faire mal. » Et il avait raison.
Il a quand même fait une belle connerie avec l’histoire sur Periscope. J’imagine qu’il a mis du temps à s’en remettre ?C’est du passé, il ne faut plus revenir sur le passé. C’est fini maintenant. C’était une connerie, il n’a rien fait de grave, il n’a pas non plus tué quelqu’un…
Propos recueillis par Jacques Besnard