- France
- LOSC
Christophe Galtier, un héros français
Tout juste titré avec Lille, Christophe Galtier se révèle clairement le maître d’œuvre et l’architecte de ce succès inespéré. Aussi, l'entraîneur incarne un modèle assez rare de persistance et d’intime conviction dans le foot français. Une solidité sans arrogance, qui tranche à l’heure des punchlines de conférence de presse. Après des années de bons et loyaux services, le voilà donc enfin récompensé.
« Le mérite en revient aux joueurs, ce sont eux les héros. » Christophe Galtier a engrangé trop d’expérience pour ne pas maîtriser la communication attendue d’un entraîneur. José Fonte, sur Canal Plus, a lui aussi exécuté sa figure imposée devant les micros : « C’est une victoire de travail, de solidarité. Et de talent, beaucoup de talent. C’est grâce à tout le monde : le staff, le club, les joueurs, les supporters. Cette victoire, c’est pour le Nord, c’est pour nous. » Avant, peut-être, de balancer l’essentiel : « Christophe Galtier a cette capacité à mobiliser tout le monde, à être très attentif aux détails. » Car durant toute la saison, le parcours du LOSC a clairement été identifié à celui de son entraîneur. Ces dernières années, et hormis peut-être Marcelo Bielsa, rarement un coach n’aura à ce point cristallisé la réussite sur le terrain de son club employeur. Une reconnaissance d’autant plus étonnante que le bonhomme ne la recherchait pas particulièrement, sans vouloir occuper le devant de la scène non plus.
« Un homme n’est que la somme de ses actes »
Ce LOSC venant priver le PSG du titre de champion de France n’est pas sorti de nulle part, et il n’est certainement pas un deus ex machina. Depuis son arrivée dans le Nord, Christophe Galtier l’a en effet d’abord sauvé des limbes de la L2, comme il s’y était parfaitement attaché avec Saint-Étienne auquel il avait ensuite offert un trophée tant attendu. Puis, il a catapulté les Dogues en Ligue des champions. Avant de les installer, enfin, sur le toit du foot français. Si bien que naturellement, l’austère excellence du personnage, ses certitudes tactiques, sa capacité à métamorphoser une équipe sans véritable star en une incroyable machine de guerre face à l’adversité lui attribue les caractéristiques familières d’un héros français.
Il a ainsi su retourner un derby crucial contre Lens et surpasser au Parc, sur le tableau noir, un Pochettino sans inspiration. Un exemple de la qualité des entraîneurs tricolores, donc. Dès le soir du titre, Raymond Domenech s’est d’ailleurs engouffré dans le lieu commun sur le plateau de L’Équipe du soir. Pourtant, cette vision qui flatte la fierté nationale et le goût très français pour la figure du sauveur ne saurait résumer le rôle ou l’importance de Christophe Galtier. Alors que cette L1 semble se terminer avec le départ de nombreux coachs (Thierry Laurey à Strasbourg, Rudi Garcia à Lyon, Stéphane Moulin à Angers…), le Lillois conclut lui aussi peut-être son cycle avec le sentiment du devoir accompli.
Force tranquille
Une ligne de conduite que l’ancien assistant de Perrin (à l’OL, Portsmouth ou Sochaux) a toujours désiré inscrire dans la durée, avec la certitude que les choses simples finissent toujours par s’imposer. Qui se souvient de ce qu’il avait déclaré quand il a débarqué du côté de Geoffroy-Guichard pour secourir les verts, en conférence de presse ? « Pendant mes dix jours de vacances de Noël, je me suis posé la question : « Comment redonner des repères à un groupe en perte de confiance ? » J’en ai conclu qu’il fallait un schéma de jeu très simple, basique. Je veux mettre les joueurs à leur poste, en leur demandant de faire ce qu’ils savent faire. »
Simple, basique. À l’heure des 40 ans d’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, Galtier a finalement rendu un bel hommage au slogan de la « Force tranquille » qui permit l’alternance en 1981. Son succès sur le fil en est la preuve. Non, le LOSC n’est pas un club né d’hier, même s’il a failli disparaître et que sa structure financière se situe désormais fort loin du patriotisme économique. Les supporters lillois ont retourné la Grand-Place, bravant couvre-feu et mesures sanitaires pour célébrer une fête trop longtemps attendue. Mais ce sacre représente, d’abord et avant tout, l’apothéose de l’ère Galtier et de sa philosophie de jeu. Une certaine idée de la France, une certaine idée du football.
Par Nicolas Kssis-Martov